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Mexique

Le PRI à genoux

1 milliard de pesos, quelques 100 millions d’euros, c’est le montant de l’amende fixée par l’Institut fédéral électoral (IFE) au PRI, le Parti Révolutionnaire Institutionnel, pour avoir dépassé son quota de financement lors des élections présidentielles de 2000.
De notre correspondant à Mexico

Pour ne pas avoir déclaré à l’IFE une contribution de 500 millions de pesos (50 millions d’euros) apportée secrètement (et sans doute illégalement) par l’entreprise nationale des Pétroles Mexicains (Pemex) à travers son puissant syndicat, le PRI devra payer la plus forte amende jamais imposée à un parti politique dans le monde : un milliard de pesos, 100 millions d’Euros. Chassé du pouvoir, en décembre 2000, par Vicente Fox, le PRI s’aperçoit qu’il n’est plus intouchable et qu’il doit respecter les lois. Il vient d’en faire la douloureuse expérience. Les temps où il puisait dans les caisses de l’Etat pour payer sa propagande et acheter les juges est révolu. Avec l’arrivée de Vicente Fox au pouvoir, l’Etat de Droit se rétablit peu à peu. L’Institut Fédéral Electoral s’est renforcé : un budget colossal de 7 milliards de pesos (700 millions d’euros) lui a été attribué pour son fonctionnement, l’organisation d’élections propres et le financement des partis. «C’est le prix de la démocratie», expliquait son Président après le vote du budget.

Il était donc dans l’ordre des choses que l’IFE prenne des mesures drastiques pour faire respecter la loi, et suffisamment coûteuses pour qu’elles servent de leçon. L’amende d’un milliard de pesos met le PRI sur la paille. C’est un tiers de plus que la subvention de 714 millions de pesos qui lui est accordée cette année. Mais, pour conserver une certaine équité entre les partis, Alonso Lujambio, le président de la commission de l’IFE, a accepté que l’amende ne soit payée qu’après les élections du 2 juillet 2003 afin de ne pas exclure le PRI de la campagne électorale. Pour éponger sa dette, l’IFE lui propose un plan de remboursement mensuel de 59 millions de pesos (5,9 millions d’euros) correspondants aux subventions versées pour les dépenses ordinaires de son fonctionnement, soit 531 millions pour cette année et 468 millions à payer en 2004.

Coup bas douloureux

«C’est un coup d’Etat financier contre notre parti», estime Humberto Roque, l’ancien président du PRI. «C’est lamentable que l’on perde la confiance d’une institution comme l’IFE que nous avions toujours considérée comme impartiale», a déclaré à son tour Enrique Jackson, le chef de file du PRI au sénat. Un autre député accusant carrément les conseillers de l’IFE «de former une coalition du mal pour séquestrer la démocratie !». Ces déclarations véhémentes du PRI qui réclame justice font sourire plus d’un Mexicain qui connaissent de longue date ses pratiques frauduleuses et sa corruption. Elles n’ont pas eu d’écho dans les autres partis qui soutiennent l’IFE dans l’application de la loi.

Pour faire face à un tel scénario de crise financière, à quatre mois des élections, le PRI, déstabilisé et blessé dans son orgueil, a annoncé un programme d’austérité et de contributions volontaires. Il vendra certains immeubles et réclame aux gouverneurs, aux parlementaires et aux maires élus sous la bannière du PRI le versement de 10 à 15 000 pesos (1000 à 1500 euros) avant le 23 mars. Le secrétaire technique du parti, Samuel Aguilar Solis, chargé des finances, a averti que «le PRI ne sera pas mis en faillite, mais qu’il ne fallait pas marcher sur la queue du lion car, au final dans les élections, les comptes se font en votes et non en pesos».

Cette politique de fermeté de l’IFE à l’égard des partis démontre sa détermination à nettoyer l’institution des vieilles pratiques de l’ancien régime, mais cette amende imposée au PRI n’intervient peut être pas au meilleur moment. En effet, le 9 mars se sont tenues des élections importantes dans l’Etat de Mexico. Huit millions d’électeurs étaient appelés à élire 124 maires et une quarantaine de députés. Or ces élections ont été gagnées haut la main par le PRI, qui a confirmé une remontée spectaculaire, remportant la majorité des sièges à la barbe du PAN, (la droite conservatrice) le parti du président Vicente Fox. L’impartialité de l’Institut électorale est donc mise en doute par certains qui voient dans cette sanction une stratégie venue de Los Pinos, l’Elysée mexicain, un coup bas douloureux, d’autant que les conseillers de l’IFE se refusent à examiner avec autant de sévérité les financements peu orthodoxes de la campagne présidentielle de Vicente Fox en juillet 2000.



par Patrice  Gouy

Article publié le 15/03/2003