Paludisme
Mobiliser tous les partenaires
(Photo : AFP)
La recherche sur le paludisme coûte cher et ne rapporte rien. Car les bénéficiaires potentiels, qui se trouvent à 90 % en Afrique subsaharienne, sont trop pauvres pour acheter au prix fort les molécules qui pourraient les sauver. C’est la raison pour laquelle les progrès en matière de traitement sont très lents malgré l’urgence provoquée par une maladie qui tue chaque année environ un million de personnes. Cette situation a été bien souvent dénoncée, notamment par des ONG humanitaires comme Médecins sans frontières, sans grand résultat.
Le problème d’approvisionnement qui touche le nouveau médicament contre le paludisme fabriqué à partir de l’artémisinine, le principe actif d’une plante (Artémisia annua) dont on a récemment identifié les vertus, illustre une nouvelle fois les difficultés à mettre en œuvre tous les moyens industriels nécessaires pour répondre aux besoins des malades des pays en développement. Cette molécule qui a été placée par l’Organisation mondiale de la santé sur la liste des médicaments essentiels car elle offre une solution au problème de résistance aux antipaludiques, est en rupture de stock. Novartis, le laboratoire qui produit le médicament (Coartem), explique cette pénurie par l’incapacité des producteurs, essentiellement chinois, à passer à la vitesse supérieure pour l’approvisionner en Artémisia. Si cette explication est en partie exacte car les besoins ont connu rapidement une forte augmentation, il est aussi indéniable que le laboratoire n’a pas tout mis en œuvre pour trouver une solution alors qu’il s’est engagé à fournir cette molécule à prix coûtant et que cette opération ne lui permet pas d’engranger des bénéfices. En tout état de cause, le résultat est là : l’OMS estime qu’il faudra encore attendre au moins un an et demi avant que la production puisse répondre à la demande de manière stable. Dans l’intervalle, un grand nombre de malades ne pourront être soignés efficacement.
Trouver 3 milliards de dollars par anLa recherche sur le vaccin antipaludique est confrontée au même type de limites. Très peu de travaux sont réalisés sur cette maladie car, comme l’explique le docteur Allan Schapira de l’OMS, «l’industrie n’a pas de profit à produire pour les plus pauvres». Néanmoins, des essais menés récemment au Mozambique ont donné des résultats encourageants. Avec 30 % d’efficacité en terme de prévention de l’infection par le parasite, ils sont pourtant loin de ceux obtenus par les vaccins contre les autres grandes maladies. Mais le docteur Schapira estime tout de même que la perspective d’épargner un tiers des malades contaminés par le moustique anophèle vaut la peine que l’on s’y intéresse. Pour autant, ces essais ne représentent pas un aboutissement et des recherches complémentaires sont nécessaires, pour déterminer par exemple le coût d’une production de masse de ce vaccin. Allan Schapira évalue donc qu’il y a environ 70 à 80 % de chances d’obtenir un produit intéressant d’ici 5 à 9 ans.
Dans l’attente de véritables avancées de la recherche sur le vaccin, il y a urgence à agir sur le terrain. Et c’est pour cela que l’initiative «Faire reculer le paludisme » («Roll Back Malaria») se mobilise pour sensibiliser l’opinion sur les enjeux liés à la propagation de cette maladie. Avec des arguments simples : le paludisme coûte chaque année 12 milliards de dollars sous forme de perte de produit intérieur brut (PIB) et de retard de développement, alors qu’il ne faudrait que 3 milliards annuels pour lutter efficacement contre cette maladie. Pour le moment, seuls environ 500 millions sont mobilisés chaque année, pour la plus grosse partie dans le cadre du Fonds global qui prend en charge le sida, la tuberculose et le paludisme.
Même si ces sommes sont insuffisantes, le professeur Awa Marie Coll-Seck, ancien ministre de la Santé du Sénégal et aujourd’hui secrétaire exécutif de «Faire reculer le paludisme», affirme qu’il y a eu un progrès significatif depuis quelques années. Mais surtout que nous nous trouvons «à un moment où nous pouvons avoir des résultats». C’est pour cette raison qu’il faut faire valoir ces arguments pour mobiliser des ressources nouvelles dans l’espoir de pouvoir atteindre les Objectifs du Millénaire. A savoir maîtriser la propagation de la maladie, qui est un obstacle au développement des pays où elle sévit, d’ici 2015.
Dans cette optique, et au-delà de la mobilisation des donateurs et des institutions internationales, la mise en œuvre de partenariats avec des acteurs privés est de plus en plus souhaitée. Quelques entreprises ont déjà compris qu’elles pouvaient avoir un intérêt à s’engager dans ce combat contre le paludisme car cette maladie a un impact sur leur activité. Parmi elles, ExxonMobil qui a rejoint l’initiative «Faire reculer les paludisme». Didier Lutsen, responsable de la communication d’ExxonMobil, explique que sa société consacre 10 millions de dollars par an à des actions dans ce domaine. De son point de vue, les partenariats public-privé représentent «le meilleur moyen d’apporter des réponses durables pour l’Afrique» car ils permettent de regrouper les ressources et les expertises dans des domaines très différents.
ExxonMobil a, par exemple, utilisé son réseau de stations services pour réaliser une campagne de communication sur le paludisme en Zambie, au Ghana, au Nigeria et au Cameroun. Ce programme auquel sont associées les autorités sanitaires des pays et des ONG, ont permis de diffuser des informations sur la maladie auprès de la population mais aussi de distribuer aux femmes enceintes des bons de réduction pour obtenir des moustiquaires imprégnées. La société participe aussi à un partenariat public-privé destiné à produire des moustiquaires imprégnées de longue durée (4 à 5 ans), un produit difficile à mettre au point, sur un site de Tanzanie.
par Valérie Gas
Article publié le 11/12/2004 Dernière mise à jour le 20/11/2005 à 15:42 TU