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Paludisme

Des estimations revues à la hausse

Le nombre de personne atteinte du paludisme dans certaines régions du monde serait sous-évalué par l’OMS.(Photo : Institut Pasteur)
Le nombre de personne atteinte du paludisme dans certaines régions du monde serait sous-évalué par l’OMS.
(Photo : Institut Pasteur)
Environ deux milliards de personnes dans le monde seraient exposées au paludisme et plus de cinq cents millions auraient souffert d’une crise en 2002. Ces estimations de la prévalence d’une des maladies les plus meurtrières sur la planète sont proposées par des chercheurs de l’Université d’Oxford et du Kenya medical Research Institute de Nairobi. Elles sont supérieures d’environ 50 % à celles proposées jusqu’ici par l’Organisation mondiale de la Santé et remettent du coup en cause l’approche actuelle de la lutte contre ce fléau, notamment en terme de financement.

A en croire l’étude publiée dans la revue scientifique Nature, les dernières estimations du nombre de personnes atteintes par le paludisme, proposées par l’Organisation mondiale de la santé, sont loin de la réalité. Certes elles datent de 1998 et doivent être remises à jour. Néanmoins la différence est telle avec les chiffres obtenus par les chercheurs de l’équipe du professeur Robert Snow, qu’elle ne peut être simplement significative d’une augmentation due au temps. Elle révèle, selon les auteurs de l’étude, un certain nombre de lacunes dans les méthodes d’évaluation de la prévalence de cette maladie, notamment hors d’Afrique.

Les chercheurs estiment, en effet, que 515 millions de personnes ont subi, en 2002, une crise de paludisme et qu’actuellement il y en aurait entre 300 et 600 millions. Ce qui représente le double des évaluations proposées par l’OMS (273 millions en 1998). Au-delà de ce chiffre global, l’étude met en valeur un phénomène inquiétant : la sous-évaluation de la propagation du paludisme hors d’Afrique, en Asie notamment. Dans cette dernière région, le paludisme toucherait trois fois plus de personnes que selon les données de l’OMS. L’Asie du Sud-Est et le Pacifique regrouperaient ainsi, selon les chercheurs, 25 % des cas de paludisme. D’autre part, l’étude met en valeur le fait que, dans le monde, plus de deux milliards d’individus sont exposés à cette maladie.

Redéfinir les objectifs de la campagne «Faire reculer le paludisme»

Pour obtenir ces résultats, les chercheurs de l’équipe de Robert Snow ont travaillé sur des éléments concrets en croisant des données épidémiologiques, géographiques, climatiques et démographiques. Leur objectif était de réussir à prendre en compte des informations venant du terrain concernant le milieu et les conditions de vie des populations, la présence d’un environnement favorable au développement du moustique propagateur du parasite (l’anophèle), de manière à évaluer l’impact de la maladie. Ils ont aussi construit leur propre modèle informatique pour réaliser une carte des personnes exposées au paludisme. Ils n’ont pas travaillé, comme l’a fait jusqu’à présent l’OMS pour les pays situés hors de l’Afrique, à partir des seules statistiques fournies par les autorités nationales qui ne recensent, la plupart du temps, que les cas des malades pris en charge dans les hôpitaux. Si la propagation de la maladie en Asie semble donc plus importante que prévu, ces travaux ne remettent néanmoins pas en cause le fait que l’Afrique est le continent le plus durement touché par le paludisme.

La confirmation des résultats de cette étude pourrait avoir des conséquences importantes sur les moyens à mettre à œuvre pour lutter contre le paludisme. Car le nombre de personnes à soigner ou à protéger détermine évidemment les investissements nécessaires pour y parvenir. Dans le cadre de la campagne engagée par l’OMS pour «Faire reculer le paludisme», il est sûr que la réévaluation à la hausse du nombre de personnes malades ou menacées par le paludisme est susceptible de remettre en cause la capacité à atteindre un objectif déjà très ambitieux : diviser par deux la mortalité due à cette maladie d’ici 2010 (estimée actuellement à environ 1 million de personnes par an). Défini à partir de données sous-évaluées notamment hors d’Afrique, ce programme devra vraisemblablement être remanié. Le directeur du Fonds global de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Richard Feachem, a d’ailleurs immédiatement réagi à la publication des résultats de cette étude. Il a déclaré : «Avoir des chiffres exacts est indispensable pour le Fonds global qui est chargé par la communauté internationale de financer la lutte contre le paludisme, notamment par l’achat de médicaments et de moustiquaires imprégnées». Et de conclure qu’il allait falloir «augmenter significativement l’estimation des moyens nécessaires» pour lutter contre ce fléau.

par Valérie  Gas

Article publié le 10/03/2005 Dernière mise à jour le 10/03/2005 à 16:57 TU