Centrafrique
Une présidentielle courue d’avance
(Photos : AFP)
Plus d'un million et demi de Centrafricains sont à appelés aux urnes dimanche pour consacrer la fin de la transition surgie du coup d’Etat du général Bozizé. François Bozizé ou bien le candidat du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), Martin Ziguélé ? La messe présidentielle est presque dite. Mais en même temps, les électeurs devront faire leur choix parmi les 323 candidats en course pour les 88 sièges de députés (sur 105) qui n’ont pas été pourvus au premier tour. Et là, entre l’orange et noir de François Bozizé ou le blanc et vert de Martin Ziguélé, les autres couleurs de l’arc-en-ciel centrafricain pourraient ne pas être aussi favorables au camp du président sortant.
Le 25 avril, le comité directeur du Rassemblement démocratique centrafricain (RDC) de l'ex-président André Kolingba appelait ses militants à «rejoindre le front républicain pour le soutien au général d'armée François Bozizé» à la tête de la Convergence nationale "Kwa na Kwa". Peu avant, le secrétaire général du RDC avait pourtant préconisé la «neutralité» faute «d’engagement clair et précis». Mais début mai, André Kolingba s’est inscrit en faux contre la ligne du comité directeur. Visiblement les marchandages politiques et financiers de l’ancien président Kolingba avec Bozizé ont été infructueux. Les vieilles rancunes de chefs ont repris le dessus. La valse hésitation témoigne en tout cas de lézardes au sein du RDC qui a pesé plus de 16% des voix au premier tour de la présidentielle. Ziguélé a bien tenté de mobiliser ces électeurs à son profit. Mais cela s’est avéré mission impossible tant est encore lourd le passif du MLPC dans les rangs de la formation de Kolingba.
Durant sa campagne, Bozizé n’a pas manqué de rappeler les exactions de Patassé au mauvais souvenir des électeurs. Il a tout particulièrement insisté sur la terreur inspirée par ceux que les Banguissois appellent les «Banyamulenge», des troupes envoyées par l’ancien rebelle congolais, Jean-Pierre Bemba (aujourd’hui l’un des quatre vice-présidents de la transition congolaise), pour secourir Patassé. La répression du coup d'Etat manqué d'André Kolingba, en mai 2001, et l’exode de ses partisans qui s’est ensuivi ont spontanément servi de repoussoir, occultant sans grand peine les errements des troupes tchadiennes ou nationales de Bozizé. Martin Ziguélé n’est pas parvenu à convaincre de sa bonne foi, même en répétant qu’il n’a «aucun rapport avec M. Patassé» et que «le MLPC, ce n'est pas Patassé», quitte à renier son propre curriculum vitae. Mais s’il est en difficulté pour la présidentielle, aux législatives, le MLPC devrait mieux s’en sortir. Le RDC aussi. Nombre de leurs candidats sont en ballottage favorable dans différentes circonscriptions.
«Attention Ziguélé, Bozizé est déjà là !»
«Premier tour: mi-temps, deuxième tour: but»…«attention Ziguélé, Bozizé est déjà là». Les slogans parlent vrai et le général Bozizé n’a pas fait son coup d’Etat pour laisser le MLPC revenir au pouvoir. Sa seule inquiétude, c’est qu’une abstention trop forte dans son électorat viennent grossir celle qui paraît prévisible du côté des électeurs déconcertés du RDC. «Il faut que ce but-là soit marqué avant Ziguélé», répète donc en leitmotiv François Bozizé qui a tombé le battle-dress au profit d’un costume strict. Il ne cesse donc d’agiter le spectre Patassé devant des foules d’électeurs potentiels qui songent avec inquiétude à leurs arriérés de salaire, pour ceux qui peuvent prétendre en réclamer un. A 58 ans, le «libérateur» du 15 mars 2003 a en effet promis de guerroyer contre la pauvreté après avoir servi sous tous les régimes depuis Jean-Bédel Bokassa, jusqu’à ce qu’il se rebelle, en 1989, contre Kolingba, qui lui fit connaître prison et torture. Aujourd’hui, les partisans de Bozizé veulent tirer une image de rassembleur de ces amitiés et inimitiés éclectiques.
Martin Ziguélé aussi redoute plus que tout l’abstentionnisme. Il faut «voter 100% Ziguélé et pas 99%», hurle-t-il. C’est d’ailleurs ce qu’avait fait au premier tour Paoua, sa ville natale. Venu «remobiliser les militants» à la fin de la campagne, le candidat du MLPC s’interroge à haute voix, «les militaires sont présents partout, qu'est-ce qu'ils cherchent concrètement ?», avant de rappeler que l’un des candidats députés du parti a été blessé mercredi dernier par une rafale dans les jambes. Un tir de provocation d’après Ziguélé, qui n’a besoin de rappeler à aucun de ses partisans les exactions et les destructions commises par les anciens rebelles de Bozizé dans la région cotonnière d’où provient également Patassé.
A 48 ans, Martin Ziguélé appartient à une génération moins marquée par l’Histoire nationale. Diplômé de l'Institut international des assurances de Yaoundé et doté d’une licence d'anglais, il a fait son trou à l’étranger, à défaut d’emploi en Centrafrique. Nommé Premier ministre par Patassé en 2001, il avait retrouvé un poste dans les assurances en France pendant son exil obligé de 2003, avant de revenir au pays sous les couleurs de l'Union des forces vives de la Nation (UFVN), qui rassemblait au premier tour tous les anti-Bozizé. Mais l’union s’est brisée sur les résultats du 13 mars et le franc-parler de Martin Ziguélé n’est visiblement pas parvenu à maintenir le cercle de ses partisans très au-delà du MLPC, ses adversaires le présentant comme le faux-nez de Patassé. Au total, la bataille présidentielle a essentiellement consisté à opposer un visage du passé à d’autres. Depuis le 13 mars, la course paraît courue d’avance.
par Monique Mas
Article publié le 07/05/2005 Dernière mise à jour le 07/05/2005 à 16:17 TU