Economie
Chômage : la France se cherche
(Source : <a href="http://europa.eu.int">www.europa.eu.int</a>)
Après Alain Juppé en 1995, Lionel Jospin en 1997, Jean-Pierre Raffarin en 2002 puis en 2004, c’est au tour de Dominique de Villepin de l’annoncer : «La bataille pour l’emploi va constituer la priorité de ce gouvernement avec pour seul critère l’efficacité car il n’y a pas de fatalité». Début 2002, le taux de chômage baisse à 8,9% mais l’embellie ne dure pas. Alors que les Français découvrent le face à face Le Pen-Chirac au deuxième tour de la présidentielle, la dégradation des chiffres reprend. En 2004, c’est 10% de la population active. En avril 2005, le nombre de demandeurs d’emploi atteint 10,2% des personnes en âge de travailler. Avant le référendum, 2,7 millions de Français sont à la recherche d’un travail.
Le «non» et le chômage
Jean-Pierre Raffarin s’est donc engagé plusieurs fois à faire baisser le chômage, sans succès. La sanction est passée par le référendum où beaucoup d’électeurs ont craint que plus d’Europe entraîne plus de chômage. L’inquiétude n’avait pas cessé de grandir, notamment chez les jeunes, pénalisés par la disparition des emplois-jeunes. Le plan Borloo a également supprimé d’autres emplois aidés par l’Etat comme les contrats emploi solidarité (CES) qui offraient des débouchés aux moins de 25 ans. Dans son plan adopté au début de l’année par le Parlement, le ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du logement, les a remplacés par des contrats d’avenir. Mais ces derniers sont destinés à ceux qui reçoivent des minima sociaux.
Dès le lancement de son plan, Jean-Louis Borloo a répété plusieurs fois que les résultats ne seraient pas visibles avant la fin de l’année, si ce n’est en 2006. Ces délais sont difficilement compatibles avec les objectifs de Dominique de Villepin. Le nouveau Premier ministre a décidé de parler chaque mois des progrès faits dans la lutte contre le chômage.
L’importance des PME
Le plan Borloo prévoit la création de maisons de l’emploi, c’est-à-dire de guichets uniques où les chômeurs devraient bénéficier de services plus efficaces pour trouver du travail. Le développement des services à la personne devrait entraîner la création de 500 000 emplois en trois ans. Pour les entreprises de moins de dix salariés, de nouveaux contrats de travail devraient permettre d’embaucher 300 000 personnes. Des contrats de travail simplifiés auront des charges sociales encore plus allégées. Au lieu de 1,6 Smic, le plafond de l’exonération passera à 2 Smic. L’Union professionnelle artisanale (UPA) est intéressée par ces nouveautés.
Une mesure du plan Borloo a été gelée pour ne pas aggraver le climat social avant le référendum. Il s’agit de la signature d’une convention entre l’Etat, l’Unedic et l’ANPE qui vise à contrôler davantage les chômeurs. Ils devraient être incités à reprendre un travail, sous peine de voir leur indemnité chômage diminuer.
Le système danois séduit
Raymond Soubie, PDG du cabinet de conseil en ressources humaines Altedia, suggère au nouveau gouvernement de s’inspirer du modèle nordique pour faire baisser le chômage. En revanche pour cet ancien conseiller de Raymond Barre, un chamboulement du droit du travail présenterait des «risques sociaux». «La France n’est pas prête à basculer dans vers un système à l’anglo-saxonne».
«Le système danois séduit la droite comme la gauche», souligne Raymond Soubie qui explique : «les pays nordiques réalisent une synthèse entre l’aspiration des salariés à plus de sécurité et à plus d’Etat et l’aspiration à plus de souplesse dans la gestion des entreprises. Ce modèle est marqué par des prélèvements fiscaux et sociaux élevés, une protection sociale très développée, mais un fonctionnement du marché du travail à forte efficience comme dans le modèle anglo-saxon. Le nouveau gouvernement devrait s’en inspirer». Le spécialiste en ressources humaines préconise notamment «d’améliorer le fonctionnement du marché du travail en développant à la fois des mesures incitatives à la recherche d’un emploi et des aides plus performantes aux reclassements pour réduire la durée du chômage».
Un chômage à 4,9%
Selon Eurostat, l’institut de statistiques de l’Union européenne, le taux de chômage au Danemark est de 4,9% de la population active. Le taux de chômage des jeunes s’élève à 7,1%, il est le plus faible de toute l’UE. Il a très peu de freins à la liberté de licencier. En contrepartie, les syndicats sont davantage associés à la vie des entreprises. Les pouvoirs publics réunissent assez régulièrement les partenaires sociaux. La protection des salariés est très élevée, avec quatre ans d’indemnité chômage non dégresse. Les chômeurs sont accompagnés par l’administration dans leur recherche d’emploi. Ils ne peuvent refuser une offre sans justification. Les formations, les stages sont obligatoires.
Au moment où la France « digérait » le résultat de dimanche dernier, le temps de travail en Europe était au cœur d’un conseil des ministres de l’Emploi et des Affaires sociales. L’enjeu, c’est la disparition ou non d’une dérogation qui permet de dépasser la semaine de 48 heures maximum. La Grande-Bretagne souhaite le maintien de cette dérogation. Dans son camp, la Pologne, l’Autriche, les pays Baltes et l’Allemagne. La France, la Suède, la Belgique ou l’Espagne sont pour la suppression de cette dérogation. En contrepartie, ces pays sont prêts à donner leur feu vert à une annualisation du temps de travail.
En Grande-Bretagne, plus de 4 millions de travailleurs sont concernés car leurs horaires hebdomadaires dépassent les 48 heures. La productivité horaire britannique est cependant la plus basse par salarié de toute l’Europe. De son côté la France, avec ses 37 heures en moyenne par semaine, à la productivité horaire la plus forte du vieux continent. D’un côté un système ouvert, de l’autre une durée du travail encadrée, la directive est bloquée.
par Colette Thomas
Article publié le 03/06/2005 Dernière mise à jour le 03/06/2005 à 17:41 TU