Burkina Faso
Les engagements de Paul Wolfowitz
(Photo: AFP)
De notre correspondant au Burkina Faso
Tapis rouge, sécurité discrète mais présente, ambiance de fête, musique et danse traditionnelles, foule amassée le long des rues, acclamation… le président de la Banque mondiale a été accueilli comme un chef d’État. Visiblement ému par un accueil aussi populaire à son arrivée mardi à Bobo-Dioulasso, Paul Wolfowitz s’est laissé aller dans un bain de foule où il a distribué ici et là des poignées de main sous les acclamations et les youyous de ses admirateurs.
Comparant cette effervescence aux nombreuses critiques dont sa nomination a fait l’objet en Europe, Paul Wolfowitz a dit que c’est la preuve que la Banque mondiale a fait «de bonnes choses ici.» «Ce qui m’intéresse, c’est d’entendre véritablement les besoins des populations les plus pauvres et de voir dans quelle mesure la Banque mondiale peut les aider», a -t-il déclaré. Pour cela, il est allé au contact du terrain. D’abord dans deux villages de la région de Bobo-Dioulasso où il a visité des projets réalisés avec le concours financier de la Banque mondiale. Ensuite à l’une des usines d’égrenage de la Société des fibres textiles (Sofitex) où il a discuté avec les travailleurs des sociétés cotonnières ainsi que les représentants des paysans.
En fait, c’est sur le sujet du coton que Paul Wolfowitz était le plus attendu au Burkina, notamment la question des subventions agricoles accordées par l’Europe et les Etats-Unis à leurs agriculteurs. Ces subventions nuisent aux exportations de la fibre africaine. Depuis le début de la campagne, la tendance sur le marché international est baissière. Actuellement, la livre (équivalent d’un demi-kilogramme) est tombée à moins de 50 cents contre 78,30 en décembre 2003. Les plus gros pays producteurs d’Afrique de l’Ouest et du Centre (Burkina, Mali, Bénin et Tchad) avaient introduit à la réunion ministérielle de l’OMC (septembre 2003 à Cancun) une demande d’annulation ou de réduction des subventions agricoles. Cette demande est restée jusque-là vaine à cause de l’intransigeance des États-Unis.
Les conséquences pour un pays comme le Burkina devenu depuis peu le premier producteur d’Afrique subsaharienne avec environ 630 000 tonnes de coton fibre, c’est l’augmentation des déficits des trois sociétés cotonnières. L’espoir était donc grand chez les Burkinabés de convaincre Paul Wolfowitz sur la situation du coton qui nourrit directement plus de 2,5 millions de personnes au Burkina. Apparemment, le pari est réussi puisque le patron de la Banque mondiale s’est engagé à défendre le dossier coton à la prochaine réunion ministérielle de l’OMC prévue en décembre 2005 à Hongkong. «Il nous a dit qu’en tant qu’Américain, il avait honte que son pays contribue à accentuer la pauvreté des producteurs africains», a confié François Traoré, président de la Confédération paysanne burkinabée. «S’il a tenu à venir nous voir, à venir voir comment on travaille le coton, comment on est attaché au coton, en tant qu’humain, nous pensons qu’il y a de l’espoir par rapport aux engagements qu’il a pris ici», a déclaré François Traoré.
Maintenir l’aide publique
L’autre question qui attendait Paul Wolfowitz est celle de la dette multilatérale. Le Burkina fait partie des 18 pays pauvres éligibles à la décision d’annulation totale de la dette prise récemment par le G8. En attendant de connaître les conditionnalités de cette mesure, les Burkinabés voulaient s’assurer que cette annulation de la dette n’entraînera pas une diminution de l’aide publique. A l’issue d’un entretien avec le président Blaise Compaoré, le patron de la Banque mondiale a convenu qu’un pays comme le Burkina a besoin de plus de ressources financières pour assurer sa croissance.
En clair, il faut des ressources supplémentaires en plus de celles dégagées par le non-paiement de la dette. Mais, «l’argent est bien, encore faut-il qu’il aille directement aux populations», a-t-il souhaité avant de préciser qu’il est heureux que ce soit le cas au Burkina. «Je pourrai convaincre les gouvernements des États-Unis, d’Europe et d’autres pays riches pour leur dire qu’il y a un besoin d’assistance en Afrique et qu’elle est parfois bien utilisée», a promis celui qui passait pour quelqu’un d’insensible aux questions de développement.par Alpha Barry
Article publié le 17/06/2005 Dernière mise à jour le 17/06/2005 à 16:50 TU