Iran
Le maire de Téhéran est élu président
(Photo: AFP)
De notre correpondant à Téhéran
A 49 ans, M. Ahmadinejad est le premier laïc à devenir chef de l'exécutif depuis les deux brèves présidences de l'après révolution entre 1979 et 1981. Il a réussi à mobiliser l’électorat populaire et démuni, en particulier des grandes villes et des campagnes. Dans son programme électoral, il a beaucoup insisté sur la justice sociale et la redistribution de la richesse. «Il faut que l’argent du pétrole se fasse sentir dans l’assiette de chaque iranien», avait-il dit. Il avait également déclaré qu’il allait couper la main de la mafia du pouvoir sur le pétrole, faisant allusion à la présence des amis et des fils de l’ancien président Rafsandjani à la tête de l’industrie pétrolière iranienne.
De nombreux Iraniens vivent sous le seuil de la pauvreté. Le chômage des jeunes dépasse officiellement les 25%. Dans ce contexte, il était facile de jouer sur ce terrain là. Durant la campagne électorale, il a insisté sur sa simplicité et sa proximité avec les gens. Son film électoral montrait sa maison, située dans un quartier populaire, et sa voiture, une Peugeot 504 vieille de 30 ans. «Il est comme nous, il comprend nos problèmes», affirmaient ses partisans en allant voter. De petite taille, portant une barbe noire, il se balade toujours avec la même veste. Il a aussi rejeté les accusations faisant état de sa volonté de restreindre les libertés sociales et culturelles. «On m’accuse de vouloir limiter l’internet, mais mes enfants et ma femme qui est enseignante utilisent toute la journée l’internet à tel point que je n’ai pas d’argent pour payer le téléphone», a récemment déclaré Mahmoud Ahmadinejad. Dans les classes populaires du sud de la capitale la rumeur dit qu’il ne touche aucun salaire en tant maire de Téhéran et continue à vivre avec son salaire de professeur à l’université.
Mahmoud Ahmadinejad a également été soutenu directement ou indirectement par certains miliciens islamistes alors que la loi leur interdit de faire de la politique. Une vingtaine de militaires ont même été arrêtés par la justice pour avoir tenté de dénigrer un des candidats en distribuant des pamphlets et des CD.
Ce vote est aussi un rejet du système et des partis politiques iraniens, car la majorité des partis réformateurs et modérés ainsi que des dignitaires religieux s’étaient rangé derrière l’ancien président. Ce qui explique que son échec est encore plus cuisant. Au lieu de la modération prônée par M. Rafsandjani, la République islamique risque de s'engager sur la voie de la radicalisation avec un homme qui prêche un strict respect des valeurs islamiques ainsi que l'intransigeance envers les Occidentaux. L’ancien président de la République, M. Rafsandjani, a subit la plus grave défaite de sa longue carrière politique. Il s'était posé comme le mieux à même de préserver la libéralisation des années du président réformateur Mohammad Khatami, de mener à bien les réformes économiques et de restaurer les liens avec les Etats-Unis. «Je veux empêcher que l'extrémisme ne s'installe dans le pays» avait-il déclaré. Mais il a échoué à mobiliser l'électorat modéré contre M. Ahmadinejad, ancien membre des forces spéciales de l'armée idéologique qui exalte la «pureté» de la Révolution.
Après le premier tour, les adversaires de M. Ahmadinejad ont évoqué des bourrages d'urnes, des achats de voix, des pressions sur les électeurs et la mobilisation en sa faveur de l'armée idéologique et de la milice islamiste. Ils ont accusé les organes les plus conservateurs, dont le Conseil des gardiens, clé de voûte du régime, d'avoir pris fait et cause pour le maire de Téhéran.
En tout cas, après l’élection de M. Ahmadinejad, les conservateurs ont la main sur tous les leviers du pouvoir, une perspective inquiétante pour les Occidentaux. C’est la première fois que depuis la révolution, le pouvoir est unifié.
par Siavosh Ghazi
Article publié le 25/06/2005 Dernière mise à jour le 25/06/2005 à 16:00 TU