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Mexique

Zapatistes : une résistance silencieuse

Le sous-commandant Marcos a changé sa stratégie de communication pour celle du silence. Le mouvement zapatiste attend que le temps de la politique nationale lui soit plus favorable. Il s’est replié dans les forêts bleues de la Sierra Lacandonne. Malgré ce mutisme, la lutte pour les droits et culture indigène continue.
De notre correspondant au Mexique

Il y a juste un an, Marcos et 23 commandants de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) s’engageaient dans une marche à travers le Mexique pour expliquer les motifs de leur rébellion. Avec la fin de l’ancien régime et l’élection de Vicente Fox en juillet 2000 à la Présidence de la République, les conditions d’un règlement du conflit du Chiapas semblaient réunies. Le sous-commandant Marcos, après quelques hésitations, avait fini par accorder le bénéfice du doute au président Fox, croyant qu’au-delà des divergences idéologiques, le Mexique de la transition démocratique était enfin mûr pour reconnaître aux peuples indigènes leur part dans une société pluriculturelle.

Un an après la longue marche, rien n’a changé sauf que l’on ne parle plus de Marcos et des zapatistes. L’Afghanistan et les tours jumelles ont écarté ce conflit indigène. Vicente Fox crie haut et fort que le Chiapas vit dans une «sainte paix», mais en réalité le processus de pacification au Chiapas ne semble pas avoir de solution à court terme. La reforme constitutionnelle votée par le congrès est très républicaine : schématiquement, elle se résume par «un seul pays, un seul État, un seule territoire, un seul peuple mexicain». La nouvelle loi est encore moins généreuse que la précédente. Cependant, 11 États du Mexique (sur 30) qui ont une forte population indienne, ont refusé cette réforme constitutionnelle et ont engagé les communautés indigènes à poser des recours devant la Cour suprême de justice de la Nation qui devrait rendre son verdict dans les jours qui viennent : soit la cour reconnaît le bien fondé des revendications des peuples indigènes et le débat devra reprendre, soit elle refuse la controverse et marginalise encore plus le monde indien, ce qui irriterait un large secteur de la population.

Un soutien permanent

Pour contribuer à consolider un processus d’ouverture et démontrer aux zapatistes que l’opinion publique ne les a pas abandonnés, les observateurs internationaux se succèdent dans les communautés ; la commission européenne vient d’approuver une subvention de 1,8 millions d’euros pour soutenir 15 000 indigènes déplacés ; les organisations civiles et les défenseurs des droits de l’homme tentent de rapprocher zapatistes et gouvernement à travers des instances locales (gouverneurs, églises, ONG). Rigoberta Menchú, prix Nobel de la paix 1992, a demandé au président Fox «d’avoir plus de modestie et de changer son attitude». L’instance officielle, la Cocopa (la Commission de Concordance et de Pacification) vient de déposer un nouveau projet de loi que soutiennent déjà 168 députés pour reformuler la réforme indigène.

Mais Marcos se tait. Ce silence exaspère le pouvoir. La notion de temps diffère d'un lieu à l'autre. Les Mayas rythment leur vie sur la grande roue du temps. Ils ne se sont jamais estimés au centre du monde et peuvent, de ce fait, attendre une conjonction plus favorable. (ils attendent depuis 500 ans). Ce silence est un signe de résistance. Ils refusent aujourd’hui ce que le gouvernement voudrait leur donner : les miettes du développement. Le problème central qu’ils posent est beaucoup plus complexe : c’est leur participation à un État, à travers une réforme qui reconnaisse et valide la composition pluriculturelle de la nation. Or, l’actuelle Constitution mexicaine se refuse à reconnaître la pluralité des peuples.



Article publié le 06/03/2002