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Commerce

Le commerce équitable sort de la confidentialité

Campagne de communication Max Havelaar.(Photo: Max Havelaar)
Campagne de communication Max Havelaar.
(Photo: Max Havelaar)
A l’occasion de la quinzaine du commerce équitable, les associations sont traversées par des débats concernant ces échanges entre commerçants du Nord et petits producteurs du Sud. Désormais, la grande distribution française commercialise ces produits. Et le gouvernement français prépare une norme. Le commerce équitable serait-il «récupéré» ? En tout cas il sort de la confidentialité.

Café, thé, riz, bananes, jus de fruits, miel ou chocolat, viennent presque toujours de pays du Sud et lorsqu’ils sont équitables, leur achat sur place, leur vente dans les pays du Nord, ont été négociés hors des grands circuits commerciaux habituels. Le but, c’est de faire sortir la production de petits paysans du Costa Rica, de Bolivie, du Kenya ou du Mali de la dépendance des cours mondiaux ou du simple rapport de force imposé par le marché.

Le commerce équitable a été inventé il y a une quinzaine d’années par des Néerlandais qui vivaient au plus près de petits producteurs de café au Mexique et connaissaient leurs difficultés économiques. Le label Max Havelaar a donc démarré avec le café. Tout produit qui obtient ce label ou un autre (Fairtrade ou Transfair) doit remplir un cahier des charges négocié entre le producteur et l’acheteur. La production doit être réalisée dans de bonnes conditions environnementales et sociales. Les récoltes sont pré-financées. En contrepartie, l’agriculteur est mieux payé que sur le marché mondial, de nombreux intermédiaires sont supprimés.

L’amplification par la grande distribution

Dans les pays du Nord, les consommateurs de produits équitables sont prêts à payer un peu plus cher dans le but de soutenir une petite activité rurale. C’est l’économie solidaire. Année après année, le commerce équitable s’est fait connaître grâce à la quinzaine annuelle. Et surtout, les enseignes de la grande distribution se sont mises à commercialiser ces produits réputés socialement corrects. Les produits équitables sont sortis des petites boutiques spécialisées. En France, Carrefour, Monoprix, Auchan, Cora, Leclerc, vendent les produits labellisés équitables. Et ce n’est pas le moindre paradoxe de voir ces enseignes leur faire de la place alors que de leur côté, les paysans français cherchent bien au contraire à éviter la grande distribution, qui ne rétribue pas correctement leur travail. Les paysans français créent leurs circuits de vente directe vers les citadins.

Pour les produits équitables en tout cas, 2004 a été l’année de l’explosion des ventes. Entre 2002 et 2003, la vente de ces produits - dont la gamme s’est élargi aux vêtements et aux objets de décoration - a progressé de plus de 49% sur le marché mondial contre 9% en 2000. En France, en trois ans, les volumes vendus ont été multipliés par huit. Dans les supermarchés Leclerc, les ventes de produits équitables ont progressé de 140% entre 2003 et 2004.

Des magasins «lieux de solidarité»

Dans les associations qui ont noué les premiers partenariats avec des communautés villageoises, et qui ont fait pénétrer le commerce équitable en France, on discute des débouchés offerts par la grande distribution. Certaines associations comme Artisans du Monde craignent que la vente des produits équitables dans la grande distribution réduise ce type de commerce au juste prix, en oubliant l’accompagnement social prévu à l’origine. Pour Artisans du Monde, il faut continuer à privilégier la vente par le réseau de magasins associatifs qui se définissent eux-mêmes comme «des lieux de solidarité, de citoyenneté et de consommation responsables ». Pour d’autres associations comme Paris Equitable, il n’est pas question de passer à côté de la grande distribution qui permet aux produits équitables de changer d’échelle : « Je suis 100% pour la diffusion des produits du commerce équitable dans la grande distribution», explique Jean-Paul Laménardie, le responsable de l’association. Ses arguments : «Pour que le mouvement ait des résultats, il faut que les consommateurs achètent. Or aujourd’hui, l’essentiel de la consommation passe par la grande distribution».

Plusieurs enseignes de la grande distribution française se sont mises à créer leur propre label de produits équitables. Du coup, Christian Jacob, le ministre français du Commerce et de l’artisanat a décidé de créer une norme française pour ces produits. Ce projet de norme a été soumis aux associations «historiques». Max Havelaar, le label actuellement le plus attribué pour les produits équitables vendus en France, et Artisans du Monde, ont critiqué ce projet. « Ce texte définit un commerce équitable au rabais », ont regretté les deux associations, « il n’exige pas un nécessaire partenariat avec des producteurs ou travailleurs organisés…La mission sociale du commerce équitable» est négligée. Christian Jacob a donc demandé à l’Afnor, l’Association française de normalisation, de revoir ce projet de norme.

Du coton ouest-africain équitable

Bien sûr le commerce équitable est encore un tout petit secteur de l’économie puisqu’il représente 0,02% du commerce mondial. Mais c’est un secteur dynamique, qui, comme l’agriculture biologique en son temps, pourrait ouvrir la voie à d’autres pratiques. Une directive européenne pourrait également voir le jour, et peut-être un statut à part pour ces produits dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce.

Sur le terrain, le commerce équitable a fait ses preuves. Un million de producteurs à travers le monde ont ce label. L’argent obtenu permet de financer des écoles, des systèmes d’entraide sociale. L’Afrique de l’ouest fait son entrée dans le commerce équitable avec du coton labellisé. Au Mali, au Sénégal, le coton représente le tiers des exportations. Elles sont depuis plusieurs années handicapées par une forte baisse des cours mondiaux. Le coton équitable Max Havelaar sera donc acheté aux producteurs à prix minimal garanti. Ces paysans africains ont vaincu leur réticence face au cahier des charges imposé. Ils ont accepté ce nouveau mode d’échange. En contre partie ils toucheront une prime leur permettant de financer des projets de développement.


par Colette  Thomas

Article publié le 03/05/2005 Dernière mise à jour le 03/05/2005 à 17:16 TU