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Transport aérien

Pourquoi Air Cémac ne volera pas

Appareil de la compagnie Royal Air Maroc. Ce sont les termes du protocole signé entre Air Cémac et la Royal Air Maroc qui ont fait reculer certains Etats.(Photo: AFP)
Appareil de la compagnie Royal Air Maroc. Ce sont les termes du protocole signé entre Air Cémac et la Royal Air Maroc qui ont fait reculer certains Etats.
(Photo: AFP)
Une véritable pagaille dans le transport aérien sévit en Afrique centrale où naissent de petites compagnies privées qui tentent d’exister à côté des compagnies nationales. Dans une région où les réseaux routier et ferroviaire sont pratiquement inexistants, l’avion reste le moyen le plus sûr pour aller d’un point à l’autre, dans un délai presque raisonnable, si et seulement si l’avion décolle à l’heure. Pour pallier ce manque de «connexion inter Etat» les pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Cémac) ont décidé fin 2004 de créer une compagnie aérienne communautaire, mais déjà mort-née.

De notre envoyé spécial au Cameroun

L’idée d’une compagnie aérienne communautaire était depuis longtemps dans l’air, mais les guerres régionales et autre conflit politique avaient retardé la décision du lancement réel du projet. La disparition de la compagnie Air Afrique et les difficultés de Cameroun Airlines (Camair), et d’Air Gabon ont accéléré la prise de décision des chefs d’Etats de la Cémac qui ont vu en «Air Cémac» un «outil d’intégration régionale». Mais très rapidement les uns et les autres se rendent compte du manque de moyens chronique et surtout de la difficulté de maîtriser cette économie particulière qu’est le transport aérien. La Camair, compagnie nationale détenue à plus de 96% par l’Etat camerounais croulait sous une dette estimée à plus de 50 milliards de francs CFA. La compagnie nationale Air Gabon n’était pas mieux lotie avec une dette d’à peu près 60 milliards de francs CFA.

Malgré les difficultés, ces compagnies contribuaient au désenclavement des pays comme le Tchad ou la République centrafricaine et offraient par ailleurs une autre alternative aux voyageurs et hommes d’affaires équato-guinéens et congolais qui rechignaient à embarquer sur de vieux avions hérités de l’ex-Union soviétique. De nombreux accidents avaient d’ailleurs poussé l’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA) à demander aux Etats concernés de renoncer à faire voler ces aéronefs d’un autre temps. La solution Air Cémac paraissait alors, aux yeux des décideurs, la meilleure chose qui pourrait arriver au trafic aérien en Afrique centrale. Très rapidement on s’est aussi rendu compte que la nouvelle société créée devrait démarrer sur des chapeaux de roue tant la demande est pressante. Le savoir-faire et les moyens frais et disponibles de la «Royal air Maroc» (RAM) ont convaincu les autorités de la Cémac de faire le choix de cette compagnie comme partenaire stratégique.

Attention à la souveraineté

Flattées, et mesurant l’ampleur du projet et les gains possibles, les autorités de la RAM n’ont pas hésité à mettre la main à la poche pour réaliser des études de faisabilité qui ont coûté près d’un million et demi d’euros. En février 2005, à Libreville un protocole d’accord de partenariat technique et stratégique a été signé entre la Cémac et Royal air Maroc. Mais les termes du protocole ont fait reculer certains Etats qui désormais font marche arrière face au lancement réel d’Air Cémac, en principe prévu pour la fin de l’année 2005.

La RAM prévoit de mettre à disposition de la compagnie communautaire des avions et d’assurer la maintenance à Casablanca, de fournir dans un premier temps tout le personnel technique, tout ceci «pour rendre la compagnie rentable dans un premier temps», assure-t-on côté marocain. La légitime logique de rentabilité a conduit les autorités marocaines à faire des choix qui «empiètent sur les souverainetés nationales», constate un responsable de la Cémac. En effet, le capital de la nouvelle société serait détenu à 100% par la RAM avec une évolution à moyen terme vers une ouverture des capitaux aux privés et ou aux Etats de la région. Air Cémac serait donc, une société de droit marocain. Les pays membres de la Cémac devraient aussi céder le droit de trafic sur l’international et accorder l’exclusivité des droits aériens pendant une dizaine d’années sur le secteur. Pour avoir une meilleure maîtrise du système à mettre en place, Air Cémac (détenue à 100% par la RAM) devrait être majoritaire à 51% dans les compagnies aériennes locales, appelées «Air Cémac pays» : Air Cémac Gabon, Cameroun, Tchad, Centrafrique, Congo et Guinée équatoriale.

Réticences de la Camair

Ces dispositions, parmi d’autres, faisant intégrer les compagnies nationales existantes à la nouvelle structure, provoquent les réticences de la Camair dont les autorités ont clairement affiché leur détermination à vouer tous leurs efforts au redressement de leur entreprise «au lieu de se disperser dans la construction d’un hypothétique Air Cémac». Les autorités politiques camerounaises semblent faire ce choix tout en laissant entendre qu’une «renégociation pourrait relancer» Air Cémac. Autrement dit, cette compagnie n’est plus la priorité surtout après le lancement de la compagnie Toumaï Air Tchad qui s’attaque au trafic régional et international, vers les pays du golfe.

Face aux désaffections, le Gabon, qui entretient de bonnes relations politiques avec le royaume du Maroc, tente de confirmer l’alliance avec la RAM en se lançant dans une option singulière de création de «Air Gabon international» qui remplacera l’ancienne compagnie Air Gabon. La RAM serait le partenaire technique, stratégique et l’actionnaire majoritaire comme elle l’est pour «Air Sénégal international».


par Didier  Samson

Article publié le 16/06/2005 Dernière mise à jour le 16/06/2005 à 10:49 TU