Santé
Les Français sous surveillance électronique
(Photo : AFP)
Pour changer la sécurité sociale, le ministre français de la Santé Philippe Douste-Blazy a évoqué plusieurs pistes de réforme, parmi lesquelles la mise en place d’un dossier médical informatique. C’est l’un des éléments-clés du projet de réforme de l’assurance maladie dévoilée la semaine dernière par le ministre de la Santé. Ce «dossier médical partagé» (DMP) devrait théoriquement être opérationnel sur tout le territoire national dans trois ans, après des expérimentations dans des sites pilotes dès l’année prochaine.
Le ministre de la Santé en a expliqué, lundi 24 mai, le principe lors d’un déplacement dans une clinique dans sa ville de Toulouse, dans un établissement expérimental de ce système. «Ce dossier médical partagé (ou DMP) qui réunira les données médicales d'un patient (consultations, hospitalisations, prescriptions, examens), sera obligatoire pour les personnes de plus de 16 ans. Celles-ci ne pourront pas se faire rembourser les actes qui n'y seront pas inscrits», a expliqué Philippe Douste-Blazy. Le caractère obligatoire du DMP le différencie du carnet de santé, version papier, lancé en 1997 par le gouvernement Juppé, sans succès.
Un résumé de son histoire médicale
Concrètement, le DMP va remplacer les différents dossiers papier du patient comme l’a expliqué le ministre: «Aujourd'hui, un patient peut avoir des dossiers chez un ou plusieurs généralistes, chez des spécialistes, dans des hôpitaux ou des cliniques, demain il n'en aura plus qu'un». Consultable partout sur le territoire français via Internet, ce carnet de santé électronique consignera l’ensemble de l’histoire médicale du patient.
Cet outil dont on parle depuis vingt ans, devrait permettre d’éviter les examens médicaux redondants ou trop fréquents, limiter le nombre de prescriptions et les dangereuses interactions entre médicaments responsables chaque année du décès de milliers de personnes. Le gouvernement espère ainsi économiser 3,5 milliards d’euros par an lorsque le dispositif sera généralisé sur tout le territoire national.
Accessible depuis l’hôpital ou le cabinet d’un médecin, le DMP qui gardera en mémoire toutes les données médicales, devrait permettre une meilleure coordination des soins. Mais il pose également aussi la question du secret médical et de la protection de ces données dites sensibles. Qui pourra accéder au DMP? Quand et comment? Pour l’heure, ce dossier ne sera ouvert qu’au malade et au médecin via une adresse sécurisée. «L’inviolabilité» constitue «la condition du succès du projet», souligne le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance malade qui prévoit que l’hébergement du dossier soit confié à un opérateur neutre. Avant de transmettre via le Net son intimité médicale, il serait impératif de savoir qui se cache derrière la façade de ce prestataire afin que le dossier ne tombe pas entre les mains de quelque assureur, banquier ou intermédiaire intéressé par une exploitation commerciale de ces données sensibles. Sur ce point, la Commission nationale Informatique et Libertés (Cnil) devrait être particulièrement vigilante et user de ses pouvoirs de contrôle dès la mise en route du projet.
L’autre obstacle de taille concerne les modalités de mise en place et le coût du DMP. Pour l’heure, le coût de fonctionnement, correspondant aux coûts d'hébergement des données, devrait être de l'ordre de 3 à 12 euros par dossier, soit entre 300 et 600 millions d'euros par an. Le futur carnet de santé électronique rendra également obligatoire l’informatisation et la mise en réseau sur tout le territoire français, des hôpitaux et cabinets de médecins.
par Myriam Berber
Article publié le 25/05/2004 Dernière mise à jour le 25/05/2004 à 14:54 TU