Mauritanie
Remous autour de la visite de Sylvan Shalom
(Photo: AFP)
De notre correspondante à Nouakchott
Graffitis sur les murs, pneus brûlés, jets de pierre devant l’université, circulation bloquée, les étudiants ont été les premiers à manifester leur mécontentement. Une agitation grandissante depuis quelques jours, qui a conduit hier la police à fermer durant quelques heures le périmètre de la faculté et du ministère de l’Intérieur. A la suite de ces événements au moins un des activistes de «l'Initiative estudiantine contre l'infiltration sioniste et pour la défense des causes justes», et plusieurs lycéens ont été interpellés. Le soutien aux frères palestiniens est une des rares causes capables de faire descendre les mauritaniens dans la rue, beaucoup plus que ne peut mobiliser une cause nationale.
Du côté de l’opposition, on dénonce également cette visite. La plupart des partis ont à ce titre signé un communiqué commun pour demander l’annulation des relations diplomatiques avec Israël, comme ils le font depuis 1999. «Cette visite est totalement inopportune, et constitue un défi à l’engagement des mauritaniens vis-à-vis des frères palestiniens. Nous mettons en garde les autorités contre un tel mépris des aspirations de notre peuple», déclarait Ahmed ould Daddah, président de Rassemblement des forces démocratiques (RFD) lors d’une conférence de presse. L’Union des Forces du Progrès (UFP) estime pour sa part que cette visite risque de «nuire plus qu’elle ne pourrait servir la Mauritanie.» «Les relations entre notre pays et Israël sont tout à fait prématurées, la normalisation passe d’abord par le recouvrement des droits de chacun, à commencer par la création d’un État palestinien avec Jérusalem comme capitale et le retour des réfugiés.» Enfin ce qui gêne l’opposition c’est «l’exploitation» que fait Tel-Aviv de cette visite et plus généralement des relations entretenues avec Nouakchott «pour améliorer son image aux dépens de la Mauritanie et de ses relations avec ses frères arabes.»
Pressions sur la mouvance islamiste
La Mauritanie est devenue à la fin de1999 le troisième pays arabe, après l’Égypte et la Jordanie, à accueillir une ambassade israélienne sur son territoire. Derrière cette nouvelle relation il y a la volonté de donner un signal fort et de montrer l’exemple aux pays voisins. «La Mauritanie nous a ouvert une porte amicale, nous serons les derniers à la refermer», assure t-on du côté israélien. Officiellement, une petite coopération existe entre les deux pays, dans le domaine agricole, et dans le domaine de la santé, avec l’ouverture prochaine d’un centre de lutte contre le cancer sur financement israélien. Israël ne dispose pas encore de licences de pêche mais pourrait être intéressé par un accès à la mer, le poisson étant une des principales ressources de la Mauritanie.
L’agitation autour de la venue de Sylvan Shalom n’est probablement pas sans lien avec les pressions exercées sur la mouvance islamiste en Mauritanie. Depuis le 25 avril, près d’une trentaine de personnes ont été arrêtées dont le chef spirituel Mohamed El Hacen Ould Dedew, l'ancien ambassadeur Moctar ould Mohamed Moussa, plusieurs imams et un avocat... Les autorités assurent être en train de démanteler un réseau terroriste en liaison avec le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, une organisation islamiste algérienne. Parmi les personnes arrêtées figureraient les principaux chefs de la «structure» mauritanienne. Sept de ses membres formés militairement auprès du GSPC auraient été arrêtés début avril, selon la police nationale mauritanienne, d'autres se trouveraient encore dans les camps d'entraînement du GSPC. Certains partis d’opposition dénoncent des arrestations incohérentes et arbitraires sans explication plausible. Hier soir plusieurs dizaines de proches des prisonniers ont critiqué l'attitude injuste du régime face à ses adversaires politiques lors d'une conférence de presse. Certains parents des détenus n’hésitent pas à voir un lien entre ces arrestations et la visite israélienne. Ils attendent avec impatience le départ du ministre, espérant qu’il sera suivi par la libération de leur proche.par Marie-Pierre Olphand
Article publié le 03/05/2005 Dernière mise à jour le 03/05/2005 à 15:36 TU