Mexique
Résister aux pressions des Etats-Unis
A quelques heures du nouveau vote du Conseil de Sécurité, l’ambassadeur des Etats-Unis au Mexique, Tony Garza, a souligné que les relations entre les deux pays étaient et continueraient à être fortes. Mais il a reconnu que si le gouvernement mexicain n’appuyait pas celui de George W. Bush, elles risquaient de se détériorer.
De notre correspondant à Mexico
Avec la crise irakienne, le président Vicente Fox joue une carte très difficile. En effet, il ne peut à la fois contenter tout le monde et les Etats-Unis. Le Mexique, qui est membre non permanent du Conseil de Sécurité pour deux ans, veut profiter de cette tribune prestigieuse pour démontrer au monde entier qu’il a retrouvé une voix indépendante au sein des nations, même si son pays reste le meilleur allié des Etats-Unis. Dans ses premières armes au Conseil de Sécurité, il s’est délibérément mis du côté européen pour bien montrer à son puissant voisin qu’il refusait de lui donner un soutien inconditionnel, comme le pensait George W. Bush. Avec les évènements du 11 septembre, la relation bilatérale entre le Mexique et les Etats-Unis s’est considérablement détériorée.
En prenant des mesures anti-terroristes, Washington a stoppé net les discussions sur l’émigration, verrouillant les 3500 km de frontières qui séparent les deux pays. Avec le vote de la première résolution sur le désarmement de l’Irak à l’ONU, le Mexique que tout le monde pensait voir se mettre du coté américain a voté pour la résolution aux cotés de la France. Après un moment d’irritation, George Bush a tenté de séduire Vicente Fox, nommant un ambassadeur d’origine mexicaine, soulignant la longue complicité et la forte amitié qui existent entre les deux pays. Il pensait le convaincre facilement, faisant miroiter le dossier migratoire. A la surprise de tout le monde, le président mexicain n’a pas changé sa position. Les pressions ont pourtant été chaque jour plus fortes pour le contraindre à rejoindre la coalition belliqueuse.
Jose Maria Aznar, dans une visite éclair, a tenté de convaincre son ami Vicente Fox du bien fondé de la position américaine. Puis il y a eu les menaces de l’ambassadeur Tony Garza qui a signalé que le Mexique devait choisir son camp et ses amis sous peine de représailles économiques. La presse américaine s’en est mêlée: le Washington Post a insinué que le Congres ne votera pas les réformes sur l’émigration si le Mexique n’était pas son allié. Le Canada, à travers Jean Chrétien en visite officielle au Mexique la semaine dernière a rappelé «que les deux pays ont une même vocation pacifique», mais il a tenu à faire passer le message «qu’il n’était peut-être pas prudent que les partenaires de l’Alena (l’accord de libre échange nord-américain) ne soient pas au diapason», rappelant qu’il fallait «maintenir à tout prix des relations de bon voisinage». Enfin, George Bush et Colin Powell ont appelé quotidiennement Vicente Fox pour lui arracher son soutien. Malgré ces incroyables pressions, le président mexicain, dans l’œil de l’ouragan, est resté inébranlable dans sa décision de ne pas recourir à la guerre, malgré les appels du patronat lui demandant d’être pragmatique et de faire passer avant tout les intérêts économiques du pays. Les appels à la paix du Vatican – n’oublions pas les 5 voyages de Jean Paul II au Mexique - ont certainement eu une influence morale importante sur la décision présidentielle.
Un rôle de médiateur
Cette position inébranlable sur la résolution 1441, malgré un discours parfois ambigu, a donné au Mexique un certain prestige. Aux côtés du Chili, lui aussi membre non permanent du Conseil de Sécurité et appartenant comme lui à l’ALENA, il a demandé aux cinq membres permanents de faire un effort pour rapprocher leurs points de vue plutôt que de faire pression sur les non-permanents pour les inciter à voter pour eux. Vicente Fox, dans un geste de conciliation, a demandé à ce que soient étudiées les propositions du Canada pour tenter de préserver le rôle de l’ONU et trouver une issue multilatérale à la crise irakienne. Cette confiance acquise au cours des semaines lui a aussi permis de reformuler sa relation avec les Etats-Unis.
Luis Ernesto Derbez estime que les pressions américaines sont de l’ordre du normal et n’engendreront pas de représailles. Le chancelier a demandé à George W. Bush de ne pas voir le vote mexicain comme partie de leur relation bilatérale mais de comprendre que le Mexique au sein de l’ONU défendra jusqu’au bout sa position: «C’est tout l’intérêt du Mexique d’être au Conseil de Sécurité. Nous pouvons démontrer au monde entier que notre pays est une nation adulte et mûre qui prend des décisions avec souveraineté et qui propose des solutions multilatérales». Dans un entretien récent, Vicente Fox a dit qu’il aimerait «voir son pays comme le médiateur entre les Etats-Unis et l’Angleterre d’un coté, la Russie et la France de l’autre». C’est un bon sentiment, mais au moment de voter, il lui faudra choisir. On verra alors si le Mexique parvient à ne plus être l’arrière-cour des Etats-Unis.
Avec la crise irakienne, le président Vicente Fox joue une carte très difficile. En effet, il ne peut à la fois contenter tout le monde et les Etats-Unis. Le Mexique, qui est membre non permanent du Conseil de Sécurité pour deux ans, veut profiter de cette tribune prestigieuse pour démontrer au monde entier qu’il a retrouvé une voix indépendante au sein des nations, même si son pays reste le meilleur allié des Etats-Unis. Dans ses premières armes au Conseil de Sécurité, il s’est délibérément mis du côté européen pour bien montrer à son puissant voisin qu’il refusait de lui donner un soutien inconditionnel, comme le pensait George W. Bush. Avec les évènements du 11 septembre, la relation bilatérale entre le Mexique et les Etats-Unis s’est considérablement détériorée.
En prenant des mesures anti-terroristes, Washington a stoppé net les discussions sur l’émigration, verrouillant les 3500 km de frontières qui séparent les deux pays. Avec le vote de la première résolution sur le désarmement de l’Irak à l’ONU, le Mexique que tout le monde pensait voir se mettre du coté américain a voté pour la résolution aux cotés de la France. Après un moment d’irritation, George Bush a tenté de séduire Vicente Fox, nommant un ambassadeur d’origine mexicaine, soulignant la longue complicité et la forte amitié qui existent entre les deux pays. Il pensait le convaincre facilement, faisant miroiter le dossier migratoire. A la surprise de tout le monde, le président mexicain n’a pas changé sa position. Les pressions ont pourtant été chaque jour plus fortes pour le contraindre à rejoindre la coalition belliqueuse.
Jose Maria Aznar, dans une visite éclair, a tenté de convaincre son ami Vicente Fox du bien fondé de la position américaine. Puis il y a eu les menaces de l’ambassadeur Tony Garza qui a signalé que le Mexique devait choisir son camp et ses amis sous peine de représailles économiques. La presse américaine s’en est mêlée: le Washington Post a insinué que le Congres ne votera pas les réformes sur l’émigration si le Mexique n’était pas son allié. Le Canada, à travers Jean Chrétien en visite officielle au Mexique la semaine dernière a rappelé «que les deux pays ont une même vocation pacifique», mais il a tenu à faire passer le message «qu’il n’était peut-être pas prudent que les partenaires de l’Alena (l’accord de libre échange nord-américain) ne soient pas au diapason», rappelant qu’il fallait «maintenir à tout prix des relations de bon voisinage». Enfin, George Bush et Colin Powell ont appelé quotidiennement Vicente Fox pour lui arracher son soutien. Malgré ces incroyables pressions, le président mexicain, dans l’œil de l’ouragan, est resté inébranlable dans sa décision de ne pas recourir à la guerre, malgré les appels du patronat lui demandant d’être pragmatique et de faire passer avant tout les intérêts économiques du pays. Les appels à la paix du Vatican – n’oublions pas les 5 voyages de Jean Paul II au Mexique - ont certainement eu une influence morale importante sur la décision présidentielle.
Un rôle de médiateur
Cette position inébranlable sur la résolution 1441, malgré un discours parfois ambigu, a donné au Mexique un certain prestige. Aux côtés du Chili, lui aussi membre non permanent du Conseil de Sécurité et appartenant comme lui à l’ALENA, il a demandé aux cinq membres permanents de faire un effort pour rapprocher leurs points de vue plutôt que de faire pression sur les non-permanents pour les inciter à voter pour eux. Vicente Fox, dans un geste de conciliation, a demandé à ce que soient étudiées les propositions du Canada pour tenter de préserver le rôle de l’ONU et trouver une issue multilatérale à la crise irakienne. Cette confiance acquise au cours des semaines lui a aussi permis de reformuler sa relation avec les Etats-Unis.
Luis Ernesto Derbez estime que les pressions américaines sont de l’ordre du normal et n’engendreront pas de représailles. Le chancelier a demandé à George W. Bush de ne pas voir le vote mexicain comme partie de leur relation bilatérale mais de comprendre que le Mexique au sein de l’ONU défendra jusqu’au bout sa position: «C’est tout l’intérêt du Mexique d’être au Conseil de Sécurité. Nous pouvons démontrer au monde entier que notre pays est une nation adulte et mûre qui prend des décisions avec souveraineté et qui propose des solutions multilatérales». Dans un entretien récent, Vicente Fox a dit qu’il aimerait «voir son pays comme le médiateur entre les Etats-Unis et l’Angleterre d’un coté, la Russie et la France de l’autre». C’est un bon sentiment, mais au moment de voter, il lui faudra choisir. On verra alors si le Mexique parvient à ne plus être l’arrière-cour des Etats-Unis.
par Patrice Gouy
Article publié le 06/03/2003