Vatican/Eglise catholique
Benoît XVI, pasteur et rassembleur des chrétiens
(Photo: AFP)
La première homélie publique de Benoît XV était très attendue. D’emblée, le souverain pontife -coiffé d’une mitre dorée, muni de la crosse d’argent et vêtu d’une des chasubles dorée de Jean-Paul II- s’est inscrit dans le sillage de Vatican I et Vatican II. Il a rendu hommage à son «inoubliable» prédécesseur et emprunté, lors de son homélie, les trois mots clefs qui avaient conquis le monde lors de la messe inaugurale de Jean-Paul II : «N’ayez pas peur». Tout au long de la messe, donnée en latin -suivie de prières en plusieurs langues allant du grec à l'allemand, au chinois, en passant par l'arabe- le pape s’est appuyé sur des symboles forts pour faire passer son message. Il s’est présenté avant tout comme le nouveau pasteur des chrétiens pour une Eglise qu’il souhaite réunie.
Devant une foule bigarrée, multinationale et pluri-générationnelle, il a fait œuvre de catéchiste, expliquant à la foule sa mission de pasteur réunissant toutes les Eglises, celle d’Orient et celle d’Occident (un chant d’évangile en latin a été repris en grec) ; il s’est présenté comme le pasteur de l’humanité dans toute sa diversité, religieuse et laïque. Il a insisté sur l’importance du dialogue interconfessionnel : «Mes paroles se font aussi affectueuses dans le salut que j’adresse à tous ceux qui, re-nés par le sacrement du baptême ne sont pas encore dans la pleine communion avec nous ; et à vous, chers frères du peuple juif, auxquels nous sommes liés par un grand patrimoine spirituel commun qui plonge ses racines dans les promesses irrévocables de Dieu (…) Enfin, ma pensée, presque comme une onde qui se répand, va à tous les hommes de notre temps, croyants et non croyants».
«Mon véritable programme de gouvernement est de ne pas faire ma volonté»
Benoît XVI s’est attardé sur le sens symbolique des insignes de sa fonction, remis par le vice-doyen des cardinaux : le pallium, une étole de laine blanche brodée de croix rouges symbolisant «le joug que le serviteur de Dieu prend sur ses épaules» (pauvreté, faim, soif, solitude, abandon, vide des âmes), que portent les évêques de Rome depuis la fin du IVe siècle ; et l'anneau du pêcheur : gravé du sceau pontifical (toujours détruit après le décès d’un souverain pontife), il représente un pêcheur qui jette un filet, symbole de la mission du serviteur de Dieu, qui doit «prendre le large sur l’océan de l’histoire pour conquérir tous les hommes (…) les sortir de l’aliénation pour les ramener vers les splendeurs de la lumière et de la vie». Benoît XVI a insisté sur son rôle de guide rassembleur : «De l’image du pasteur et de celle du pêcheur, émerge de manière très explicite à l’unité (..) faisons tout ce qu’il est possible pour parcourir la route vers l’unité que tu as promise (…) Fais [Seigneur] que nous soyons qu’un seul pasteur et qu’un seul troupeau. Ne permets pas que ton filet se déchire, et aide-nous à être des serviteurs de l’unité».
Le souverain pontife n’a pas voulu prononcer «un programme de gouvernement»…..mais il a voulu rassurer les princes de l’Eglise sur son intention de développer le gouvernement collégial de l’Eglise, en faisant participer les prélats aux prises de décisions : «Je ne me vois pas porter seul ce que je ne pourrai jamais porter seul (…) votre indulgence, votre amour, votre foi et votre confiance m’accompagnent», ajoutant : «Mon véritable programme de gouvernement est de ne pas faire ma volonté, de ne pas poursuivre mes idées, mais avec toute l’Eglise, de me mettre à l’écoute de la parole et de la volonté du seigneur». Moins cléricale, plus théologique, l’obédience au pape s’est faite également dans la logique de Vatican II, avec un message fort concernant l’universalité du peuple de Dieu : traditionnellement, tous les cardinaux venaient s’agenouiller aux pieds du pape lors de cette obédience ; là, trois cardinaux se sont prosternés puis un évêque, un diacre, une religieuse bénédictine, un jeune couple coréen marié et son fils, une jeune fille sri lankaise, un jeune homme congolais sont venus tour à tour lui rendre hommage et se faire bénir.
Un demi-million de fidèles et quelque trente chefs d’EtatApplaudi à plus de trente-six reprises, souriant, détendu, le nouveau pape (le 265e pape de l’Eglise catholique) -qui, en tant que cardinal, fut le gardien de la doctrine de la foi sous Jean-Paul II semblait avoir gagné en aisance depuis sa désignation mardi, après un seul jour de conclave dans la chapelle Sixtine, par 115 cardinaux électeurs. Un demi-million de fidèles et quelque trente chefs d’Etat venus du monde entier étaient venus pour assister à cette messe inaugurale sur le parvis de la basilique Saint-Pierre, décoré de multiples gerbes et de plantes vertes. Sur la vaste artère, devant la basilique, six écrans géants avaient été disposés pour permettre aux fidèles de suivre la célébration. On y observait de nombreux compatriotes du nouveau pape arborant des drapeaux allemands et bavarois.
L'inauguration du pontificat de Benoît XVI a réuni moins de dirigeants internationaux que les obsèques de Jean-Paul II, où s'étaient pressés pas moins de 2 500 dignitaires. Le chancelier Gerhard Schröder et le président Horst Köhler dirigeaient la délégation allemande; celle des Etats-Unis était emmenée par le gouverneur de Floride Jeb Bush, frère du président George Bush, converti au catholicisme. Jean-Pierre Raffarin représentait le gouvernement français, aux côtés d’autres personnalités officielles comme le roi Juan Carlos d'Espagne et l'archevêque de Canterbury, Rowan Williams, chef spirituel de l'Eglise anglicane.
La sécurité était assurée : Rome avait fermé son espace aérien en prévision de la messe en plein air, barré des routes et déployé des missiles antiaériens ainsi qu'un avion de l'Otan. Les secouristes disposaient d'une vingtaine d'ambulances et d'une dizaine d'infirmeries de campagne sur l'avenue et aux abords de la place Saint-Pierre. Via della Conciliazione, la grande avenue menant du Tibre au Vatican, avait été fermée à la circulation pour l'occasion, tandis qu’un millier de volontaires et des barrières métalliques avaient été disposées pour canaliser et guider la foule. Pourtant, après la messe, Benoît XVI a fait le tour de la place Saint-Pierre dans une voiture ouverte, et non pas dans la «papamobile» dans laquelle circulait Jean-Paul II lors de ses incursions dans la foule.
par Dominique Raizon
Article publié le 24/04/2005 Dernière mise à jour le 24/04/2005 à 17:51 TU