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Albanie

Le grand retour de Sali Berisha

Après une longue traversée du désert, la persévérance de l'ancien président albanais Sali Berisha est enfin couronnée de succès.(Photo: AFP)
Après une longue traversée du désert, la persévérance de l'ancien président albanais Sali Berisha est enfin couronnée de succès.
(Photo: AFP)
Alors que les résultats définitifs des élections de dimanche ne sont toujours pas connus, les partisans de l’opposition ont commencé à fêter leur victoire dès lundi soir. Le retour au pouvoir des démocrates de l’ancien président Sali Berisha, chassé du pouvoir après les émeutes de 1997, semble acquis, avec une majorité confortable.

De notre envoyé spécial à Tirana

Les observateurs internationaux présents aux élections ont dénoncé quelques irrégularités, mais qui ne sont pas de nature à altérer la sincérité du scrutin. L’Albanie vient donc de passer de manière honorable un test démocratique majeur.

La victoire attendue de Sali Berisha représente une véritable victoire personnelle pour cet increvable cheval de retour de la politique albanaise, chassé du pouvoir par les émeutes du printemps 1997. Cardiologue, médecin de l’élite des dirigeants communistes de l’Albanie stalinienne, Sali Berisha s’est engagé dès le départ dans les mouvements de contestation démocratique du début des années 1990.

Président du Parti démocratique (PD), il accède au pouvoir en 1994, mais tout se gâte très vite pour ce favori des Occidentaux, excellent francophone. Tandis que l’Albanie s’enfonce dans la misère et la corruption, le régime présidentiel instauré par Sali Berisha se transforme en une véritable dictature personnelle. Des opposants sont emprisonnés, parfois torturés, la police secrète, le SHIK, fait régner la terreur.

L’effondrement des «pyramides» financières, durant l’hiver 1996-1997, va précipiter sa chute. La faillite de ces sociétés qui promettaient des intérêts allant jusqu’à 25% ruine la population, qui avait massivement déposé ses économies. Certains avaient même vendu leur maison pour participer à l’euphorie financière. Le sud du pays est le premier à se soulever, et l’Albanie connaît un début de guerre civile. Les anciens communistes du Parti socialiste (PS), conduits par Fatos Nano, que Sali Berisha avait fait emprisonner, reviennent triomphalement au pouvoir.

L’Albanie est en effet coupée par d’importants clivages régionaux. Si les musulmans sont partout majoritaires, représentant environ 70% de la population totale, on trouve également des catholiques dans le nord et des orthodoxes dans le sud, où vit aussi une importante communauté grecque. Les dialectes diffèrent également, entre le guègue parlé au Kosovo, en Macédoine et dans le nord de l’Albanie, et le tosque, pratiqué au sud du fleuve Shkumbimi.

Un nationalisme intransigeant

Les bastions traditionnels du Parti socialiste se concentrent dans le sud de l’Albanie, tandis que le nord est acquis à Sali Berisha. Lui-même est originaire de la petite ville montagneuse de Tropoja, accolée à la frontière du Kosovo. Sali Berisha entretient des relations étroites avec le territoire placé sous protectorat des Nations unies. C’est par Tropoja que beaucoup d’armes parvenaient à la guérilla de l’UCK, à la fin des années 1990, tandis que Sali Berisha est fortement lié au président du Kosovo Ibrahim Rugova, qui a refusé durant plusieurs années de mettre le pied en Albanie tant qu’elle était dirigée par les «communistes» de Fatos Nano.

Sali Berisha et Ibrahim Rugova professent le même nationalisme intransigeant et le même attachement à l’indépendance du Kosovo. Au contraire, pour Fatos Nano, un homme du sud tourné vers la Grèce, attaché à développer de bonnes relations avec tous les dirigeants de la région, notamment avec la Serbie ou la Macédoine, le dossier du Kosovo n’était pas prioritaire. La victoire de Sali Berisha pourrait donc avoir des conséquences régionales importantes.

Totalement discrédité après les émeutes de 1997, Sali Berisha a tenté de reprendre le pouvoir par la force en septembre 1998, en organisant un putsch avec l’aide de réseaux kosovars. Ce nouvel échec a précipité l’éclatement du camp démocrate, mais après une longue traversée du désert, la persévérance de Sali Berisha est enfin couronnée de succès. De nombreuses figures du Parti démocratique des origines, qui avaient rompu avec Sali Berisha dans les années 1990, se sont à nouveau engagées dans la campagne, car l’ancien président demeurait la seule alternative crédible.

La victoire de Sali Berisha s’explique avant tout par la corruption massive et la dérive mafieuse du gouvernement socialiste. Brandissant un rapport accablant de la Banque mondiale, Sali Berisha explique que «l’Albanie est devenu un protectorat du crime organisé sous la direction du gouvernement socialiste». Il promet des mesures rapides et radicales pour éradiquer la corruption, tout en promettant qu’il ne poursuivra pas de vengeance personnelle : «Je suis tourné vers l’avenir, pas vers le passé. Ma priorité sera que mon gouvernement échappe totalement à la corruption». «Je ne sais pas si les Albanais pardonnent ou s’ils oublient», conclut une observatrice internationale des élections.


par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 05/07/2005 Dernière mise à jour le 05/07/2005 à 14:40 TU

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«On a une décennie à utiliser au maximum pour faire de ce rêve (d'intégration) de nos peuples et nations une réalité.»

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«Aux côtés des grands acteurs de la communauté internationale, l'Albanie veut apporter sa modeste contribution avec l'objectif clair d'intégrer la communauté européenne et l'Otan.»

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