Brésil
La destruction de la forêt amazonienne s’accélère
(Photo: AFP)
Les chiffres sont éloquents : tandis qu’en 2002-2003 on déplorait au Brésil la disparition de 24 597 km², on enregistrait en 2004 la disparition supplémentaire de 1 533 km². Si l’on considère que la pire période pour la destruction amazonienne remonte à 1994-1995, avec 29 050 km² gagnés par les cultures, le chiffre de 2003-2004 est le deuxième par ordre d'importance avec 26 130 km². Selon le World Wildlife Fund (WWF) 17,3% de la forêt amazonienne ont été détruits, et près de la moitié de la déforestation totale a eu lieu dans l'Etat du Mato Grosso, dont les exploitations agricoles du gouverneur Blairo Maggi en font le premier producteur mondial de soja.
Les exportations brésiliennes de soja, principal produit agricole du pays vendu à l'étranger -essentiellement vers l’Europe et la Chine-, se sont élevées à quelque 10 milliards de dollars l'an dernier. Les défenseurs de l'environnement craignent que le développement de cette culture intensive et celui de l'élevage de bovins soient impossibles à arrêter. Parmi les causes de cette déforestation sauvage, il faut ajouter l’attrait des profits liés à la vente du bois, et à l’exploitation bien souvent illégale de mines d’or –qui par ailleurs polluent les cours d’eau en mercure-, ainsi que la réalisation d'un réseau routier à grande échelle pour faciliter les trafics.
La forêt amazonienne est un des rares conservatoires de la biodiversité originelle de notre planète ; sanctuaire de plantes uniques et principale forêt tropicale du monde, elle abrite 30% des espèces animales et végétales de la planète et produit de gros volumes d'oxygène. Dès 1978, on estimait déjà que 517 000 km² de la forêt brésilienne étaient partis en fumée ; or les satellites d'observation montrent que chaque année les dégâts de cette prédation continuent, pénalisant la vie même et l’habitat des hommes chassés de leur terre.
Une dégradation régionale qui concerne toute la planète
Véritable menace pour l’équilibre régional, ces dégradations représentent aussi un enjeu pour le reste de la planète. Outre des conséquences écologiques désastreuses pour la sauvegarde de la faune et de la flore, les scientifiques pointent des conséquences climatiques qui dépassent les frontières. Ainsi, d’énormes incendies engendrent une augmentation de la teneur en gaz carbonique dans l’atmosphère et, en chargeant l'atmosphère en lourdes particules de matière organique, ils freinent la condensation de vapeur d'eau. Si cette déforestation continue sa course, le réchauffement climatique global transformera à lui seul 20 % de la forêt amazonienne en savane d'ici cinquante à cent ans.
Dans les régions les plus touchées par la déforestation, les températures durant la saison sèche auraient augmenté de 1 à 3 °C selon Carlos Nobre, chercheur à l’Institut national brésilien des investigations spatiales (INPE)). Au-delà du territoire amazonien, Pedro Leite Silva Dias, chercheur à l'Université de São Paulo, estime quant à lui qu'il «pourrait y avoir une connexion entre les anomalies des pluies en Europe et aux Etats-Unis et ce qui se passe en Amazonie», à l’identique des relations de cause à effet soulignées par les travaux de Brian Kaskins, de la Reading University (Grande-Bretagne). Après vingt ans d’observation, ce dernier a établi un rapport montrant les liens existants entre les moussons du sous-continent indien, les inondations en Europe et la sécheresse en Australie.par Dominique Raizon
Article publié le 19/05/2005 Dernière mise à jour le 19/05/2005 à 17:10 TU