Sécurité
La carte d’identité électronique mise en cause
A l’évidence, c’est plutôt mal parti pour le programme INES d’Identité nationale électronique sécurisé lancé en avril dernier par le ministre de l’Intérieur Dominique de Villepin. Le projet qui met en œuvre la sécurisation électronique des passeports dès 2006 et de la carte d’identité l’année prochaine est très controversé. Ses opposants critiquent notamment la carte d’identité -obligatoire et payante en 2007- qui sera dotée d’une puce électronique dans laquelle seront consignées l’état civil du porteur ainsi que plusieurs éléments biométriques capables de l’identifier, deux empreintes digitales et une image faciale via une photo numérisée. Son utilité sera également polyvalente. Elle devrait permettre non seulement de prouver son identité mais également d’effectuer des démarches administratives ou commerciales via Internet grâce à une fonction de signature électronique.
Cette carte d’identité, nouvelle génération, infalsifiable est, selon le ministre français de l’Intérieur «un enjeu majeur» pour la sécurité du territoire et des citoyens et permettra «de lutter notamment contre l’immigration clandestine, le terrorisme, les abus du système de santé public et les fraudes à l’identité». Ce n’est pas l’avis de nombreuses associations de défense des libertés publiques qui travaillent sur le problème de la protection des données personnelles parmi lesquelles La Ligue des Droits de l'Homme (LDH), Imaginons un réseau Internet solidaire (Iris) et l’intercollectif Droits des libertés face à l’informatisation de la société (Delis).
«Un fichier de police à l’échelle du pays»
Elles ont été rejointes dans leur combat par le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France (SAF), l’Association française des juristes démocrates (AFJD) et les syndicats Sud, CGT, CFDT et CFTC de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ces organisations dénoncent «les dérives totalitaires du programme INES» et lancent une pétition pour demander «le retrait total et immédiat du projet de création d’une carte d’identité électronique» que Dominique de Villepin prévoit de présenter fin juin en Conseil des ministres. Le projet non encore rendu public est à l’heure actuelle examiné par la Commission nationale informatique et libertés (Cnil).
Avec la création de cette carte futuriste, le fragile équilibre entre liberté et sécurité se trouve menacé. Dans le collimateur de ces associations : la création d’un fichier central avec données biométriques. «En réalité, ce projet prévoit de constituer un fichier de police à l’échelle du pays et de toute la population, comportant les données biométriques de chaque citoyen, avec l’indication de son domicile, sur des puces lisibles sans contacts, c’est-à-dire à l’insu des personnes», déclarent les signataires de cette pétition.
Pour Côme Jacquemin, représentant du Syndicat de la magistrature, «la constitution d’un fichier national des empreintes digitales de toute la population est une atteinte aux libertés». Le syndicat Sud de l’Insee a, de son côté, annoncé qu’il s’opposerait à ce que l’Insee soit associé au programme. L’avant-projet du ministère prévoit en effet que le ministère puisse vérifier auprès de l’Insee la validité des demandes de carte d’identité en consultant «le répertoire national d’identification des personnes physiques», fichier rassemblant les informations de l’état civil. Et Michel Tubiana, président de la LDH d’expliquer : «la véritable nature d’INES est celle d’un projet à usage policier où chacun à un statut de suspect. Les mêmes arguments qui justifient aujourd’hui le recours à l’empreinte digitale et à la photographie justifieront demain l’enregistrement de l’iris, de la rétine, voire de l’ADN».
par Myriam Berber
Article publié le 27/05/2005 Dernière mise à jour le 27/05/2005 à 16:56 TU