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Santé

Médicaments : alerte aux contrefaçons

L’OMS estime la recette du commerce des contrefaçons à près de 35 milliards de dollars par an.(Photo: DR)
L’OMS estime la recette du commerce des contrefaçons à près de 35 milliards de dollars par an.
(Photo: DR)
L’Organisation mondiale de la santé a décidé la mise en place sur internet d’un système d’alerte pour lutter contre les contrefaçons de médicaments. Ce phénomène qui concerne au premier chef les pays les plus pauvres prend, en effet, de plus en plus d’ampleur. Sans parler de l’enjeu économique, la diffusion à grande échelle des médicaments contrefaits représente surtout un véritable danger pour la santé des consommateurs abusés.

Les contrefaçons représentent environ 10 % du marché mondial des médicaments. La Food and drug administration (FDA), l’autorité sanitaire américaine, estime même que, dans les pays les plus pauvres, jusqu’à 25 % des médicaments consommés sont des faux. Le commerce de ces contrefaçons est donc tout sauf anecdotique et représente, estime l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 35 milliards de dollars de recettes par an. Il s’agit donc d’un phénomène mondial dont l’impact en terme de santé publique est loin d’être négligeable. Car l’utilisation d’un médicament contrefait, qui n’a rien à voir avec un générique (copie d’une spécialité sous brevet), peut soit entraîner un échec thérapeutique, soit provoquer l’apparition d’une résistance à un traitement, soit dans le pire des cas causer la mort du patient.

C’est pour cette raison que l’OMS a engagé une campagne de sensibilisation à ce problème et a annoncé la mise en place d’un système d’alerte sur internet. Il s’agit de permettre une diffusion plus rapide de toutes les informations disponibles sur les médicaments contrefaits auprès des autorités nationales de la santé et des agences partenaires de l’OMS. De cette manière, l’organisation espère pouvoir aider les responsables à prendre des mesures efficaces pour lutter contre ce phénomène.

Mais il s’agit d’un travail de longue haleine particulièrement difficile à mener car il existe toutes sortes de contrefaçons. Du cachet dans lequel le principe actif est insuffisant pour être efficace, à celui où il a carrément été remplacé par de la farine ou une substance qui peut s’avérer toxique pour le patient, en passant par un emballage qui ne correspond pas au contenu, il y a mille et une manière de fabriquer des faux médicaments. Et leur diffusion est d’autant plus facile lorsque les réglementations nationales ne sont pas dissuasives, les systèmes de santé peu performants et les populations dans la misère. C’est pour cette raison que les pays du Sud sont les premiers confrontés à ces trafics. On estime que 60 % du commerce des médicaments contrefaits ont lieu dans les pays pauvres.

Des faux antipaludéens, des faux antirétroviraux…

Cette situation est d’autant plus préoccupante que les pays les plus démunis sont aussi ceux qui sont exposés aux maladies les plus graves. Et dans ce cas, la diffusion de contrefaçons peut avoir des conséquences particulièrement dramatiques. Ainsi, l’OMS a constaté que l’utilisation de faux vaccins lors d’une épidémie de méningite au Niger en 1995 avait été à l’origine d’au moins 2 500 décès. L’Organisation estime aussi que globalement chaque année 200 000 décès de malades atteints du paludisme pourraient être évités si les médicaments utilisés pour les soigner étaient efficaces. De nombreux faux antipaludéens circulent, en effet, sur le marché. Une enquête réalisée en 2001 en Asie du Sud-Est a montré que 38 % des médicaments contre le paludisme vendus en pharmacie ne contenaient aucun principe actif. Des antirétroviraux contrefaits ont aussi été découverts récemment en Afrique centrale. Ce qui fait craindre un retard important dans la lutte contre le sida dans cette zone où les difficultés de l’accès aux médicaments représentent déjà un obstacle dans la lutte contre la propagation de l’épidémie.

En Afrique, le Nigeria est un pays où le marché des médicaments est particulièrement peu fiable. Il y a une dizaine d’années, environ 80 % des molécules vendues dans les pharmacies de Lagos étaient des contrefaçons. Malgré les efforts de l’Agence nigériane de lutte contre la contrefaçon et pour la protection de l’hygiène (Nafdac), la situation reste préoccupante et plus de 60 % des médicaments vendus ne sont pas homologués. En Asie, la Chine est elle aussi confrontée à la prolifération des faux médicaments. Le gouvernement a d’ailleurs décidé de lutter contre ce phénomène et a procédé, en 2004, à la fermeture de 1 300 installations illégales de fabrication de faux médicaments.

Si les pays en développement sont en première ligne, les pays riches ne sont pas épargnés. Pour preuve, le Viagra est la molécule la plus contrefaite dans le monde. Et ses débouchés se situent plus au Nord qu’au Sud. Les Etats-Unis font partie des pays les plus touchés par ce phénomène. Cette situation s’explique notamment par le fait que la vente de médicaments en ligne y est autorisée. Mais même dans les pays où la réglementation sur les produits pharmaceutiques interdit ce type de vente et réserve aux officines spécialisées la commercialisation des médicaments, comme en France, les contrefaçons réussissent à franchir les barrières. Plus de 300 000 pilules de Viagra contrefaits en transit illégal ont ainsi été saisies, en 2003, par les services des douanes à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.


par Valérie  Gas

Article publié le 04/05/2005 Dernière mise à jour le 04/05/2005 à 18:17 TU