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Surveillance

Le projet américain qui menace la vie privée

Sous prétexte de lutte anti-terroriste, le gouvernement américain projette de mettre en place un système de renseignement global à l’échelle planétaire qui vise à connecter toutes les bases de données, publiques ou privées. Un projet qui commence à inquiéter les associations de défense des libertés.
A l’exception des associations de défense des libertés publiques, les Américains ont, dans leur ensemble, peu réagi face aux dérives sécuritaires de l’après-11 septembre. Aujourd’hui toutefois, la mobilisation s’organise pour tenter de lutter contre les dernières mesures réglementaires mises en place dans le cadre du «Homeland Security Act» (loi sur la sécurité de la patrie) que vient d’adopter le Congrès. Au banc des accusés : le «Total Information Awareness» (TIA) en français «Vigilance Informatique Totale» mis en œuvre par l’ex-amiral John Pointdexter.

Le projet de cet ancien conseiller du Président Reagan impliqué dans le scandale de l’Irangate va très loin. Thierry Meyssan, président du Réseau Voltaire (association de défense des libertés), a travaillé directement sur les documents internes du DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) qui a pris en charge le TIA : «Ce système du Pentagone entend collecter toutes les bases de données informatisées possibles, publiques ou privées, états-uniennes ou étrangères», explique-t-il.

Orwell en a rêvé, les Américains veulent le faire. A la manière de Big Brother, ce projet de fichage informatique de masse est susceptible de menacer directement les libertés fondamentales garanties par la constitution. Au nom de la sécurité nationale, le programme s’étend à de nombreux domaines de la sphère privée : informations médicales, données bancaires, données personnelles (état-civil, casier judiciaire, permis de conduire), écoutes téléphoniques.

Le père du projet victime de pirates informatiques

Les événements prouvent que, malheureusement, les associations s’alarment à juste titre, en affirmant que le TIA risque sérieusement d’amputer le droit à la confidentialité et à la vie privée: «Dans cette affaire, les Américains sont en train de mettre en place des systèmes sophistiqués de contrôle social. En même temps, ils ont une présentation excessive de leur capacité, dans un but d’intimidation», estime Thierry Meyssan. Et de relever que «la technique ne peut pas suivre, elle va freiner cette faisabilité. Même si cela reste une présentation fantasmatique. Ils pourront néanmoins mettre quelque chose en place». Pour sa part, l’ex-amiral John Pointdexter prévoit un délai de trois à cinq ans pour la mise en place du TIA.

Le programme est composé de huit unités qui, selon Thierry Meyssan, «concourent à la création de ce gigantesque système de contrôle social». On y trouve «Genysis», un programme chargé de rendre compatibles les informations collectées dans toutes les bases de données publiques du monde. «Genoa II», un programme d’exploration clandestine des bases de données informatisées. «Tides» chargé de traduire automatiquement en anglais toutes les langues du monde. «EELD» dont la mission est d’interpréter les informations collectées selon des méthodes de data-mining. «EARS» chargé de transformer en texte écrit les communications orales interceptées. «Bio-surveillance» un programme pour collecter les informations susceptibles d’indiquer la dispersion d’agents biologiques. «HID» un système chargé de la reconnaissance automatique par des caméras de surveillance d’individus recherchés. «WAE», un programme de simulation d’environnement de guerre et de travail en salle des état-majors.

Après le «USA Patriot Act», ce grand texte législatif voté massivement en octobre 2001 après les attentats du 11 septembre et dans la ligne droite du «National Strategy to Secure Cyberspace», la loi qui vise à protéger les Etats-Unis d'attaques qui pourraient être lancées via Internet par des terroristes, une nouvelle étape a été franchie avec le vote du «Homeland Security Act» et la création du TIA. D’où une mobilisation des associations de défense des libertés publiques et des ONG qui travaillent sur le problème des écoutes parmi lesquelles des représentants de l’American civil liberties union (Aclu) et de l’Electronic privacy information center (Epic).

Un groupe de hackers a décidé de donner un exemple de ce que pourrait être le résultat du programme TIA s’il parvient à son terme. Ces «hacktivistes» ont diffusé sur Internet les données personnelles de l’instigateur du TIA, John Pointdexter, lui même. Ont été mis en ligne son adresse, ses coordonnées, des photos aériennes de sa maison, sa déclaration d’impôts, numéro de sécurité sociale. Une contestation qui n'a pas l'air, pour l'instant, d'inquiéter la Maison Blanche, sourde aux protestations.




par Myriam  Berber

Article publié le 27/12/2002 Dernière mise à jour le 26/12/2002 à 23:00 TU