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Côte d’Ivoire

Les recettes de la médiation Mbeki

Le président sud-africain Thabo Mbeki et son homologue ivoirien, Laurent Gbagbo, le 3 décembre, au palais présidentiel d'Abidjan.(Photo: AFP)
Le président sud-africain Thabo Mbeki et son homologue ivoirien, Laurent Gbagbo, le 3 décembre, au palais présidentiel d'Abidjan.
(Photo: AFP)
Même s’il est encore trop tôt pour conclure à un succès définitif sur le dossier ivoirien, le président sud-africain semble, en tout cas, jouir de la confiance de tous les leaders réunis à Pretoria. Sa méthode de médiation y est pour beaucoup.

De notre correspondante en Afrique du Sud

Le président ivoirien Laurent Gbagbo a fait, mercredi à Pretoria, un éloge appuyé au médiateur Thabo Mbeki: «Le président sud-africain a travaillé avec beaucoup de méthode, que certains ont pris pour de la lenteur, beaucoup de clairvoyance, mais aussi beaucoup de modestie, alors que des intervenants précédents nous donnaient surtout des leçons, des directives.» Tous les participants aux négociations de Pretoria ont vanté les qualités du médiateur sud-africain, qui a interrompu ses activités pour passer quatre jours –cinquante heures, au total– au chevet de la Côte d’Ivoire ! Dimanche et lundi, Mbeki s’est réuni, à huis clos, avec les cinq leaders ivoiriens dans un salon de la «maison d’hôtes présidentielle». Dimanche midi, les six ont même déjeuné à la même table. Mardi, à la demande du médiateur, tous les participants se sont parlés, chacun à leur tour, en tête-à-tête. Pour la première fois, sans témoin, depuis le début de la guerre en septembre 2002, Gbagbo a ainsi rencontré Alassane Ouattara, le président du Rassemblement des républicains, sans témoin.

Ces discussions semblent avoir permis d’assouplir les positions des protagonistes de la crise, qui n’avaient pas la possibilité de consulter les membres de leurs délégations (celle de Gbagbo ne comprenait d’ailleurs aucun «dur» du régime). Cet isolement –accompagné d’une consigne de silence à l’égard des journalistes, plus ou moins respectée– a aussi permis d’éviter les communications trop fréquentes avec l’extérieur, que ce soit avec Abidjan ou d’autres capitales. «Grâce à lui (Mbeki), nous avons noué le dialogue», a confié Ouattara. «Le fait que les leaders ont pu se parler les yeux dans les yeux, en dehors de tout public, leur à permis de se dire certaines vérités», confirme Alphonse Djédjé Mady, le secrétaire général du Parti démocratique de Côte d’Ivoire. Le climat s’est progressivement dégelé, même si on n’a pas sablé le champagne et chanté l’Ivoirienne, comme à Marcoussis.

Objectif: un siège au Conseil de sécurité

L’une des grandes qualités personnelles de Thabo Mbeki est sa grande disponibilité, sa patience: il peut écouter pendant des heures, sans intervenir, en se contentant de prendre des notes. Dimanche matin, le médiateur avait d’ailleurs averti, avec humour, qu’il garderait ses interlocuteurs ivoiriens le temps qu’il faudrait: «Ce n’est que lorsque nous aurons réussi que nous laisserons les avions décoller d’Afrique du Sud !». Les Ivoiriens soulignent aussi la rigueur de ses méthodes de travail: «Il est doué d’un sens pratique de l’arbitrage, il connaît parfaitement le dossier, il est inventif et cela aide à la recherche de solutions», a souligné l’ex-président Henri Konan Bédié, dans son discours de clôture. Par ailleurs, Mbeki ne manque jamais de respect à l’égard de ses interlocuteurs: Gbagbo, traité en chef d’État, s’est senti bien mieux accueilli qu’en France, lors des accords de Marcoussis. L’homme, qui semble toujours garder son sang-froid, ne manque pas non plus de courage: n’a-t-il pas entamé sa médiation, en novembre, dans une Abidjan en proie aux violences, avant de se rendre à Bouaké ?

Parmi les caractéristiques de la diplomatie sud-africaine, il faut aussi retenir la recherche d’un accord qui n’exclut personne, comme ce fut le cas en Afrique du sud, dans le cadre de la transition négociée avec tous les partis politiques, à la fin du régime d’apartheid. Par ailleurs, tous les sujets sont abordés de manière systématique pour résoudre les causes profondes du conflit. «Il faut résister à la tentation d’arriver à des solutions à court terme qui masquent les problèmes réels et créent ainsi la base d’un conflit encore plus inextricable dans le futur», avait déclaré Aziz Pahad, le ministre-adjoint des Affaires étrangères, devant le conseil de sécurité, fin mars.

Mbeki n’a toutefois pas toujours reçu des éloges. Son impartialité a été mise en cause –du moins, officieusement– par les Forces nouvelles, qui estiment qu’il s’est fait manipuler, au début, par un Gbagbo se présentant en victime du néo-colonialisme français. L’inefficacité apparente de sa médiation a également été critiquée, début février, par le président français Jacques Chirac, qui lui avait conseillé de «s’immerger dans l’Afrique de l’Ouest de façon à en comprendre la psychologie et l’âme.» Certains chefs d’État de la région déplorent aussi, dit-on, de ne pas être souvent consultés par le médiateur. Mais le fait que le «champion de la Renaissance africaine» soit étranger à la région est finalement apparu comme un gage de neutralité. En obtenant un succès en Côte d’Ivoire –après ses médiations réussies dans la région des Grands lacs- il renforcera, en tout cas, sa stature internationale et ses chances d’obtenir un siège au conseil de sécurité des Nations unies.


par Valérie  Hirsch

Article publié le 07/04/2005 Dernière mise à jour le 07/04/2005 à 15:29 TU

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Henri Konan Bédié

Ancien président ivoirien et président du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire

« Le mot ivoirité n’est jamais utilisé dans ces accords »

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