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Inde-pakistan

Les premiers «bus de la paix» franchissent la frontière

Les passagers de la  ligne de bus entre Srinagar et Muzaffarabad passent le pont Kaman, la ligne de contrôle faisant <i>de facto</i> office de frontière entre l'Inde et le Pakistan.(Photo: AFP)
Les passagers de la ligne de bus entre Srinagar et Muzaffarabad passent le pont Kaman, la ligne de contrôle faisant de facto office de frontière entre l'Inde et le Pakistan.
(Photo: AFP)
Impensable il y a trois ans quand l’Inde et le Pakistan ont frôlé une quatrième guerre. C’est la réouverture aujourd’hui d’une ligne de bus entre Srinagar, capitale d’été du Cachemire indien et Muzaffarabad, capitale de la zone administrée par Islamabad. Une première historique, depuis la partition en 1947. Malgré les menaces des groupes séparatistes opposés au processus de paix et l’attaque hier de l’immeuble où étaient protégés les passagers, deux bus sont partis ce matin à 11h, heure de New Delhi, depuis Srinagar et un autre, une demi-heure après, depuis Muzaffarabad.

De notre correspondante à New Delhi

«La caravane de la paix est en route et rien ne peut l’arrêter» a affirmé le Premier ministre indien Manmohan Singh. Jeudi matin, les plus hauts dirigeants indiens ont assisté dans la liesse générale au départ du bus depuis le stade de Srinagar. Et c’est le Premier ministre lui-même qui a donné le feu vert. Orchestre folklorique, tambours, drapeaux, les Cachemiris n’ont pas caché leur joie. Les bus croulaient sous les guirlandes de fleurs. Des deux côtés de la frontière, des centaines de familles ont planté au bord de la route des panneaux de bienvenue, prêts à offrir les meilleures spécialités locales aux voyageurs. Plusieurs Cachemiris indiens se sont rétractés au dernier moment et n’ont pas voulu prendre le risque de monter dans le bus jeudi.

Et pour cause: la veille, mercredi, c’était le choc après l’explosion à la grenade contre le centre touristique gouvernemental à Srinagar où étaient logés les passagers. Quelques jours auparavant, un groupe d’extrémistes islamistes avait menacé de transformer les bus en cercueil. La sécurité a été renforcée le long du trajet, d’une distance de 170 kilomètres, mais les autorités indiennes ne s’attendaient pas à une attaque suicide de deux militants dans une zone aussi protégée que cet immeuble. Ce sont quatre guérillas cachemiries, Al-Nasirin, le Mouvement indépendantiste cachemiri, Al-Arifin et Farzandan-e-Millat qui ont revendiqué l’attaque, critiquant Islamabad pour avoir abandonné la campagne contre l’occupation indienne au Cachemire. Aucun des passagers n’a été tué et seules six personnes ont été blessées.

Un pas concret mais timide pour le processus de paix

Mais, preuve de la détermination des séparatistes islamistes, encore une heure avant le départ des bus, des militaires indiens ont déjoué une tentative d'attentat en désamorçant un engin explosif puissant placé sur la route que doivent emprunter les bus. Les dix-neuf autres voyageurs indiens se sont montrés déterminés à prendre la route pour Muzaffarabad, «nous devons rentrer chez nous», ont-ils martelé, comme un leitmotiv qui ne les a pas quittés depuis cinquante-huit ans. En sens inverse, ce sont trente Cachemiris pakistanais qui ont quitté Muzaffarabad. La plupart des passagers sont âgés et n’ont pas vu leur famille depuis plus d’un demi-siècle. Des mariages se sont même conclus entre cousins côté pakistanais, pour préserver l’unité familiale. Un des moments forts de la journée s’est passé à mi-chemin, quand les passagers indiens et pakistanais ont traversé la ligne de contrôle qui sépare les deux parties du Cachemire, et ils l’ont faite à pied car le pont Kaman, construit en huit heures par des ouvriers indiens, ne supporte pas le poids des véhicules.

De l’autre côté, ils ont emprunté un autre bus qui les a conduit vers Muzaffarabad au Pakistan. Totalité du voyage: trois heures, incomparables avec les jours de trajets que devaient faire jusqu’à présent les Cachemiris indiens pour aller dans la partie administrée par le Pakistan. Ils devaient se déplacer jusqu’à New Delhi, prendre un avion pour Lahore au Pakistan puis prendre un bus pour le Cachemire pakistanais. Seule déception des Cachemiris, la ligne de bus de dix-neuf sièges ne fonctionnera que tous les quinze jours.

La mise en place de ce bus annoncée en février dernier, correspond en effet à deux ans de relations diplomatiques, commencées fin 2003, marquées par une multiplication des rencontres de peuple-à-peuple, grâce aux matches de crickets entre l’équipe pakistanaise et indienne, et par une réduction des troupes militaires de part et d’autre de la ligne de contrôle. Seulement, le conflit sur l’administration du Cachemire n’est toujours pas résolu. L’Inde a refusé encore récemment un redessinement des frontières de la zone, proposé par le Pakistan. La venue très médiatisée de Pervez Musharraf, le 16 avril à New Delhi pour le match de cricket indo-pakistanais, sera peut-être l’occasion de trouver un autre terrain d’entente.


par Marie  Perruchet

Article publié le 07/04/2005 Dernière mise à jour le 07/04/2005 à 16:37 TU

Audio

Pierre Prakash

Correspondant de RFI à New Delhi

«C’est un pas de plus dans le processus de paix indo-pakistanais.»

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