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Travail des enfants

Un million d’enfants exploités dans les mines

Selon l’OIT, un million de jeunes âgés de 5 à 17 ans travaillent dans les mines artisanales du monde entier.(Photo : CooperAccion)
Selon l’OIT, un million de jeunes âgés de 5 à 17 ans travaillent dans les mines artisanales du monde entier.
(Photo : CooperAccion)
Dimanche 12 juin, l’Organisation internationale du travail (OIT) lance un appel mondial à l’éradication du travail infantile dans le monde qui concerne près de 250 millions d’enfants. Cette année, l’OIT insiste sur le travail des jeunes dans les mines artisanales, une pratique qui ne cesse d’augmenter, en Amérique latine notamment. Au Pérou, un programme a permis de mettre fin à l’exploitation des enfants dans une mine d’or. Un succès qui redonne espoir.

De notre correspondante au Pérou

«Chaque mine où travaillent les enfants a ses spécificités, explique Maria Kathia Romero, assistante du programme international pour l’éradication du travail infantile à l’OIT. Malgré tout, ces exploitations minières ont toutes en commun d’accueillir des populations victimes de la pauvreté, de la crise de l’emploi et de l’instabilité politique de leur région d’origine». Selon l’OIT, un million de jeunes âgés de 5 à 17 ans travaillent dans les mines artisanales du monde entier, dont 500 000 en Amérique du Sud. Quelque 135 000 petits latino-américains seraient en outre sur le point de rejoindre cette activité dangereuse et interdite par les instances internationales. La Colombie est le pays le plus touché de la région : 400 000 enfants y exploiteraient ainsi l’or, le charbon, les émeraudes et l’argile.

«Prouver aux mineurs que le travail infantile est un danger»

Au Pérou, ce sont 50 000 enfants qui travaillent chaque jour dans les mines d’or, selon l’OIT. Une activité qui ne cesse d’attirer la main-d’œuvre dans un pays profondément touché par le chômage et le sous-emploi. «Les Péruviens ont trouvé dans les mines artisanales une source de travail qui fait vivre aujourd’hui près de 200 000 personnes, explique Victor Hugo Pachas, anthropologue travaillant pour le programme de développement de l’organisation non gouvernementale (ONG) CooperAccion, basée à Lima. Avec les années, l’exploitation minière s’est convertie en quelque chose de très familial. Tous se sont mis à travailler pour combler le manque de revenus. Les enfants compris».

Dans les mines aurifères du Pérou, les fillettes passent ainsi des heures à racler les pierres pour en extraire les minéraux, à l’aide d’un petit outil en fer. Les petits, eux, aident à extraire l’or, écrasent les minéraux en surface ou, le plus souvent, transportent les minéraux trouvés par les mineurs des sous-sols à la surface de la mine. A partir de 11 ans, les garçons passent ainsi la journée à monter et descendre les différents niveaux de la mine, qui peuvent aller jusqu’à 250 mètres de profondeur, avec une charge de 35 kilos sur le dos.

Le travail est dur mais les enfants permettent de rapporter un revenu essentiel à la survie de la famille. «Les parents ne voient pas cela comme un problème mais comme une routine. Ils sont préoccupés par autre chose. Ils ne savent pas combien le mercure, la poussière... peuvent altérer la santé des plus jeunes. L’idée est donc de prouver à la population minière que le travail des enfants est vraiment dangereux», raconte Eugenio Huayhua. Cet ingénieur connaît bien l’univers des mines pour avoir travaillé pendant six ans sur un projet mené par CooperAccion sur le site de Santa Filomena, au Sud du Pérou.

La victoire de Santa Filomena, une mine d’or sans travail infantile

De 1998 à 2004, l’ONG a ainsi mené un programme de développement local, financé par l’OIT, destiné à éradiquer le travail infantile dans la communauté minière. Pour CooperAccion, assurer de meilleures conditions de vie aux adultes est en effet une des bases à la suppression du travail des enfants. En 1998, l’ONG et l’OIT se sont donc engagés à aider les mineurs de Santa Filomena, en contrepartie de quoi, les plus jeunes n’iraient plus à la mine. «Les mineurs ont d’abord été réticents. Ils ne voulaient pas se priver du revenu de leur progéniture, souligne Maria Kathia Romero, alors responsable du projet pour CooperAccion. On a donc organisé des bilans de santé dont les résultats catastrophiques les ont convaincus des risques courus par leurs enfants en travaillant».

Dès lors, l’appui de la communauté a été total. En 1999, des câbles ont ainsi été installés pour tracter les minéraux du fond de la mine à l’air libre. La présence des garçons n’était donc plus nécessaire. D’autres améliorations technologiques ont ensuite permis aux mineurs d’augmenter leur revenu, seule condition pour que l’éradication du travail infantile se poursuive à long terme, selon l’ONG. Un an après la fin du programme, le travail des enfants est, de fait, interdit par la Société des travailleurs de la mine artisanale de Santa Filomena (Sotrami), sous peine de sanctions appliquées directement à l’ensemble de la famille.

Aujourd’hui, succès unique au Pérou et en Amérique latine, les 700 enfants de la mine d’or de Santa Filomena ne travaillent plus. Chaque jour, ils vont à l’école. «Leur vie se résume désormais  à manger, étudier et jouer, sourit fièrement Victor Juan Hurtado Padilla, un des dirigeants de la Sotrami. C’est un changement énorme. Maintenant ils peuvent se demander ce qu’ils vont faire professionnellement. Leur futur n’est plus tout tracé».


par Chrystelle  Barbier

Article publié le 12/06/2005 Dernière mise à jour le 12/06/2005 à 15:02 TU