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Côte d'Ivoire

Mbéki s’appuie sur la Constitution pour éviter le référendum

 Le médiateur sud-africain, Thabo Mbéki, a relu la Constitution ivoirienne pour sortir de l'impasse politique.(Photo : AFP)
Le médiateur sud-africain, Thabo Mbéki, a relu la Constitution ivoirienne pour sortir de l'impasse politique.
(Photo : AFP)
Comme l’indiquait l’accord de Pretoria, la porte de sortie est politique et ne peut exclure aucun des protagonistes. Les partis signataires des accords successifs de Marcoussis et d’Accra devront donc pouvoir présenter le candidat de leur choix à la présidentielle d’octobre. Pretoria les a même en quelque sorte nominés en réunissant le président Laurent Gbagbo, l’ancien président Henri Konan-Bédié, l’ancien Premier ministre Alassanne Ouattara et l’ancien rebelle Guillaume Soro. Pour ce faire, le médiateur sud-africain Thabo Mbéki s’appuie sur l’esprit de Marcoussis. Mais surtout, il contourne le chausse-trape du référendum, sans pour autant faire entorse à la Constitution.

Comme l’indique la lettre qu’il a adressée le 11 avril à chacun des protagonistes, Thabo Mbéki «n’ignore pas les dispositions contenues dans l’article 126 de la Constitution» qui impose un référendum pour tout amendement constitutionnel «ayant pour objet l'élection du président de la République» et donc les critères de candidatures à la magistrature suprême. Mais le médiateur sud-africain a aussi attentivement relu l’article suivant, le 127, qui stipule que «aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire». Il en tire comme conclusion que la division de la Côte d’Ivoire interdisant toute réforme, la question du référendum est nulle et non avenue. Thabo Mbéki relève en même temps que dans l’esprit de Marcoussis et des accords qui ont suivi, l’essentiel est de respecter le «principe d’une approche inclusive de la question importante de l’éligibilité à la présidence». En clair, c’est davantage d’ouverture politique qu’il s’agit plutôt que des formalités constitutionnelles entourant l’amendement de l’article 35 qui écartait Alassane Ouattara.

Gbagbo doit donner «force de loi» à l’article 35

Le dernier mot sur la question de l’éligibilité revenant au Conseil constitutionnel, Thabo Mbéki estime toutefois opportun de valider le nouvel article 35 (effectivement amendé par les protagonistes dans le sens entendu d’un commun accord à Marcoussis). Il ne s’agirait pas en effet, souligne le constitutionnaliste sud-africain «d’obliger le Conseil constitutionnel à agir illégalement». Or, justement, rappelle-t-il, l’article 48 de la Charte fondamentale prévoit que «lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate…le président de la République prend des mesures exceptionnelles…» après consultation de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel. Il demande donc au président Gbagbo de donner «force de loi» à l’article 35, mais surtout plus largement à l’esprit inclusif qui exige que le conseil constitutionnel accepte «l’éligibilité des candidats qui seraient présentés par les partis signataires de l’accord de Linas-Marcoussis».

Au lieu d’invoquer les articles 126 et 127 pour exiger le désarmement et le retour de l’administration sur l’ensemble du territoire avant de franchir le passage obligé de la consultation populaire en échange de l’amendement de l’article 35, le président Gbagbo est prié de faire usage des pleins pouvoirs qui lui sont reconnus pour sortir de l’impasse constitutionnelle. Mais ses adversaires armés aussi sont désormais privés des arguments qu’ils invoquaient pour renvoyer le désarmement aux calendes grecques. Et Ouattara de retour dans la course présidentielle, le chef politique des Forces nouvelles, Guillaume Soro va devoir se repositionner sur l’échiquier politique. Programmée dans son fief de Bouaké ce 14 avril, la reprise des contacts entre les chefs d’état-major adverses sera un premier test.

En huit jours, chacun des principaux protagonistes a pu prendre le temps d’expliquer à ses troupes la formule de sortie de crise concoctée de concert à Prétoria. Thabo Mbéki n’attend pas de réponse formelle à sa lettre, mais des actes permettant «le retour à la normale et à la stabilité grâce à la réunification du pays, au rétablissement de l’administration de l’Etat sur l’ensemble du territoire et à la tenue d’élections présidentielle et législatives libres et équitables». Les réformes constitutionnelles viendront plus tard. Les partisans d’Alassane Ouattara ne sont d’ailleurs pas les seuls à juger très contestable la charte fondamentale en cours depuis 2000. Elle avait été taillée sur mesures au temps déjà troublé du défunt général Guei. Thabo Mbéki souligne que pour que le «processus de révision constitutionnelle contribue à consolider la paix, la stabilité, la démocratie et l’unité nationale», les Ivoiriens doivent d’abord retrouver la sérénité et la légitimité des urnes.


par Monique  Mas

Article publié le 14/04/2005 Dernière mise à jour le 14/04/2005 à 15:17 TU

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Cyril Bensimon

Journaliste au service Afrique de RFI

«Thabo Mbeki propose que tous les partis signataires des Accords de Marcoussis soient autorisés par le Conseil constitutionnel à présenter leur candidat en octobre prochain.»

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