Paludisme
Des traitements efficaces existent
(Photo : Institut Pasteur)
Plus d’un million de personnes meurent chaque année des suites du paludisme. Environ 90 % d’entre elles vivent en Afrique subsaharienne. Sur ce continent, la maladie est donc un véritable fléau qu’il devient de plus en plus difficile de combattre. Car après plusieurs décennies de lutte, le paludisme est en pleine recrudescence. L’espoir émis dans les années 60 de réussir à «éradiquer» la maladie est désormais totalement abandonné. Et pour cause, on assiste plutôt, depuis une vingtaine d’années, à une extension des zones impaludées sur le continent. Plusieurs types de facteurs expliquent cette situation: réchauffement climatique, humidité, déplacements de populations, conditions de vie précaires. Mais surtout les traitements classiques ont fait leur temps. Ils ne sont plus efficaces en raison des résistances et des mutations du parasite. Selon Médecins sans frontières (MSF), la chloroquine, qui est l’un des traitements les plus largement prescrits, «ne marche pas dans 80 % des cas».
Dans ce contexte, il y a tout de même un espoir d’inverser la tendance. Il existe, en effet, de nouvelles combinaisons de médicaments qui ont fait la preuve de leur efficacité et qui pourraient remplacer les antipaludiques ancienne génération. Il s’agit des ACT, Artemisinin-based combination therapy, dans lesquels un dérivé de l’artémésinine, un médicament fabriqué à partir du principe actif d’une plante chinoise traditionnelle, est associé à une molécule antipaludique classique. Ce cocktail thérapeutique est utilisé avec succès depuis plusieurs années déjà en Asie, en Thaïlande notamment.
Dix fois plus cher
Les ACT permettent, en effet, de diviser la charge parasitaire dans le sang d’un patient par 10 000 en deux jours. Il s’agit d’un résultat nettement plus rapide que dans le cas du traitement à base de quinine, jusqu’ici considéré comme le plus efficace, et grâce auquel on obtient une diminution de la charge parasitaire par 1 000 seulement dans le même laps de temps. Ces résultats ont sans doute participé à persuader, finalement, l’Organisation mondiale de la Santé de recommander, en 2002, l’utilisation des ACT dans les zones touchées par la résistance aux antipaludéens classiques, comme l’Afrique subsaharienne.
Malgré cela, l’artémésinine n’est quasiment pas utilisée à l’heure actuelle sur ce continent. Le principal obstacle à la diffusion de ce traitement est son coût, environ dix fois supérieur à celui de la chloroquine. L’investissement nécessaire explique donc en grande partie les réticences de la plupart des Etats africains à changer les protocoles thérapeutiques pour traiter le paludisme. Pour le moment, aucun pays n’a mis en oeuvre un programme de traitement aux ACT à l’échelle nationale. Mais quelques-uns, Malawi, Kenya, Bostwana, Zambie, province du Kwazulu-Natal en Afrique du Sud, Burundi, Liberia, Sierra Leone, par exemple, ont tout de même pris la décision politique d’engager le processus de changement de protocole. Reste qu’entre ce premier pas et la distribution effective des médicaments, les étapes peuvent être nombreuses et les délais allongés si les bailleurs de fonds internationaux n’apportent pas un soutien massif et rapide.
Une épidémie de paludisme a fait 10 000 morts au Burundi
Et pendant ce temps, des personnes qui pourraient être sauvées continuent de mourir en Afrique. Notamment des enfants de moins de cinq ans qui forment la population la plus fragile face au paludisme. La situation est d’autant plus préoccupante que l’on a noté récemment une résurgence des phénomènes épidémiques qui avaient largement diminué avant que n’apparaissent les résistances aux antipaludiques. Entre 1997 et 2002, MSF estime que 35 régions africaines ont été touchées par une épidémie de paludisme. L’une des plus graves a eu lieu, fin 2000, dans les collines du Burundi, une zone située en altitude jusqu’alors épargnée. Plus de trois millions d’habitants sur les quelque sept millions que compte le pays, ont été infectés et environ 10 000 personnes sont mortes.
L’utilisation des ACT pourrait aussi, selon MSF, aider à combattre la propagation de telles épidémies meurtrières. Car cette combinaison thérapeutique permet de «casser» la transmission en diminuant très vite la charge parasitaire dans le sang des malades, qui forment le réservoir dans lequel les moustiques, vecteurs du paludisme, viennent piquer. D’autre part, l’utilisation combinée des nouveaux tests de dépistage faciles d’utilisation (une goutte de sang sur une lame qui change de couleur), permettrait de délivrer les traitements aux seuls véritables malades. Alors qu’à l’heure actuelle, en l’absence de diagnostic fiable, les antipaludiques sont prescrits, dans les zones à risque, dès les premiers signes cliniques de fièvres ou de vomissements. Même si dans un grand nombre de cas, il ne s’agit pas de paludisme. Cette manière de procéder a d’ailleurs vraisemblablement favorisé l’apparition des résistances aux médicaments.
Pour toutes ces raisons, MSF a décidé de se mobiliser pour essayer d’inciter les gouvernements et les bailleurs de fonds internationaux à financer le passage aux ACT et à arrêter de subventionner la diffusion de traitements inefficaces. D’ores et déjà, l’organisation humanitaire essaie, à son niveau, de soigner les patients qu’elle reçoit avec ces molécules, grâce aux financements privés dont elle dispose. Et elle attend beaucoup du Fonds global de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme qui a promis d’allouer des budgets aux Etats africains qui décideraient de changer de protocole thérapeutique contre le paludisme.par Valérie Gas
Article publié le 16/04/2004 Dernière mise à jour le 16/04/2004 à 10:45 TU