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Surveillance

Les étiquettes électroniques, un inquiétant tatouage numérique

Les traditionnels codes-barres seront bientôt relégués aux oubliettes. Les étiquettes du futur qui utilisent les ondes radio pour identifier un produit à distance ou une personne, permettront de stocker de nombreuses données. Certains s’inquiètent des possibles dérives de ces étiquettes électroniques.
Lors du dernier Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) qui s’est tenu en décembre à Genève, tous les participants se sont vus remettre un badge électronique pour leur permettre de circuler pendant les trois jours du sommet. Pour faciliter l’identification et optimiser la traçabilité des participants du SMSI, ce badge était équipé d’une puce-radio RF-Id. Une puce d’identification automatique de plus en plus dénoncée par les défenseurs des libertés individuelles. RF-Id (pour Radio Frequency Identificator), un sigle barbare qui cache une technologie permettant d'identifier, à plus ou moins longue distance, un objet muni d'une étiquette capable de stocker des données qui seront lues par les ondes radio.

Ces étiquettes électroniques miniatures (ou radio tags) ont l'avantage, outre leur difficile falsification et leur coût de revient très bas, de pouvoir être lues et modifiées à distance, lors du passage dans une porte de magasin ou de bâtiment. Une technologie prometteuse qui a déjà fait ses preuves dans le domaine industriel. Ces étiquettes radio-fréquence sont utilisées depuis plusieurs années dans des applications professionnelles comme le suivi du bétail, des bennes à ordures ou des flottes de camions ou dans le domaine des transports aériens avec notamment le suivi des bagages, du domicile des passagers à leur destination finale. A l’exemple de la carte de transport sans contact Navigo de la RATP, la radio-identification est déjà une réalité dans notre vie quotidienne.

Le maillage dense de milliers d’objets

Les prochaines applications grand public concerneront le monde de la grande distribution qui envisage de remplacer les codes-barres sur les produits de consommation par les puces-radio RF-Id. Ces étiquettes électroniques vont permettre de faciliter la gestion des stocks dans les magasins, limiter le risque de vols, raccourcir le temps d’attente aux caisses. Le monde de la finance est également vivement intéressé par ces radio tags. Pour lutter contre la contrefaçon, la Banque centrale européenne envisage d’équiper les grosses coupures en euros de radio tags.

Mais cet inquiétant tatouage numérique peut également se développer et devenir un instrument de contrôle, utilisé notamment par les patrons pour surveiller électroniquement leurs employés, afin de limiter, par exemple, les risques de vols. Il peut également être utilisé par des publicitaires pour surveiller les consommateurs à leur insu. C’était d’ailleurs le projet du fabricant de rasoirs Gillette qui envisageait de fournir des produits équipés de ces étiquettes-radio. La puce avait pour but, selon le fabricant, d’observer le comportement d’acheteurs de rasoirs. Lorsqu’un produit était retiré de l’étagère de présentation, la puce émettait un signal qui alertait un chercheur qui pouvait alors observer -grâce à une webcam située dans le magasin- le comportement du client.

De nombreuses associations de défense des libertés individuelles y ont vu une menace pour la vie privée. Résultat, le fabricant Gillette a fait marche arrière. La marque italienne de vêtements Benetton qui envisageait, pour mieux gérer ses stocks, d’équiper ses produits de ces puces-radio, a pour l’instant abandonné le projet. Avec la mise en oeuvre de cette technologie d’identification automatique, que reste-t-il de notre liberté d’aller et venir ? Pas grand chose si l’on en croit une recommandation publiée en novembre dernier par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), qui estime que «les étiquettes radio basées sur les puces RF-Id ne sont pas de simples codes-barres mais doivent être considérés comme des identifiants personnels au sens de la loi informatique et liberté».

La Commission fait de ce dossier un de ses axes prioritaires pour l’année à venir. En effet, la Cnil craint que «le maillage dense de milliers d’objets» qui entoureront une personne pourra être ainsi être analysé de façon permanente (le potentiel de rayonnement d’un RF-Id est illimité dans le temps car aucune batterie n’est nécessaire) et permettra à terme le «profilage des individus». Pour preuve, la dernière étude publiée par l’International Civil Aviation Organisation qui propose la mise en place de passeports à puce RF-Id et dans lesquels seraient incorporées une photo numérique et une technologie biométrique: l’empreinte digitale ou l’iris au choix.



par Myriam  Berber

Article publié le 29/12/2003