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Mexique

Les États-Unis convoitent Pemex, les pétroles mexicains

La déclaration d’un groupe de sénateurs républicains a déclenché une nouvelle polémique dans l’escalade que se livrent le Mexique et les États-Unis. Ils réclament ni plus ni moins que la dénationalisation de Pemex, les Pétroles mexicains.
De notre correspondant à Mexico

Depuis son opposition à la Maison Blanche sur l’Irak, le Mexique est la cible des «faucons» républicains qui veulent «se venger» de leur non-alignement sur la politique nord-américaine. Le Mexique qui cherche à rétablir une bonne relation bilatérale a proposé l’ouverture de discussions sur le problème migratoire. Un problème humain, économique et financier qui concerne plusieurs millions de travailleurs émigrés qui passent légalement ou illégalement la frontière. Mais les faucons républicains exigent que le Mexique paye le prix fort: «Si les Mexicains veulent un accord migratoire, qu’ils ouvrent les pétroles mexicains aux investisseurs nord-américains!»
Ce chantage a fait monter d’un ton la relation bilatérale et l’antiaméricanisme des Mexicains qui trouvent leur puissant voisin de plus en plus arrogant. Le pétrole est au Mexique un thème tabou, le général Lazaro Cardenas avait précisément nationalisé le pétrole en 1938 pour donner au Mexique une souveraineté face aux Etats-Unis. Le président Vicente Fox est immédiatement monté au créneau pour dire «qu’en aucune manière il n’accepterait de négocier cet accord en échange d’une ouverture de Pemex à l’investissement étranger».
Pemex n’est pas à vendre, les parlementaires américains le savent de longue date. Il s’agit donc d’une nouvelle provocation du Congrès qui veut négocier, en position de force, les accords commerciaux qui vont entrer en vigueur avec les dix ans de la signature de l’Alena (Accord de libre échange nord-américain). Comme le signale le très sérieux journal El Financiero du 12 mai: «Les producteurs et exportateurs de grains ont entrepris de financer un lobbying au Sénat et à la Chambre des représentants pour que les Etats-Unis prennent une revanche sur le Mexique» et imposent unilatéralement leurs vues. Le ministre mexicain des Relations extérieures, Luis Derbez tente d’apaiser la tension. Il est revenu plutôt confiant de sa dernière visite à Washington, estimant qu’il n’y avait rien de grave, et que «les irritations commerciales» entre le Mexique et les Etats-Unis étaient «temporaires». Un optimisme qui contraste avec l’attitude du secrétaire américain au Commerce, Robert Zoellick, qui estime que le problème est beaucoup plus sérieux que ce qu’il ne paraît, en particulier sur les thèmes des produits agricoles: le sucre, les haricots noirs, le maïs, les viandes et les œufs. Les Américains réclament une ouverture totale des frontières pour leurs produits agricoles (fortement subventionnés). Ils exigent la fin des mesures anti-dumping prises par le Parlement mexicain pour éviter de ruiner les paysans, mais paradoxalement, s’opposent, sous mille prétextes, à une réciprocité, que ce soit pour la libre circulation des camions mexicains aux Etats-Unis, la vente de poissons, de ciment ou d’avocats frais. L’Alena ne leur est pourtant pas défavorable puisqu’ils exportent au Mexique 8 milliards de dollars par an de produits agricoles contre une importation de 6 milliards.

Une bonne image du Mexique pour George W. Bush

La tension actuelle devrait baisser dans les semaines qui viennent. En effet, Georges W. Bush vient de faire savoir officiellement qu’il briguerait un second mandat. Or, il ne peut se passer du vote latino-américain principalement, celui des 30 millions de citoyens d’origine mexicaine qui vivent aux Etats-Unis et qui constitue un lobby de plus en plus puissant. La visite au Mexique, il y a quelques jours, de George Bush père avait pour objectif de réaffirmer que le Mexique et les États-Unis sont de grands amis, des associés et que l'incident irakien était clos, que les discussions bilatérales pouvaient reprendre. Cette réconciliation ou plutôt ce réaccomodement est d’autant plus nécessaire pour la Maison Blanche que George W. Bush a bien l'intention d'utiliser également le Mexique, son meilleur allié, comme tête de pont pour faire avancer les négociations sur l'Alca, la Zone de libre échange des Amériques, lors du sommet de l’OMC à Cancun, en septembre prochain et lors du sommet extraordinaire des Amériques qui se tiendra à Mexico en novembre 2003.
Le Mexique ne cherche pas la polémique, Vicente Fox veut arrondir les angles mais la bataille semble rude au sein même de la Maison Blanche: à peine Luis Derbez, a-t-il annoncé une prochaine visite de George W. Bush au Mexique, que la conseillère pour la Sécurité nationale de la Maison Blanche, Condoleeza Rice a démenti l'information. Il y a donc une grande inquiétude de la part du gouvernement mexicain qui se rend compte que la politique extérieure de Bush est une fois de plus en décalage avec l’opinion que les Républicains du Congrès et du Sénat peuvent avoir du Mexique. En position de force, les parlementaires mettent la barre très haut, ce qui va rendre difficiles les discussions bilatérales. La tentative de Fox de redonner au Mexique une souveraineté dans le concert international risque d'avoir mis à genou le Mexique qui n'a finalement pas d'autre solution que de s'entendre et de s’allier avec son puissant voisin.



par Patrice  Gouy

Article publié le 19/05/2003