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Economie

Un Davos africain au Cap

Dessin de Gado, illustrateur kenyan.(Source: <a href="http://www.weforum.org">World economic forum</a>)
Dessin de Gado, illustrateur kenyan.
(Source: <a href="http://www.weforum.org">World economic forum</a>)

«S’indigner du fardeau africain de la dette, c’est bien. Mais agir c’est mieux !», plaide en substance la bande dessinée du Kényan Gado sur le site internet du Forum économique mondial (WEF) pour donner le ton du Sommet économique sur l’Afrique qu’il organise, du 1er au 3 juin, dans la ville sud-africaine du Cap. Dans la ligne de mire des entrepreneurs du WEF, se profile bien sûr le prochain sommet des pays les plus riches du monde, le G8, qu’ils ont l’habitude de rencontrer sur les hauteurs suisses de Davos. Dans un mois en effet, le Premier ministre britannique, Tony Blair, ouvrira le G8 à Gleneagles, en Ecosse. Dans cette perspective, il a mis sur pied en février 2004 une Commission pour l’Afrique chargée de plaider pour un véritable «plan Marshall» en faveur du continent. Pour sa part, le WEF entend mettre l’accent sur «le rôle clef du secteur privé comme locomotive de la renaissance africaine».


Quelque 650 participants, des dirigeants politiques mais surtout des chefs d’entreprises, en provenance d’une quarantaine de pays seront au rendez-vous du Cap. Selon Haiko Alfeld, le directeur du WEF pour l'Afrique, l’objectif est de «faire passer un message fort et positif à Gleneagles pour soutenir les aspirations africaines et les propositions ambitieuses de la Commission pour l'Afrique» du G8 qui réunit l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, le Japon, le Royaume-Uni et la Russie. A l’initiative de Tony Blair, la Commission pour l’Afrique recommande en effet une action concertée capable de faire passer le taux de croissance moyen africain de 4,2% en 2004 à 7% d’ici 2010. Pour y parvenir, elle suggère en particulier un doublement de l’aide pendant la même période, soit un effort de 25 milliards de dollars de plus chaque année.

Trouver de l'argent frais

Publié en mai, le rapport 2004-2005 de la Banque africaine de développement et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «Perspectives économiques en Afrique», indique que si l’aide publique au développement (APD) a effectivement progressé (de 5 à 7%) ces trois dernières années au profit principalement de l’Afrique, elle a surtout consisté en des réductions de dette. En 2004, des allègements ont ainsi bénéficié à «28 pays sur la quarantaine de pays initialement visée, soit 54 milliards de dollars au total». Mais surtout, souligne l’OCDE, avec un accroissement situé entre 0,22 et 0,25%, le pourcentage de leur revenu national brut consacré par les bailleurs de fonds à l’APD «reste inférieur aux moyennes antérieures (0,33% sur la période 1980-1992) et à l’objectif fixé par les Nations unies (0,7%)». Cela permet de replacer dans sa juste proportion l’enveloppe supplémentaire demandée par la Commission de Tony Blair.

L’OCDE n’est pas convaincue que les fonds nécessaires au développement puissent être augmentés comme l’ont suggéré les altermondialistes ou le président français Jacques Chirac, grâce à des taxes sur les changes (Tobin), sur les billets d’avion, sur les ventes d’armes ou sur l’environnement (écotaxes) ou même en faisant vibrer la fibre humanitaire des donateurs avec des levées de fonds thématiques (sida, tuberculose et autres paludismes). En revanche l’organisation de développement retient l’idée britannique d’une «facilité de financement international» (IFF), un instrument financier qui pourrait émettre «des obligations en son nom (son passif)», garanties par «des engagements annuels de versements sur 15 ans (son actif)».

Les fonds trouvés, encore faut-il les affecter à un développement durable qu’il s’agit en même temps d’accélérer. Et cela, sur l’ensemble d’un continent qui ne parvient pas à diversifier ses productions. Celles-ci restent figées dans le secteur des matières première minérales et agricoles ce qui impose d’ailleurs des correctifs notables à la bonne croissance globale enregistrée en 2004 sur le continent. Les situations sont extrêmement contrastées en effet entre un pays en conflit comme la Côte d’Ivoire, enchaînée à son cacao qui joue au yoyo, et un pays enfin sorti de la guerre comme l’Angola pétrolier. L’OCDE rappelle quand même à ceux qui ont tiré le gros lot des matières premières les plus demandées aujourd’hui que les «recettes devront être soigneusement gérées afin d’éviter les cycles d’expansion et de contraction qui peuvent résulter de la volatilité des prix».

Faire place aux entrepreneurs

Concernant le pétrole, l’OCDE note un effort de transparence de la part des dirigeants, durement sermonnés par la Banque mondiale. Mais l’envolée des prix des minerais tirés par les besoins insatiables de la Chine exige bien sûr la même vigilance. L’agriculture, en revanche, est en difficulté pour cause de sécheresse, de criquets, ou de guerres, mais aussi parce que, par exemple, les stocks mondiaux de café sont au plus haut ou bien du fait que le coton africain ne tient pas la concurrence américaine. Ce n’est pas nouveau. A défaut d’industrie de transformation, les producteurs africains de matières premières ne sont pas en bonne position dans la chaîne des échanges internationaux dominés par la loi du profit. Or l’Afrique manque aussi d’entrepreneurs privés.

Au Sud du Sahara, à l’exception notable de l’Afrique du Sud, «le secteur privé est majoritairement composé de micro-entreprises informelles, qui coexistent avec de grands groupes» relève l’OCDE. Les petites et moyennes entreprises (PME) privées sont le «chaînon manquant» des économies africaines. Sans doute l’ampleur du secteur informel témoigne-t-elle de la créativité et de l’esprit d’entreprise africain. Mais, en même temps, son incapacité à générer un véritable tissu de PME donne la mesure de l’impotence de politiques nationales souvent conjuguées avec des ambitions monopolistiques, qui prospèrent à l’ombre de certains pouvoirs. L’argent ou du moins les ressources monnayables ne sont pas toujours ce qui manque le plus en Afrique. Mais il est clair que «l'Afrique subsaharienne souffre de la faiblesse des investissements nationaux et étrangers et d'une fuite des capitaux importante par rapport aux autres régions en voie de développement», souligne la Commission pour l’Afrique.

La confiance fait défaut et c’est elle, justement, que les compagnons de route de Davos se proposent de ramener en Afrique. «Il faut mettre en avant les succès», explique leur partenaire sud-africain Lazarus Zim, le directeur général du conglomérat minier Anglo American. Lazarus Zim estime à sa juste valeur «l'attention sans précédent» dont l'Afrique fait l'objet de la part des grands de ce monde, dirigeants politiques et, surtout, entrepreneurs.


par Monique  Mas

Article publié le 01/06/2005 Dernière mise à jour le 01/06/2005 à 16:31 TU