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France

Tractations pour un gouvernement

Le Premier ministre Dominique de Villepin assiste à l'entretien d'un chômeur lors de la visite d'une agence pour l'emploi, le 2 juin 2005 à Serris.(Photo : AFP)
Le Premier ministre Dominique de Villepin assiste à l'entretien d'un chômeur lors de la visite d'une agence pour l'emploi, le 2 juin 2005 à Serris.
(Photo : AFP)
Deux jours après sa nomination au poste de Premier ministre, Dominique de Villepin n’a pas encore finalisé le nouveau gouvernement. Les «sarkozistes» veulent y avoir toute leur place mais en même temps, le fidèle de Chirac doit trouver le moyen de montrer son intention de faire reculer le chômage.

Dans les tractations entre les différents courants de la majorité, Dominique de Villepin doit d’abord tenir compte des « poids-lourds » sortants. La plupart d’entre eux font le forcing pour rester dans le nouveau gouvernement. Ce serait notamment le cas de François Fillon, ministre de l’Education dans le gouvernement Raffarin, Dominique Perben, qui était à la Justice, et Michel Barnier, aux Affaires étrangères. Nicolas Sarkozy, futur ministre d’Etat, défend la cause de François Fillon ; il est son conseiller politique à l’UMP. Le problème c’est que ce dernier ne veut que d’un grand ministère type Affaires étrangères ou Défense. Pour ce dernier ministère, c’est impossible puisque Michèle Alliot-Marie aurait l’assurance d’être confirmée dans ses fonctions. Et pour le Quai d’Orsay, les jeux semblent faits. C’est Philippe Douste-Blazy, ancien ministre de la Santé, qui l’emporterait.

Certains sont sûrs de rester

Dominique Perben n’a pas non plus envie de partir. Ne plus faire partie de l’équipe gouvernementale peut l’affaiblir alors qu’il veut être candidat à la mairie de Lyon en 2008. Quant à Michel Barnier, rien ne serait encore décidé à son sujet. Il était donné sortant, mais son entourage fait remarquer qu’il a été Commissaire à Bruxelles. Il connaît bien la capitale de l’Union européenne et les membres de la Commission. Un atout dans le contexte actuel de rejet de la Constitution par la France.

Autre problème, le désaccord entre Thierry Breton et Jean-Louis Borloo sur l’emploi. Thierry Breton devrait rester aux Finances mais il voulait étendre ses compétences sur l’emploi afin de faire de Bercy un grand pôle Emploi-Industrie. La question semble avoir été tranchée en faveur de Borloo, ministre de la Cohésion sociale.

Troisième question non résolue, la place des femmes dans ce nouveau gouvernement. Le précédent comptait trois personnes de sexe féminin, il n’est pas certain qu’elles soient beaucoup plus présentes dans l’équipe Villepin. Nathalie Kosciusko-Morizet aura peut-être l’Ecologie mais on parle aussi de Renaud Dutreil (ex Fonction publique) pour ce ministère. Valérie Pécresse serait pressentie pour la Famille ou la Parité. Le tout doit être équilibré entre le camp Sarkozy et les autres.

Une visite symbolique pour l’emploi

Sans avoir finalisé la liste de ses ministres, le nouveau Premier ministre Dominique de Villepin s’est rendu en grande banlieue parisienne dans une agence locale pour l’emploi. Il y a rencontré le personnel chargé d’aider les chômeurs à trouver du travail et leur a posé beaucoup de questions, notamment sur les difficultés que rencontrent les chômeurs : mobilité, formation, logement.

A Serris, Dominique de Villepin a déclaré qu’il voulait «explorer l’ensemble des blocages auxquels aujourd’hui sont confrontés les chercheurs d’emploi pour, un à un, les lever».  Le geste est symbolique. Pour le moment, Dominique de Villepin n’a pas encore expliqué comment il va s’y prendre pour faire baisser le chômage. «Tout n’a pas été tenté», avait-il déclaré après sa nomination, alors les sondages sorties des urnes l’ont montré : l’emploi est la préoccupation numéro un des Français.

Comme dans la formation de son gouvernement, le nouveau Premier ministre va être obligé de composer avec des demandes contradictoires. Certains hommes politiques veulent un tournant libéral, d’autres sont partisans d’une inflexion sociale. Par avance, Dominique de Villepin se déclare «profondément attaché au modèle français» qui repose sur des incitations en direction des entreprises, une protection élevée des salariés face au licenciement, et un niveau relativement haut des indemnités chômage. «J’aurai recours à toutes les expériences, même si certaines ont lieu ailleurs», a indiqué le nouveau Premier ministre. 

Les deux rivaux dans le même bateau

Dès dimanche soir, Nicolas Sarkozy, partisan d’une politique libérale à l’anglo-saxonne, réclamait «un tournant majeur dans nos politiques économiques et sociales». Celui que la presse a déjà surnommé «le Premier ministre bis » n’a peut-être pas obtenu Matignon mais, signe de son poids politique, le chef de l’Etat en personne a annoncé son retour dans le nouveau  gouvernement. Il y a six mois, Nicolas Sarkozy avait été obligé de choisir entre son poste au gouvernement et la direction de l’UMP. Même ministre de l’Intérieur, il aura son mot à dire sur la politique économique et sociale du gouvernement.

Sarkozy et Villepin, les deux rivaux, sont obligés de faire la paix en entrant dans le même gouvernement avec chacun d’importantes responsabilités. Les Français de leur côté, approuvent le retour de Nicolas Sarkozy au sein du futur gouvernement. Un sondage Ipsos réalisé pour le quotidien Le Monde et pour la chaîne de télévision France 2, montre que 56% des personnes interrogées sont pour ce «come-back» au ministère de l’Intérieur. De leur côté, les sympathisants de l’UMP sont satisfaits à 87% du retour de Nicolas Sarkozy à un poste ministériel.

S’appuyant sur ce sondage, l’entourage du nouveau ministre de l’Intérieur indiquait que Nicolas Sarkozy revenait au ministère de l’Intérieur pour «rester dans l’action» et préserver l’unité de la majorité. Une précision pour démentir l’idée selon laquelle le président de l’UMP ne serait porté que par son ambition présidentielle.

Des socialistes indignés

«Il nous a dit que son retour à l’Intérieur lui permettrait de reprendre la DST, et d’éviter les coups tordus montés contre lui». C’est ce qu’aurait confié un participant lors du traditionnel petit déjeuner organisé par Edouard Balladur dans une annexe de l’Assemblée nationale. Ces propos n’ont pas été démentis par l’entourage de Nicolas Sarkozy même si ses motivations d’ordre politique sont mises en avant. Ces dernières semaines, des rumeurs avaient couru concernant la situation familiale de Nicolas Sarkozy. Elles parlaient  essentiellement du départ de sa femme avec un autre homme. Ces nouvelles, en partie réelles et en partie amplifiés, étaient venues de la presse étrangère. Ces manipulations furent attribuées à l’entourage de Dominique de Villepin, désireux de déstabiliser son concurrent, l’ambitieux président de l’UMP.

Loin de ces questions d’alcôve, le retour du président de l’UMP au ministère de l’Intérieur indigne les socialistes. Ils insistent sur le pouvoir dont va jouir Nicolas Sarkozy. Proche de la police, des préfets, il aura également la main sur le processus électoral, le découpage des circonscriptions. «C’est un problème d’éthique républicaine», a déclaré Jean-Marc Ayrault.

Quelque chose qui les dépasse

Pour sa part Dominique de Villepin a déclaré qu’il se réjouissait de l’entrée de Nicolas Sarkozy dans son gouvernement, «de son engagement dans cette équipe… et de pouvoir compter sur son talent». Les deux hommes, on le sait, sont en compétition pour 2007. «Quand c’est difficile, tout est possible. C’est quelque chose qui dépasse ma personne et celle de Nicolas Sarkozy », a déclaré le nouveau Premier ministre.

Malgré les apparences, une lutte feutrée va continuer entre les deux hommes. Si Dominique de Villepin est allé dans une agence locale pour l’emploi en grande banlieue, Nicolas Sarkozy, lui, prépare sa première sortie de ministre de l’Intérieur. Cela n’a pas été confirmé mais il voulait se rendre dès vendredi, à Perpignan, ville du sud de la France secouée par des rixes mortelles entre communautés gitane et maghrébine.


par Colette  Thomas

Article publié le 02/06/2005 Dernière mise à jour le 02/06/2005 à 18:26 TU