Mexique
Les émigrés veulent voter
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Mexico
Environ 10 millions de Mexicains résident aux États-Unis. Si l’on y ajoute les bi-nationaux, c’est-à-dire ceux qui sont nés dans ce pays de parents mexicains, leur nombre passe à 26,6 millions de personnes. Ces émigrés participent activement à l’économie du Mexique en envoyant quelque 20 milliards de dollars par an à leur famille, une rentrée de devises aussi importante que les exportations de pétrole, le double de ce que laissent les touristes internationaux.Néanmoins, ces Mexicains de l’étranger ne s’estiment pas correctement traités par leur gouvernement, il réclament donc le droit de voter pour prendre part de manière plus effective aux affaires publiques. Ils veulent une place au parlement pour mieux peser sur la relation bilatérale avec les États-Unis afin que soit signé un véritable accord migratoire qui garantisse l’intégrité physique des migrants et le respect des lois du travail. Trois mille personnes meurent chaque année en essayant de passer la frontière mexicano-américaine et quatre millions de sans-papiers sont scandaleusement exploités, les employeurs pouvant à tout moment les dénoncer aux services migratoires.
Séduire la diasporaSur ces 26,6 millions de Mexicains, il y a 10 ou 12 millions d’électeurs potentiels. Le projet de leur donner le droit de vote est dans l’air depuis 12 ans, mais tous les partis craignent qu’une fois le processus enclenché, il ne leur échappe des mains car il est difficile de prévoir vers quel camp ira ce vote. Néanmoins, tous espèrent en tirer bénéfice. La gauche, qui a toujours été le défenseur des émigrés et qui les a organisés en associations, se voit la mieux placée pour attirer ces voix.
Le PRI, le parti de l’ancien régime, estime que les migrants sont « priistes » dans l’âme. Par exemple, le gouverneur de l’État de Oaxaca, rend régulièrement visite à sa diaspora à Fresnillo, en Californie, où vivent 80 000 de ses concitoyens. La droite, dès l’élection de Vicente Fox en décembre 2000, a fait de l’émigration l’une de ses priorités en ne ménageant pas ses efforts pour négocier un accord migratoire avec les États-Unis.
Un projet de loi pour un vote limitéAprès de longues séries de délibérations, de discussions et de différends entre les partis, les députés se sont engagés à voter un projet de loi qui sera déposé, en février, pour que les Mexicains de l’étranger puissent voter aux présidentielles de 2006. Dans la pratique, cela ne sera pas facile. Si 50 % des Mexicains sont installés dans 5 grandes villes des États-Unis, le reste est éparpillé dans une multitude de petits bourgs ruraux et il leur sera difficile de se déplacer pour aller voter. L’autre crainte est de fournir à l’Institut électoral mexicain les renseignements sur leur identité, leur filiation, leur lieu d’origine, à un moment où Washington est intéressé à constituer des fichiers sur les populations migrantes.
Enfin, le pouvoir mexicain a peur, lui aussi, d’un vote trop important de ces étrangers car le nombre d’électeurs inscrits au Mexique est environ de 25 millions et les élections se font selon un scrutin uninominal à un tour. C’est donc celui qui a le plus de voix qui l’emporte. Si les élections sont très serrées, comme cela risque d’être le cas en 2006, avec trois grands partis qui représentent chacun 30 % des intentions de vote, on voit le poids que pourrait représenter les Mexicains de l’extérieur.
Prudence est mère de sûretéPrudents, les partis ont déjà prévu une série de cadenas bureaucratiques et une limitation géographique. Ne pourrons finalement voter que ceux qui feront la démarche de s’inscrire sur les listes électorales. Celles-ci seront ensuite soumises aux partis politiques qui les réviseront. La propagande et les débats, radio et télévision, ne pourront se faire qu’à travers les chaînes mexicaines et leurs relais aux États-Unis. Les futurs électeurs devront voter dans les districts des cinq États américains où se concentre le plus grand nombre de Mexicains : la Californie, l’Illinois, New York, le Texas et l’Arizona. Il y aura aussi deux centres de vote pour les Mexicains vivant au Canada et en Espagne.
Une manière habile, pour les députés, de tenir leur parole, tout en s’assurant que les Mexicains de l’étranger ne pourront pas foncièrement influencer les résultats nationaux en 2006.par Patrice Gouy
Article publié le 03/01/2005 Dernière mise à jour le 03/01/2005 à 12:40 TU