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Mexique

Mexique : Les élections les plus chères du monde

64 millions de Mexicains se rendent aux urnes le 6 juillet prochain pour renouveler la chambre des députés, les mairies et élire 6 gouverneurs. Tous les sondages montrent qu’aucun parti n’aura la majorité et que l’abstention sera élevée. Des élections qui se caractérisent par l’absence d’idées et une propagande sans pareille.
De notre correspondant à Mexico

484 millions de dollars, c’est le budget accordé par le Congrès mexicain à l’Institut fédéral électoral pour le financement des partis politiques. Cette somme, partagée proportionnellement aux nombre de députés siégeant au Parlement, se répartit entre un budget ordinaire de fonctionnement et une subvention spéciale pour la campagne électorale du 6 juillet. Ce financement millionnaire accordé à des partis politiques n’a pas de précédant dans l’histoire électorale mexicaine, ni même dans le monde. C’est un tiers de plus que ce qu’ont dépensé, réunis, Al Gore et George W. Bush lors des dernières élections présidentielles américaines !

Il y a trois ans, de nombreux scandales financiers ont éclaboussés les deux principaux partis politiques mexicains. Le PRI, le parti de l’ancien régime, avait largement utilisé les entreprises nationalisées pour financer de manière occulte sa campagne électorale, en particulier à travers le syndicat de Pemex, la Compagnie nationale des pétroles. Le PAN, la droite conservatrice dont le candidat Vicente Fox a remporté les élections, est accusé d’avoir financé sa campagne avec de l’argent venu de l’étranger, ce qui est interdit par la Constitution. Le PRI vient d’être condamné à une amende de 100 millions de dollars, le PAN, au pouvoir, est parvenu à repousser l’échéance judiciaire. La justification de ce budget extraordinaire distribué cette année par l’IFE aux partis politique est donc d’assurer la transparence du financement des campagnes électorales.

La guerre des slogans

Mais les contribuables mexicains sont scandalisés par cette débauche d’argent public. Cette somme de 484 millions de dollars équivaut à une subvention de 16 dollars (18 euros) par électeur aux partis politiques dans un pays où 55 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. C’est le prix de deux gratte-ciel de 60 étages, de 10 hôpitaux, etc. Mais ce qui irrite le plus les Mexicains, c’est que cet argent ne sert même pas à faire connaître les programmes ou les plates-formes des partis politiques en lice. La bataille se fait sur les espaces publicitaires qui déversent un flot de spots aux messages populistes et mensongers.

Depuis un mois, il n’est plus possible de regarder un programme de télévision sans qu’il ne soit entrecoupé de centaine de spots ou de bandeaux politiques tous aussi vides de sens les uns que les autres. La réglementation des temps de publicité n’étant pas respectée, il faut trois heures et demie pour voir un film d’une heure et demie ! Tous les sondages montrent un mépris grandissant des électeurs qui devraient être de plus en plus nombreux à ne pas aller voter. Le pompon revient au président Vicente Fox et à son parti le PAN qui, non contents d’avoir reçu 26,5 % des 484 millions de dollars, utilisent les temps officiels du gouvernement pour promouvoir les résultats de trois ans de gestion paniste.

Depuis le 1er janvier 2003, la présidence de la République a fait passé pas moins de 9 000 heures de spots radio et 7 000 heures de télévision, tout cela à la charge du ministère des Finances puisque les chaînes de télévision facturent ces temps officiels en déduction de leurs impôts. L’Institut Fédéral Électoral a demandé à Vicente Fox de retirer sa propagande officielle, ce que le président a fini par faire de mauvaise grâce. Pour ne pas perdre la face, il a décidé que «la totalité des temps d’État disponibles seraient transférés à l’IFE pour intensifier et renforcer les valeurs démocratiques, la culture civique et la promotion du vote».

La raison de cette guerre de promotion tient à l’enjeu de ces élections. Vicente Fox qui n’a pas de majorité au parlement pour faire passer ses réformes, souhaite mobiliser les électeurs comme lors de la campagne présidentielle de juillet 2000 où 17 % d’entre eux avaient voté pour le changement alors que leurs votes allaient habituellement à d’autres partis. Le problème est que ces élections, que l’on appelle «intermédiaires» parce qu’elle se déroulent exactement à la moitié du mandat présidentiel, n’ont pas aux yeux des Mexicains une grande importance. C’est donc généralement le vote dur des partis, c’est à dire celui des militants qui s’exprime. La crainte de Vicente Fox et du PAN est bien sur de ne pas mobiliser suffisamment le vote «conjoncturel» : si les électeurs ne se rendent pas aux urnes , le vote en faveur du PAN ira décroissant au profit de l’efficacité du vote dur du PRI qui reste le parti ayant la base militante la plus large.

La droite pourrait donc bien se retrouver avec un nombre égal ou inférieur de sièges à la chambre ce qui serait catastrophique pour gouverner les trois ans à venir et préparer les présidentielles de 2006. D’autant que cette bataille à coup de millions de dollars et de bras de fer avec l’IFE pour gagner quelques milliers de vote, pourraient bien empêcher de futurs accords politiques pour consolider la démocratie et donner un nouveau tour à la transition que les Mexicains réclament depuis trois ans.



par Patrice  Gouy

Article publié le 04/07/2003