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Mexique

Fox évite la grève du pétrole

Les États-Unis peuvent être satisfaits : en cas d’attaque contre l’Irak, le Mexique pourra les approvisionner en pétrole. Le président mexicain Vicente Fox est parvenu à éviter une grève des employés de Pemex qui aurait eu des conséquences dramatiques.
De notre correspondant à Mexico

Après plusieurs semaines de tension, syndicat et gouvernement sont parvenus à un accord. L’enjeu était de taille: une grève de Pemex, les Pétroles Mexicains, aurait mis en péril l’économie nationale, pouvant même renverser le gouvernement. Les syndicats ont obtenu une augmentation globale de 7,3% du salaire de base pour les 140 000 employés de l’entreprise. Mais les intentions de cette grève étaient tout autres. Il s’agissait d’un bras de fer entre le gouvernement de Vicente Fox et le PRI, le parti de l’ancien régime.

Il y a deux ans et demi, Pemex, à travers son syndicat, a détourné quelques 123 millions de dollars pour un financement occulte de la campagne présidentielle de son candidat Francisco Labastida. Le gouvernement de Vicente Fox, appliquant sa politique de lutte contre la corruption, a fait pression pour que le chef du syndicat de Pemex, Romero Deschamps, soit mis en examen. Mais Deschamps est également député; pour le juger, il faudrait lever son immunité parlementaire.

Pour faire pression sur le gouvernement, le syndicat a déposé un préavis de grève pour le 2 octobre, demandant 15% d’augmentation salariale pour les employés alors que l’inflation devrait être cette année de seulement 4%. Le PRI a immédiatement cautionné les exigences du syndicat. Mais Vicente Fox a pour une fois bien manœuvré. Il a pris à témoin la population afin de montrer que le PRI, pour protéger ses membres les plus corrompus, était prêt à couler l’économie nationale: chaque jour de grève aurait coûté 1,7 milliard de dollars! Au sein du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), dont les structures internes sont déjà très fissurées, plusieurs courants ont immédiatement réagi, dénonçant la prise de position de la direction du parti qui poussait les syndicalistes à la grève. Le président du Parti révolutionnaire, Roberto Madrazo, s’est rendu compte avec un temps de retard que sa position était suicidaire: il a donc rectifié le tir, acceptant à contre-cœur la proposition de Vicente Fox: que négociations salariales et procédures judiciaires soient franchement séparées.

Pétrole Mexicain : réserves stratégiques américaines

Vicente Fox savait que George Bush suivait l’affaire Pemex avec attention, même si celui-ci ne s’est pas manifesté officiellement sur le sujet. Fox a démontré qu’il contrôlait la situation à un moment crucial où Washington veut s’assurer que son principale fournisseur pétrolier ne lui fera pas défaut s’il devait attaquer l’Irak. Le Mexique se trouve dans la zone stratégique de sécurité nationale des États-Unis (raison pour laquelle il n’appartient pas à l’OPEP). Sa production est de 3,2 millions de barils par jour. De ce volume, la moitié est destinée aux États-Unis. Entre janvier et juillet, Pemex a exporté 310 millions de barils de pétrole, soit plus que l’Arabie Saoudite ou le Venezuela. Il s’est engagé à porter à 4 millions de barils par jour sa production d’ici le premier trimestre 2003.

Pour les Mexicains, cette bataille au sein de Pemex se révèle plutôt positive. Si Vicente Fox est arrivé à un accord salarial avec les dirigeants du syndicat qui devrait profiter à tous les fonctionnaires, cela ne remet pas en cause les poursuites engagées contre les dirigeants syndicaux. C’est un signe que la lutte contre la corruption va continuer. Du reste, le président mexicain a reçu, tour à tour, le soutien des États-Unis et de l’Union européenne pour l’encourager à continuer dans cette voie.

D’autre part, cette affaire a permis de démontrer avec une grande clarté que la stabilité, la croissance et l’indépendance du Mexique passent par un renforcement de la compagnie nationale des pétroles qui, contrairement aux vœux des gouvernements libéraux et des institutions financières internationales, ne devrait pas être privatisée. Au contraire, les Mexicains sont de plus en plus nombreux à penser que Pemex doit avoir un régime fiscal comparable à celui de n’importe quelle grande compagnie afin qu’elle puisse se moderniser plutôt que de servir à financer les dépenses de l’État et à entretenir la corruption.



par Patrice  Gouy

Article publié le 02/10/2002