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Mexique

Accueil réservé pour la nouvelle politique d’immigration de Bush

Le projet de loi sur l’émigration présenté par George Bush pour accorder aux travailleurs illégaux des permis de travail temporaire a été sévèrement critiqué au Mexique. Le président Vicente Fox considère que c’est une bonne initiative mais qu’elle est bien en-deçà des attentes de son gouvernement.
De notre correspondant à Mexico

Le projet de loi que George W. Bush a déposé au Congrès a été jugée ambiguë, incomplet et incertain par la presse mexicaine car il n’intègre pas les aspirations nationales d’un véritable accord migratoire. Les Mexicains ont donc reçu cette déclaration de George W. Bush avec une grande réserve. Le ministre des Relations extérieures mexicain, Luis Ernesto Derbez a pris acte de l’importance d’une nouvelle prise en compte du problème migratoire par les États-Unis. Mais il a considéré que la proposition du président américain était très générale et qu’il fallait donc travailler à une réforme plus spécifique.

Il existe aux États-Unis entre 8 et 10 millions de travailleurs illégaux qui sont employés au noir dans des conditions de travail souvent déplorables. Le passage de la frontière entre Mexique et États-Unis est de plus en plus meurtrier –403 morts l’an dernier– du fait des mesures anti-terroristes prises depuis le 11 septembre 2001 par l’administration américaine. Depuis son accession au pouvoir en décembre 2000, le gouvernement de Vicente Fox a fait du thème migratoire sa priorité dans la relation bilatérale avec les États-Unis. Jusqu’alors George Bush n’avait jamais voulu inscrire ce thème dans ses priorités. C’est donc effectivement un premier pas.

Un plan qui ne servirait qu’à ficher les migrants

George W. Bush propose de donner aux travailleurs illégaux des permis de travail pour une durée de trois ans renouvelable une fois. Ce projet qui inclut des sanctions pour les employeurs qui embaucheraient des illégaux, prévoit un salaire minimum ainsi que des compensations économiques pour faciliter le retour des travailleurs au bout de six ans. Il est également spécifié que les travailleurs émigrés ne pourront occuper que les emplois refusés par les citoyens américains. Cependant, il n’est pas prévu de loi d’amnistie pour les travailleurs illégaux actuellement aux Etats-Unis.

Les critiques mexicaines ne se sont pas fait attendre, en particulier sur la durée d’embauche de trois ans, renouvelable. Elle est perçue comme une manière de profiter d’une main d’œuvre bon marché avec la possibilité de s’en défaire au bout de trois ans, sans indemnité de licenciement ou de retraite. Elle permet également de maintenir une pression psychologique tout au long de ces années pour un possible renouvellement. De plus, ce schéma autoriserait la mise en place d’un véritable instrument de contrôle des résidents étrangers qui s’apparente à un fichage avec des risques pour les garanties individuelles. Enfin, il ne prend pas en compte les autres membres de la famille, le droit à l’éducation des enfants, le rapprochement familial, etc. George W. Bush prévoit également d’augmenter le nombre de «cartes vertes» (permis de travail) sans cependant donner de chiffres. La question est de savoir s’il accordera 8 à 10 millions de permis aux travailleurs illégaux qui vivent aux Etats-Unis.

A 11 mois des élections présidentielles, les Mexicains estiment qu’il s’agit avant tout d’une opération de politique intérieure visant à séduire l’électorat d’origine latino-américaine qui est estimé à 27 millions d’électeurs et qui traditionnellement votent pour le parti Démocrates. Invitée à un forum réunissant plusieurs gouverneurs mexicains, Doris Meissner, qui a été la responsable de l’Institut d’immigration et de naturalisation de l’administration Clinton, estime que «ce plan migratoire est un grand show qui a pour objectif de mettre George Bush à l’abri des critiques latino-américaines sur la problématique migratoire».

Néanmoins, le gouvernement mexicain s’attache à mettre en évidence les aspects positifs de cette proposition. En effet, c’est la première fois depuis la première rencontre de George W : Bush et de son homologue mexicain, Vicente Fox, en l’an 2000, que le président américain accepte de prendre en compte le problème migratoire. C’est donc une reconnaissance implicite par Washington que cette question est bien au centre de toutes négociations bilatérales. A la veille du sommet des Amériques, qui se tiendra le 12 et le 13 janvier dans la ville industrielle de Monterrey, au Nord du Mexique, et où se rendra George W. Bush, cette déclaration est aussi la confirmation que la Maison Blanche a définitivement levé les menaces de représailles qu’elle faisaient peser sur le Mexique suite à son refus de s’impliquer à ses côtés dans le conflit irakien.



par Patrice  Gouy

Article publié le 09/01/2004