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Syrie

Bachar el-Assad renforce son emprise sur le Baas

Lors du congrès du Baas, le président syrien Bachar al-Assad (C) a été réélu secrétaire général du parti à l'unanimité.(Photo : AFP)
Lors du congrès du Baas, le président syrien Bachar al-Assad (C) a été réélu secrétaire général du parti à l'unanimité.
(Photo : AFP)
Le parti Baas au pouvoir en Syrie a effleuré, lors de son Xe congrès, des questions cruciales sans engager des réformes en profondeur souhaitées par l’opposition et la majorité des Syriens. Le président Bachar el-Assad a profité de ces assises pour écarter la «vieille garde» et placer des fidèles à la tête du parti.

De notre correspondant à Beyrouth

«C’est déjà important que la Baas reconnaisse la nécessité de procéder à des réformes politiques et économiques. Mais les mesures décidées sont insuffisantes et restent en deçà des attentes de l’opinion publique». C’est en ces termes qu’un opposant syrien, installé à Beyrouth, évalue les travaux du Xe congrès du Baas qui s’est tenu du 6 au 9 juin, à Damas, et qui a clôturé ses travaux par la réélection, à l’unanimité, du président Bachar el-Assad au poste de secrétaire général.

Certes, les recommandations proposées par les 1 231 participants au congrès à l’issue d’un débat parfois houleux, étaient connues d’avance. Mais certains, en Syrie et ailleurs, avaient espéré un miracle qui n’a finalement pas eu lieu. Le congrès n’a fait qu’effleurer les questions-clés du multipartisme, de la loi martiale et de l’état d’urgence, de la liberté d’information, et n’a initié que de timides réformes qui doivent encore être ratifiées par l’Assemblée du peuple (Parlement), avant d’entrer en vigueur.

Mais malgré les résultats modestes, les thèmes évoqués et les décisions prises montrent que le Baas est conscient qu’il ne peut plus continuer à diriger la Syrie d’une main de fer, comme il le fait depuis maintenant 42 ans. Le parti a ainsi proposé une révision de la loi instituant l’état d’urgence et de la limiter aux questions liées directement à «la sécurité de l’État». Il a appelé à l’abolition des décrets numéro 6 (adopté en 1965) concernant «l’opposition aux buts de la révolution», et numéro 4 (1965) sanctionnant «ceux qui entravent l’application des concepts socialistes», ainsi que la loi 53 de 1979 concernant «la sécurité du Baas», adoptée alors que les Frères musulmans menaçaient de renverser le régime. Cependant, la loi 49 qui prône la peine de mort contre tout adhérent aux Frères musulmans n’a pas été abolie.

Vers le multipartisme?

Les congressistes se sont par ailleurs longuement penchés sur la question cruciale de l’instauration du multipartisme. Ils ont recommandé l’élaboration d’une nouvelle loi sur les partis, «susceptible d’assurer une plus grande participation à la vie politique sur la base du renforcement de l’unité nationale». Une telle loi ouvrirait la voie à un amendement de l’article 8 de la Constitution qui stipule que le Baas est «le dirigeant de la société et de l’État». En parallèle, les congressistes ont mis l’accent sur la nécessité de combattre ce qu’ils appellent «l’opposition non patriotique», comme le Parti de la Réforme dirigé par Farid Ghadiri, qui a fait sa première apparition publique, il y a quelques mois, au Département d’État, à Washington. Le congrès n’a pas recommandé l’interdiction des partis à connotation religieuse (allusion aux Frères musulmans), comme cela avait été affirmé avant le début des travaux. Toutefois, cela ne signifie pas que la prochaine loi instituant le multipartisme, et qui reste encore à élaborer, ne retiendra pas ce principe.

Autre décision importante du congrès, la création d’un Conseil supérieur de l’information dont la tâche sera d’ouvrir davantage le paysage médiatique, monopolisé jusqu’à présent par la télévision et la radio d’État et les journaux gouvernementaux ou du parti Baas. Des progrès avaient été enregistrés sur ce plan depuis l’accession de Bachar el-Assad au pouvoir, en juin 2000, mais cette ouverture devait être freinée par la suite. Un Conseil consultatif doit également voir le jour, mais ses tâches et ses prérogatives restent encore à définir.

Conscient de l’ampleur que prend la question kurde, le Congrès du Baas a recommandé le réexamen «du problème du recensement de 1962 à Hassaké» (Nord-est), un euphémisme pour évoquer la question des apatrides kurdes privés de la nationalité syrienne cette année-là. Cette décision, si elle est ratifiée par le Parlement, pourrait rendre la nationalité à quelque 200 000 kurdes, à un moment où la contestation s’amplifie dans les rangs de cette communauté qui compte 1,7 million de personnes en Syrie.

Sur le plan de la politique étrangère, le congrès a appelé à l’ouverture d’un dialogue avec les États-Unis, à la réactivation de l’«axe tripartite» (Syrie-Egypte-Arabie saoudite) et au renforcement des liens avec le Liban, la Turquie et l’Iran.

Les hommes de Bachar

Le résultat le plus significatif de ce congrès, qui intervient alors que la Syrie fait l’objet de pressions internes et internationales sans précédent, est le renforcement du contrôle exercé par Bachar el-Assad sur ce parti, qui compte officiellement deux millions d’adhérents. Les cinq derniers représentants de la «vieille garde» (le vice-président Abdel Halim Khaddam, l’ancien ministre de la Défense Moustapha Tlass, l’ancien secrétaire général-adjoint Sleimane Kaddah, l’ancien président du Parlement Abdel Kader Kaddoura et l’ex-Premier ministre Moustapha Miro), ont quitté la plus haute instance dirigeante. Cette direction, qui a été ramenée de 21 à 14 membres, compte neuf nouvelles figures, proches de Bachar. Il s’agit notamment du ministre des Affaires étrangères Farouk Al Chareh (vivement critiqué au premier jour du congrès par Khaddam pour sa gestion du dossier libanais), du ministre de la Défense Hassan Turkmani, du directeur des renseignements généraux Hicham Ikhtiar, et Haïtham Satayhi, directeur du bureau d’études de la présidence.

C’est la première direction du Baas acquise à Bachar, qui avait hérité lors du IXe congrès en 2000, de la vieille garde composée de compagnons de route de son père, Hafez el-Assad.

Bachar el-Assad contrôlait jusqu’à présent l’armée grâce à son frère le colonel Maher el-Assad, et les renseignements militaires, dirigés depuis quatre mois par son beau-frère Assaf Chaoukat. En plaçant ses hommes à la tête du Baas, il tient désormais tous les rouages du régime. Maintenant, il a les mains libres pour réformer ou, au contraire, pour maintenir le statu quo.

par Paul  Khalifeh

Article publié le 10/06/2005 Dernière mise à jour le 10/06/2005 à 15:26 TU