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Burkina Faso

Une exciseuse condamnée à trois ans ferme

Manifestation contre l'excision. 

		(Photo: AFP)
Manifestation contre l'excision.
(Photo: AFP)
Le tribunal correctionnel de Ouagadougou a condamné le 21 septembre 2004 une exciseuse à trois ans de prison ferme. C’est la peine maximale jamais infligée à une personne reconnue coupable dans une affaire d’excision depuis huit ans que la pratique est interdite au Burkina.

De notre correspondant à Ouagadougou

Tout le monde attendait avec impatience le verdict de cette nouvelle affaire d’excision. Tant l’opinion avait été choquée lorsqu’en en août dernier, on annonçait l’excision de 16 fillettes dans un quartier de Ouagadougou. «En plein Ouaga !», s’était étonné le journal L’Observateur. Les présumées coupables, toutes des femmes, avaient été prises en flagrant délit. Et tandis qu’elles étaient déférés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco), les victimes étaient admises en clinique pour des soins.

Sans doute pour marquer les esprits, la justice burkinabè n’a pas pris beaucoup de temps pour boucler ce dossier. La principale accusée Adama Barry et ses 13 complices étaient à la barre lundi dernier. Le verdict est pour le moins sévère.

En effet, alors que douze des complices –composées essentiellement des mères des filles excisées– n’ont écopé que de trois mois ferme, le juge n’est pas allé de main de morte avec Adama Barry. Cette exciseuse «professionnelle», récidiviste notoire qui était à son quatrième forfait a pris 3 ans ferme. Plus aucune circonstance atténuante n’a été reconnue à cette femme de 55 ans, jusque-là condamnée à des peines légères. Elle se voit ainsi infliger la peine maximale.

En effet, selon la loi de 1996 qui interdit l’excision au Burkina, toute personne reconnue coupable  d’atteinte à l’intégrité de l’organe génital de la femme encourt des peines de six mois à trois ans de prison ferme. La peine est de 5 à 10 ans si la victime meurt de ses blessures.

66 % des filles victimes de l’excision

C’est la première fois qu’un juge se montre aussi sévère. Certes, au moins une trentaine d’affaires d’excision se retrouvent chaque année devant la justice. Mais pendant longtemps, les exciseuses et les complices s’en tiraient à bon compte. Même quand elles étaient reconnues coupables, elles étaient condamnées à des peines avec sursis ou à des amendes. C’est seulement en mars 2002, qu’une peine jugée lourde –six mois ferme– a été infligée pour la première fois à une exciseuse et à ses complices. C’était à Dédougou, dans l’ouest du pays. Depuis lors, les juges ont de plus en plus la main lourde. Sans doute, veulent-ils que les condamnations à des emprisonnements fermes servent de leçon aux exciseuses et aux parents qui restent toujours attachés à cette coutume. En effet, Selon une enquête réalisée il y a quelques années dans sept des 14 provinces les plus touchées par l’excision, 23 % de burkinabè se disent prêts à continuer à exciser leurs filles.

Après donc de longues années de sensibilisation sur les conséquences néfastes la pratique, les autorités misent sur la répression pour changer la mentalité. Un numéro vert (le 50 31 15 71) a été mis en place pour alerter à tout moment le comité national de lutte contre l’excision ainsi que la police ou la gendarmerie. Mais dans un pays où la majorité de la population n’est pas allée à l’école, les coutumes ont la vie dure. A peine cette affaire des 16 fillettes close, qu’on annonce l’arrestation de deux femmes dans un village près de Zorgho (centre-est) par la gendarmerie nationale. Elles sont accusées d’avoir excisé cinq fillettes dont l’une d’entre elles a succombé à ses blessures.  

Selon une enquête réalisée en 1996, plus de 66 % des filles burkinabè sont toujours victimes de l’excision. Et le phénomène touche presque toutes les régions du pays. Chez certaines populations de l’ouest du pays notamment dans les contrées reculées, où l’excision est célébrée comme une fête, la pratique se fait souvent au grand jour. «Chez les Karaboros par exemple, les filles sont excisées après leurs fiançailles. Et ce jour-là, les parents du futur époux sont tenus d’offrir de nombreux présents à leur future belle famille», nous explique une enseignante en poste dans cette région. Mais partout, ce sont les mêmes croyances: l’ablation du clitoris et/ou des petites lèvres diminuent le plaisir sexuel. Ce qui garantit une vie sexuelle rangée. En plus, ils sont nombreux ceux qui, en Afrique, croient qu’une femme non excisée peut éprouver des difficultés pendant l’accouchement. Or, c’est justement le contraire qui est soutenu par médecins et scientifiques.

par Alpha  Barry

Article publié le 23/09/2004 Dernière mise à jour le 23/09/2004 à 08:58 TU