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Cameroun-Nigeria

Bakassi : Yaoundé veut saisir l’Onu

Une décennie de controverse frontalière.DR
Une décennie de controverse frontalière.
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Le Cameroun a annoncé cette option suite à des incidents à répétition survenus dans la péninsule camerounaise, au moment où le processus d’application de l’arrêt de la Cour internationale de justice, rendu le 10 octobre 2002, est bloqué. Selon de bonnes sources cependant, Yaoundé n’ a pas saisi le Conseil de sécurité de l’Onu.
De notre correspondant au Cameroun

«Face à ces actes répétés d’agression et de provocation de l’armée nigériane, son Excellence monsieur Paul Biya , président de la République du Cameroun , a décidé de saisir l’organisation des Nations unies». Pour la première fois depuis l’éclatement en 1993, du différend frontalier entre le Cameroun et le Nigeria à propos d’abord de la péninsule de Bakassi, puis plus largement des frontières maritime et terrestre entre les deux pays, Yaoundé annonce formellement une démarche auprès de l’Onu, qui est déjà impliquée dans l’application de l’arrêté de la Cour internationale de justice rendu le 10 octobre 2002.

Sans doute le contexte de cette annonce, justifiait-il, cette évolution notable. Le gouvernement camerounais évoquait le 22 juin, dans le même communiqué, «des incidents regrettables survenus dans la péninsule de Bakassi, en territoire camerounais, les 5, 7, 18 et 21 juin 2005, suite à des attaques répétées des forces nigérianes sur les positions camerounaises» ; lesquelles attaques ont «contraint l’armée camerounaise , en situation de légitime défense, à la riposte». Bilan officiel, selon Yaoundé : un soldat mort, un blessé grave et des dégâts matériels.

Le Nigeria annonce l’ouverture d’une enquête

Le Cameroun  est cependant resté peu disert sur les déclinaisons de son action annoncée auprès de l’Onu, laissant prospérer dans un premier temps, y compris dans les colonnes du Cameroon Tribune, le quotidien gouvernemental, la thèse de la saisine du Conseil de sécurité. Avant qu’on apprenne jeudi, de bonnes sources, qu’il ne s’agissait pas pour Yaoundé, toujours soucieux de prôner le respect du Droit aux yeux de l’opinion, d’activer cet organe. Pour autant, le Nigeria a annoncé, dès le 23 juin, une enquête sur les événements relatés par le gouvernement camerounais.

Le 20 juin, déjà,  au lendemain de la révélation par la presse de ces récents incidents de Bakassi, le président Biya avait reçu en audience à Yaoundé, M. Owolabi, haut commissaire nigérian auprès de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest ( Cedeao), porteur d’un message du président nigérian Obasanjo. L’émissaire du chef de l’Etat nigérian, qui n’a pas dévoilé le teneur du message, s’est montré peu loquace face aux questions de la presse sur les incidents survenus quelques jours auparavant, allant d’ailleurs jusqu’à affirmer qu’il n’était pas au courant des attaques attribuées à l’armée de son pays dans la péninsule de Bakassi.

Yaoundé exaspéré

Depuis de longs mois, il filtrait comme une sorte d’exaspération du Cameroun sur ce dossier. Le Nigeria n’avait pu respecter le calendrier élaboré pour l’application de l’arrêté de la Cij, s’agissant notamment du retrait de ses troupes jusque là présentes à Bakassi, le 15 septembre 2004. Résultat : en dépit d’un début de transfert d’autorité des deux pays sur certaines localités, en droite ligne de la décision du 10 octobre 2002, la Commission mixte Cameroun-Nigeria, cadre d’élaboration des modalités d’application de la décision de la Haye, est en hibernation. Parallèlement, des sources bien informées faisaient état d’au moins un projet de visite à Yaoundé du président Obasanjo – qui avait déjà rencontré en terre camerounaise le président Biya en juillet 2004- qui avait rencontré un timide accueil auprès des plus hautes autorités camerounaises.

«Pas question de laisser le Nigeria projeter une image de pays attaché à la paix et soumis aux décisions de la communauté internationale, alors que ses troupes campent en territoire camerounais», commentait il y a quelques mois, une source de la présidence camerounaise très proche du dossier. Entre-temps, le secrétaire général de l’Onu, s’est de nouveau personnellement impliqué dans la relance d’une machine grippée en conviant les deux chefs d’Etat à Genève, pour une quatrième rencontre tripartite, la troisième en terre helvétique- les 10 et 11 mai 2005. Le 10, un dîner prévu selon le programme officiel entre les deux hôtes de Kofi Annan, avait été annulé à la dernière minute, officiellement en raison de l’arrivée tardive de la délégation nigériane à Genève.

Jusqu’où iront les deux présidents ?

Il n’empêche. Les résolutions de cette rencontre avaient semblé d’autant plus inspirer de l’optimisme dans le poursuite de l’application de l’arrêt de la Cij, que les présidents Biya et Obasanjo avaient convenu de deux points majeurs : le Nigeria proposerait un nouveau calendrier du retrait de ses troupes présentes à Bakassi, et le Commission mixte serait relancée. Le 20 mai, Ahmedou Ould Abdallah, le représentant spécial de Kofi Annan, et président de ladite Commission annonçait d’ailleurs, optimiste, à la faveur d’un voyage à Yaoundé, qu’après consultation des deux parties, cette instance se réunirait à la mi juin dans la capitale camerounaise. Avant que ces projections soient contrariées et que surviennent les récents incidents à Bakassi, péninsule réputée riche en ressources halieutiques et en  hydrocarbures.

Les observateurs en sont à se demander jusqu’où iront les présidents des deux pays, jamais à cours d’amabilités publiques, et décidés officiellement à résoudre de manière exemplaire ce conflit. Le président Biya reste sur une ligne marquée par le respect du Droit et l’option d’une résolution pacifique. Le président Obasanjo s’est voulu clair dans sa démarche qui, dans un récent entretien à l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique l’Intelligent, insistait sur un scénario de résolution qui, tout en respectant le droit, ne négligerait rien des aspects politiques de la question.


par Valentin  Zinga

Article publié le 24/06/2005 Dernière mise à jour le 24/06/2005 à 12:09 TU