Informatique et libertés
La Cnil s’inquiète des fichiers biométriques
(Photo : AFP)
En présentant hier leur bilan annuel, les responsables de la Cnil ont révélé une diminution des plaintes et des demandes d’accès à de multiples fichiers. «Le nombre de saisines est passé à 6 136 pour l’année 2003 contre 7909 en 2002, du notamment à la baisse des prospections commerciales par télécopies, a expliqué Alex Türk, le nouveau président de la Cnil. Des plaintes qui ne présentent plus aucune référence commune avec les questions évoquées par la Cnil lors de sa création ». Les plaintes les plus courantes concernent l’exercice des droits, tout particulièrement celui d’opposition à figurer dans des fichiers privés : impayés, interdits bancaires, prospection commerciale ou des fichiers intéressant la sécurité publique.
Le recours à la biométrie s’inscrit dans cette tendance lourde de renforcement du fichage et des questions de sécurité publique. La Cnil est de plus en plus préoccupée par la multiplication des fichiers biométriques, des fichiers d’empreintes digitales ou génétiques. Très sévère à l'encontre des Etats-Unis, le rapport dénonce l’accord conclu le 28 mai dernier entre l’Union européenne et Washington motivé par la lutte antiterroriste, qui autorise le compagnies aériennes à fournir aux services américains les données personnelles concernant les passagers des vols transatlantiques.
Nouvelle loi, nouvelle Cnil
La Cnil estime «ce partage d’information» pour lutter contre le terrorisme «illégal». «L'accord, tel qu'il a été signé, nous pose un certain nombre de difficultés, a souligné Alex Türk avant de déplorer «l’incroyable différence de philosophie entre les conceptions européennes et américaines dans le domaine de l’informatique ». Washington et Bruxelles sont en effet parvenus à un accord après plus d'un an de négociations, après l'obtention par l'UE de concessions, dont la limitation de la durée de stockage des données à trois ans et demi au lieu de cinquante ans.
Les applications biométriques ne sont pas les seules à être montrées du doigt, les technologies de géolocalisation via le téléphone mobile ou d’espionnage via les puce-radio RF-Id potentiellement intrusives pour la vie privée sont aussi un objet d’inquiétude pour la Commission. Sur le plan national, la Cnil conteste ainsi la légitimité de la carte de transport Navigo qui permet à la RATP de suivre le voyageur parisien dans tous ses déplacements, et qui utilise les puces-radio.
En vingt cinq ans, le développement d’Internet et des technologies de surveillance électronique ont considérablement élargi le champ d’intervention de la Commission. Son nouveau président, le sénateur du nord, Alex Türk a profité de la présentation du rapport annuel pour présenter «la nouvelle Cnil». Le projet de loi censé remanier la loi du 6 janvier 1978 pour la conformer à une directive européenne de 1995 devrait être adopté prochainement par le Parlement.
Selon les propres termes d’Alex Türk, la Commission devrait être amenée dans les années à venir à renforcer ces contrôles avec la mise en place de correspondants Cnil à la protection des données dans les entreprises qui existent déjà dans trois pays européens (Allemagne, Suède, Pays Bas). Ce nouveau dispositif juridique devrait également permettre à la Cnil d’infliger des sanctions pécuniaires allant jusqu’à 300 000 euros d’amendes, alors qu’actuellement la Cnil peut seulement infliger des avertissements.
La Commission ne renonce pas, pour autant, à exercer sa mission de conseil. Bien au contraire, son rôle est réaffirmé et même étendu aux négociations internationales. Très concrètement, pour lutter contre les spam qui émanent à 90% de pays hors Union européenne, la Cnil envisage par exemple de prendre contact avec des procureurs aux Etats-Unis, qui disposent désormais d'une législation fédérale anti-spam ainsi qu'avec les autorités américaines de la concurrence, la Federal Trade Commission.
par Myriam Berber
Article publié le 23/06/2004 Dernière mise à jour le 23/06/2004 à 13:15 TU