Mexique
Le sommet des femmes indigènes fait peur aux évêques
Les 276 déléguées qui participent au premier sommet de la femme indigène d’Amérique, revendiquent le droit d’apprendre de leurs propres expériences, à suivre le chemin qu’elles désirent et veulent interdire toutes ingérences dans leurs affaires.
De notre correspondant à Mexico
Le premier sommet des femmes indigènes des Amériques, organisé à Oaxaca dans le sud-est mexicain par la fondation Rigoberta Menchu, a convoqué des femmes indigènes, issues de 23 pays du continent, pour plancher sur les multiples sujets qui empêchent ces femmes de vivre pleinement leurs droits.
Silvia de Jesus Vega, souriante, une mèche de cheveux jais et rebelle sur le front, enveloppée dans un châle noir à rayures bleues, est l’une des participantes de la table ronde sur les genres. Elle explique que depuis le soulèvement zapatiste de janvier 1994, on parle beaucoup plus des indigènes, mais on amalgame trop souvent les genres, comme s’il n’y avait pas de différence entre homme et femme, comme si l’un et l’autre avaient les mêmes revendications dans un pays où 87% des femmes indigènes de plus de quinze ans sont analphabètes contre seulement 51% chez les hommes et où l'espérance de vie des femmes indigènes est en moyenne inférieure de sept ans à celle des hommes. C’est exactement l’inverse de la moyenne nationale: la femme indienne est usée avant l’âge.
Silvia sait de quoi elle parle. Elle a commencé à travailler à 11 ans, comme muchacha (bonne) à Patzcuaro. A 28 ans, voyant que l’on abusait facilement d’elle car elle n’avait jamais été à l’école, elle fonde, avec d'autres femmes de son ethnie, Entzin (le changement), une association pour apprendre à lire et à écrire. Aujourd’hui, elle se bat sur tous les fronts, pour l’égalité des sexes dans les communautés indigènes, pour promouvoir des systèmes de santé, d’éducation sexuelle, de planification familiale où la femme décide elle-même. Lors des premiers débats, elle s’en est prise aux Eglises: «Quel que soit leur credo, elles sont les courroies de reproduction et de diffusion du patriarcat. Avec elles, l’homme est toujours l’interlocuteur privilégié, la femme n’existe pas».
Intervention inopinée de l’épiscopat mexicain
C’est justement sur ces thèmes que le débat a été le plus houleux. L’épiscopat mexicain s’est permis d’intervenir pour critiquer violemment le conclave féminin indigène alors qu’aucune résolution n’avait encore été prise. La polémique a surgit lorsque quatre évêques ont déclaré dans un communiqué que ce «sommet des femmes indigènes incitait à la violence». En vertu de leur «responsabilité pastorale d’étudier, à la lumière de la raison humaine et de la sagesse surnaturelle, les événements qui concernent l’humanité, la nature et l’histoire», ces évêques, au nom de la conférence épiscopale mexicaine, «ont déploré que ce sommet prétende imposer les concepts de droits sexuels et de reproduction qui impliquent des programmes de contrôle des naissances qui portent atteinte à la maternité et à la vie, concepts fondamentaux dans les cultures indigènes».
Les femmes ont vivement réagi à travers une déclaration de Rigoberta Menchu qui a renvoyé les évêques aux positions du Vatican, soulignant que par de telles déclarations, l’épiscopat mexicain n’avait pas volonté à mettre en pratique ce qu’avait plusieurs fois déclaré le pape Jean-Paul II sur les peuples indigènes et leur autonomie.
Tarcila Rivera Zea, représentante quechua du Pérou, a fait remarquer «que la femme indigène pouvait parler de droits sexuels et reproductifs, car dans la culture quechua, le sexe n’est pas tabou et que sa conception comme péché est arrivé avec l’église catholique, par conséquent, elle peut exercer leurs droits normalement». D’autres femmes ont rappelé qu’elles n’avaient besoin d’aucune doctrine étrangère pour défendre leurs droits et leurs générations futures. Rigoberta Menchu sentant le ton monter, a demandé aux participantes «de ne pas déclencher une guerre religieuse» et à l’épiscopat d’attendre les résolutions finales pour opiner.
A la cinquantaine d’ONG internationales, aux représentants de la BID, (Banque interaméricaine de développement), qui participent à l’événement, ces femmes ont proposé que toute nouvelle coopération d’assistance technique ou financière, leur soit assignée à 50% pour faire comprendre aux hommes qu’elles ont les mêmes droits et qu’elles peuvent, elles aussi, mener avec succès des projets de développement.
En fin de soirée, la séance plénière a émis un premier document destiné à tous ceux qui «se préoccupent pour l’idéologie de nos critiques à la globalisation comme si celle-ci ne portait pas en elle-même un propos idéologique qui prolonge et exacerbe les relations de marginalisation et d’exclusion que nos peuples ont subies durant des siècles».
Rigoberta Menchu a rappelé que «les femmes indigènes affrontent un triple racisme: celui d’être indienne, d’être pauvres et d’être femme et qu’il est temps qu’elles prennent la parole devant le danger de reproduire ce qu’elles ne veulent plus être».
Le premier sommet des femmes indigènes des Amériques, organisé à Oaxaca dans le sud-est mexicain par la fondation Rigoberta Menchu, a convoqué des femmes indigènes, issues de 23 pays du continent, pour plancher sur les multiples sujets qui empêchent ces femmes de vivre pleinement leurs droits.
Silvia de Jesus Vega, souriante, une mèche de cheveux jais et rebelle sur le front, enveloppée dans un châle noir à rayures bleues, est l’une des participantes de la table ronde sur les genres. Elle explique que depuis le soulèvement zapatiste de janvier 1994, on parle beaucoup plus des indigènes, mais on amalgame trop souvent les genres, comme s’il n’y avait pas de différence entre homme et femme, comme si l’un et l’autre avaient les mêmes revendications dans un pays où 87% des femmes indigènes de plus de quinze ans sont analphabètes contre seulement 51% chez les hommes et où l'espérance de vie des femmes indigènes est en moyenne inférieure de sept ans à celle des hommes. C’est exactement l’inverse de la moyenne nationale: la femme indienne est usée avant l’âge.
Silvia sait de quoi elle parle. Elle a commencé à travailler à 11 ans, comme muchacha (bonne) à Patzcuaro. A 28 ans, voyant que l’on abusait facilement d’elle car elle n’avait jamais été à l’école, elle fonde, avec d'autres femmes de son ethnie, Entzin (le changement), une association pour apprendre à lire et à écrire. Aujourd’hui, elle se bat sur tous les fronts, pour l’égalité des sexes dans les communautés indigènes, pour promouvoir des systèmes de santé, d’éducation sexuelle, de planification familiale où la femme décide elle-même. Lors des premiers débats, elle s’en est prise aux Eglises: «Quel que soit leur credo, elles sont les courroies de reproduction et de diffusion du patriarcat. Avec elles, l’homme est toujours l’interlocuteur privilégié, la femme n’existe pas».
Intervention inopinée de l’épiscopat mexicain
C’est justement sur ces thèmes que le débat a été le plus houleux. L’épiscopat mexicain s’est permis d’intervenir pour critiquer violemment le conclave féminin indigène alors qu’aucune résolution n’avait encore été prise. La polémique a surgit lorsque quatre évêques ont déclaré dans un communiqué que ce «sommet des femmes indigènes incitait à la violence». En vertu de leur «responsabilité pastorale d’étudier, à la lumière de la raison humaine et de la sagesse surnaturelle, les événements qui concernent l’humanité, la nature et l’histoire», ces évêques, au nom de la conférence épiscopale mexicaine, «ont déploré que ce sommet prétende imposer les concepts de droits sexuels et de reproduction qui impliquent des programmes de contrôle des naissances qui portent atteinte à la maternité et à la vie, concepts fondamentaux dans les cultures indigènes».
Les femmes ont vivement réagi à travers une déclaration de Rigoberta Menchu qui a renvoyé les évêques aux positions du Vatican, soulignant que par de telles déclarations, l’épiscopat mexicain n’avait pas volonté à mettre en pratique ce qu’avait plusieurs fois déclaré le pape Jean-Paul II sur les peuples indigènes et leur autonomie.
Tarcila Rivera Zea, représentante quechua du Pérou, a fait remarquer «que la femme indigène pouvait parler de droits sexuels et reproductifs, car dans la culture quechua, le sexe n’est pas tabou et que sa conception comme péché est arrivé avec l’église catholique, par conséquent, elle peut exercer leurs droits normalement». D’autres femmes ont rappelé qu’elles n’avaient besoin d’aucune doctrine étrangère pour défendre leurs droits et leurs générations futures. Rigoberta Menchu sentant le ton monter, a demandé aux participantes «de ne pas déclencher une guerre religieuse» et à l’épiscopat d’attendre les résolutions finales pour opiner.
A la cinquantaine d’ONG internationales, aux représentants de la BID, (Banque interaméricaine de développement), qui participent à l’événement, ces femmes ont proposé que toute nouvelle coopération d’assistance technique ou financière, leur soit assignée à 50% pour faire comprendre aux hommes qu’elles ont les mêmes droits et qu’elles peuvent, elles aussi, mener avec succès des projets de développement.
En fin de soirée, la séance plénière a émis un premier document destiné à tous ceux qui «se préoccupent pour l’idéologie de nos critiques à la globalisation comme si celle-ci ne portait pas en elle-même un propos idéologique qui prolonge et exacerbe les relations de marginalisation et d’exclusion que nos peuples ont subies durant des siècles».
Rigoberta Menchu a rappelé que «les femmes indigènes affrontent un triple racisme: celui d’être indienne, d’être pauvres et d’être femme et qu’il est temps qu’elles prennent la parole devant le danger de reproduire ce qu’elles ne veulent plus être».
par Patrice Gouy
Article publié le 06/12/2002