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Mexique

Une nouvelle politique sociale s’impose

Le Mexique est classé dixième économie mondiale mais plus de la moitié de sa population vit dans la pauvreté. Le gouvernement du président Vicente Fox cherche à définir la politique économique et sociale pertinente pour remédier à cette situation.
De notre correspondant au Mexique

Le gouvernement de Vicente Fox a décidé de mieux connaître la réalité du pays: à son arrivée en décembre 2000, le président avait commandé une expertise de l’état social du Mexique. Le ministère du Développement social (Sedesol) vient de révéler qu’il y a 53 millions de pauvres, soit 53,7 % de la population. Plus d’un Mexicain sur deux. Mais les experts le trouvent un peu sous-évalué. Selon leurs calculs, il y aurait plutôt 65 millions de pauvres, les deux tiers de la population, vivant avec moins de 5,2 euros par jour.

Ces chiffres devraient contraindre le gouvernement mexicain à revoir toute sa stratégie de politique économique. Un premier pas a peut-être été franchi car tout le monde reconnaît que l’effort de vérité réalisé par le gouvernement est déjà un exploit: «Admettre que plus de la moitié de la population est pauvre est un acte terrible pour le gouvernement parce qu’il oblige à revoir toute la stratégie économique de développement du pays», souligne l’économiste Julio Boltvinik, spécialiste de la pauvreté.

Eduardo Sojo, le coordinateur des politiques publiques de la Présidence reconnaît «qu’avec de tels chiffres et une nouvelle méthodologie, le gouvernement pourra rapidement se rendre compte si réellement il construit le pays que réclament les Mexicains». Ces nouveaux indicateurs devraient permettre aux autorités et à la société d’évaluer d’une année sur l’autre comment les politiques libérales de croissance se répercutent sur la pauvreté.

Selon le rapport de la Sedesol, ces 53 millions de Mexicains ont un revenu mensuel par famille qui ne leur permet pas de couvrir leurs besoins de base en alimentation, santé, éducation, habillement, logement et transports, soulignant que les habitants des zones rurales sont 3,5 fois plus pauvres que ceux des villes.

Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont classé la pauvreté en trois groupes: la pauvreté de patrimoine (54 % de la population qui manque de tout et qui vit avec moins de 4 euros par jour), la pauvreté de capacité (32 % mangent mais ne peuvent se loger, s’éduquer et se soigner), la pauvreté alimentaire (24,2 % souffrent de la faim), en faisant une distinction entre zones rurales, urbaines et la répartition géographique dans le pays.
Cette nouvelle classification est importante car elle devrait permettre une lecture plus structurelle, plus horizontale de la situation sociale du Mexique et permettre d’élaborer une tout autre politique.

S’attaquer aux causes

Jusqu’alors la politique sociale était considérée comme sectorielle, on raisonnait sans chiffre précis. En caricaturant, on pourrait dire: le secteur de l’élevage va mal, il faut donc le subventionner. Riches et pauvres recevaient la manne de l’Etat. Avec des chiffres plus précis, les tendances à long terme peuvent changer. Pour cela le gouvernement veut s’attaquer à ce qui entoure et provoque cette pauvreté. Par exemple, si l’on sait que le taux de croissance dans les campagnes est de 4,5 enfants au lieu de 2,1 en ville, il est peut-être plus habile de mettre en place une politique de planification familiale dans le monde rural que de continuer à subventionner les familles nombreuses.

De la même manière, on s’aperçoit que dans certaines régions l’habitat est si dispersé qu’il serait trop coûteux d’apporter eau, gaz, électricité à chacun. La nouvelle politique sera donc d’inciter les hameaux au regroupement en villages. Si dans les quartiers les plus pauvres de la ville, on note une violence familiale qui oblige souvent la femme à quitter le domicile conjugal avec ses enfants ce qui les plonge dans la précarité, il serait préférable d’agir en amont avec des politiques spécifiques. Les exemples sont infinis: travailler à des système de pension, de retraites, de bourses d’éducation, de mini-prêts, tenter d’affiner le plus possible pour répondre pratiquement au cas par cas, tout en faisant en sorte que les politiques ne soient plus désarticulées et surtout qu'il y ait des changements rapides.

Jusqu’à ce jour, les programmes d’assistance, très paternalistes, ne faisaient qu’administrer la pauvreté. Il faut maintenant passer à des programmes qui la combattent. Pour cela, le gouvernement de Vicente Fox voudrait que la lutte contre la pauvreté ne soit plus la fonction d'un seul ministère mais soit effectivement une priorité.

L’autre grande orientation que les experts lui conseillent de suivre, serait de considérer la pauvreté comme un problème de sécurité nationale pour pouvoir lui imputer un véritable budget voté par le Congrès de manière à ce que tous les acteurs politiques soient concernés.



par Patrice  Gouy

Article publié le 18/08/2002