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Arabie Saoudite

Devenir Saoudien

Cette nouvelle loi offre pour certains travailleurs étrangers des avantages très attractifs, synonymes d’une nouvelle vie, à condition d’être éligible(Photo: AFP)
Cette nouvelle loi offre pour certains travailleurs étrangers des avantages très attractifs, synonymes d’une nouvelle vie, à condition d’être éligible
(Photo: AFP)
Une loi entrée en vigueur le 1er mai autorise les étrangers installés dans le royaume à demander la nationalité saoudienne. En trois jours, 150 000 expatriés ont déposé des demandes dont la plupart ont été refusées. L’Arabie Saoudite est prête à s’ouvrir, mais pas à n’importe qui.

De notre correspondant à Doha

À Ryad, 75% des demandes de naturalisation ont été rejetées. Dans les provinces de l’Est 95%, autant que dans le sud du royaume. Les conclusions d’un rapport publié mardi, deux jours après l’entrée en vigueur du nouveau code de la nationalité, sont sans appel : l’écrasante majorité des étrangers vivant dans le pays ne remplit pas les conditions nécessaires pour devenir saoudien.

Perçue comme une petite révolution, l’adoption de la réforme en octobre 2004 avait pourtant suscité un engouement très fort. S’il est difficilement concevable pour l’habitant d’un pays développé de demander la nationalité saoudienne, c’est en revanche une chance inespérée pour 7 millions d’expatriés originaires des pays arabes ou asiatiques installés dans le royaume. Car l’obtenir, c’est certes être citoyen de l’un des pays les plus fermés du monde, mais c’est aussi –et surtout– acquérir les privilèges qui vont avec : droit de propriété, droit de faire des affaires, emploi dans la fonction publique, meilleur salaire, ascension professionnelle, éducation gratuite, accès à l’université, terrain et maison offerts pas l’Etat ou encore prêts bancaires sans intérêts. Autant d’avantages très attractifs, synonymes d’une nouvelle vie, à condition d’être éligible.

Evaluation de l’intégration sociale

Premières exigences pour postuler, il faut d’abord avoir résidé plus de 10 ans dans le pays, parlé et écrire l’arabe couramment et surtout être utile. La loi exige en effet d’avoir un « emploi concordant avec les besoins professionnels qu’exige le développement du royaume ». « Les diplômés en médecine, en informatique et dans d’autres branches scientifiques et technologiques ont la priorité », a donc précisé il y a quelques jours, Naser al-Hanaya, le sous secrétaire au statut civil au ministère de l’Intérieur, disqualifiant d’office 85% des 150 000 premiers candidats incrédules qui ont quand même tenté leur chance dimanche et lundi. Parmi eux, des Jordaniens, des Égyptiens, des Pakistanais ou même des Philippins « inutiles », bien que certains soient nés dans le pays où y habitent depuis plus 30 ans.

Ces premières conditions draconiennes remplies, les élus doivent encore passer des entretiens, des tests de connaissance et enfin une évaluation de leur intégration sociale. Les autorités n’ont pas précisé quels en étaient les critères, notamment l’importance de la religion dans l’Arabie Saoudite wahhabite. Des musulmans chiites et quelques chrétiens ont donc aussi déposé des demandes.

Principaux bénéficiaires, les couples mixtes

D’après les estimations du ministère de l’Intérieur, au terme de ce parcours du combattant, moins d’un million d’expatriés devraient finalement être naturalisés. L’essentielle de l’élite étrangère qui comble déjà aujourd’hui le déficit de cadres formés dans la population saoudienne, à l’exception des palestiniens. Ils ont été exclus de la réforme pour ne pas entériner leur statut de réfugié, conformément à la position définit par l’Organisation de la conférence islamique. 

Principaux bénéficiaires donc, les couples mixtes. Étudiante à l’Université du roi Abdelaziz à Ryad, Omaimah Ahmad, née d’une mère saoudienne et d’un père soudanais, résume l’enjeux de la réforme : « Mon père travaille ici depuis 23 ans, mais il n’a jamais pu monter sa propre société, il a toujours été dépendant d’un sponsor saoudien comme la loi l’exige. Moi, l’école publique et l’université m’ont toujours été interdites. Pas à mon frère, qui à la nationalité par ma mère. A partir de maintenant, je peux devenir saoudienne, mon père aussi, les choses vont vraiment changer ».

Tranchant avec cet optimisme, Naïma Abdallah, saoudienne par son père, redoute elle une application stricte de la loi : « Mon mari est français, il parle l’arabe mais ne l’écrit pas. Par contre, il est musulman pratiquant, installé ici depuis plus de 10 ans. Ca veut dire qu’il ne peut pas obtenir la nationalité à cause de la langue, c’est ridicule ».

Entre la satisfaction d’Omaimah et la déception de Naïma, il y a encore une troisième voix, incarnée par Aïcha, Marocaine mariée à un Saoudien : «Il y a quelques années j’aurais fait la demande. Aujourd’hui, il n’y a que les étrangers qui n’ont plus de liens avec leurs pays d’origines ou ceux qui ont une situation financière facile qui peuvent être intéressés. Qui voudrait renoncer à sa nationalité pour devenir saoudien après le 11 septembre ? ».


par Aurélien  Colly

Article publié le 04/05/2005 Dernière mise à jour le 04/05/2005 à 17:55 TU