Brésil
La crise politique s’aggrave

(Photo: AFP)
L’épreuve continue pour l’équipe au pouvoir. Dans sa dernière livraison samedi, l’hebdomadaire Vieja a publié de nouveaux documents montrant l’existence de liens anciens et étroits entre le parti présidentiel et le publicitaire Marcos Valerio, soupçonné d’être le pivot d’un vaste système de financement illégal du PT. L’hebdomadaire a dévoilé des documents d’archives, datant de février 2003, provenant de la Banque centrale du Brésil et montrant que le parti de Lula avait fait une demande d’emprunt, pour environ un million de dollars, dont le garant était précisément le publicitaire Marcos Valerio. Le document est cosigné par le président du PT, José Genoino, et le trésorier du parti, Delubio Soares.
Mis en cause, le président du PT a nié dans un premier temps, avant de reconnaître finalement l’existence de ce prêt garanti par le publicitaire, tout en rejetant la responsabilité de l’initiative sur son trésorier. Le nom de ce dernier avait déjà été évoqué le mois dernier, lorsque avait éclaté le scandale des rétributions occultes des députés, visant à obtenir des votes favorables aux projets du président Lula. Le 1er juillet, un haut responsable du ministère des Finances avait été suspendu de ses fonctions en raison de ses liens présumés avec le publicitaire. Glenio Guedes va faire l’objet d’une enquête administrative. Son nom apparaît plus de dix fois dans l’agenda 2003 du publicitaire. La veille, le président Lula avait suspendu de leurs fonctions trois directeurs de l’entreprise publique chargée de la gestion de centrales électriques, Furnas, accusés d’avoir constitué des caisses noires au profit du PT. Là aussi, une enquête est ouverte.
Le pouvoir est ébranlé
Un pas supplémentaire est donc franchi depuis les révélations du mois dernier car, en dépit de leur protestation, la thèse de l’implication des dirigeants du Parti des travailleurs est renforcée. Le PT nie en bloc toute accusation de corruption, mais le pouvoir est ébranlé, comme le montre l’embarras de la classe politique et les démissions enregistrées dans les tout premiers cercles dirigeants du pays. Les dénégations ne suffisent apparemment plus à laver le parti présidentiel des soupçons qui s’accumulent et finissent par l’accabler depuis la démission du ministre Dirceu, contraint de quitter ses fonctions auprès du président Lula, le 16 juin, dans le cadre de cette affaire.
José Genoino a indiqué à la télévision que sa démission n’était pas à l’ordre du jour. Mais plusieurs voix s’élèvent au sein du Parti des travailleurs pour réclamer son départ, dont celles du ministre du Travail, Ricardo Berzoini, et du deuxième vice-président du parti, Romenio Pereira. «Sur dix personnes (du parti) avec lesquelles j’ai parlé dimanche et lundi, huit ou neuf demandent la démission du président (du parti)», déclare ce dernier.
Le président n’est pas mis en cause
Pour remettre la machine en ordre de marche, un profond remaniement ministériel est à l’ordre du jour. Le président a gelé toutes ses activités pour mieux s’y consacrer. Mais les accusations n’épargnent plus les alliés de Lula. Lundi, l’un des responsables du Parti du mouvement démocratique brésilien, José Borba, pressenti pour devenir l’un des principaux partenaires du président Lula au sein du futur gouvernement a finalement reconnu qu’il connaissait le publicitaire Marcos Valerio, pivot du volet financier de toute l’affaire. Lula est à la tête d’un attelage hétéroclite et fragile. Sa majorité repose sur un équilibre instable formée d’une coalition associant des députés de gauche, épurée des éléments les plus radicaux, et des représentants du centre et des conservateurs. Ces derniers devaient se tailler la part du lion dans la prochaine équipe, au détriment des éléments dévalués du Parti des travailleurs. Mais la crise est profonde et la désenchantement guette face à une classe politique dont les mœurs s’avèrent douteuses et qui nie les évidences.
Le président n’est pas personnellement mis en cause. Il apparaît même comme plutôt protégé par l’ensemble de la classe politique, partisans et adversaires confondus. Le sentiment dominant est que la mise en cause personnelle du chef de l’Etat nuirait à la nation tout entière. Pourtant, l’implication de ses collaborateurs directs rend chaque jour plus douteuse sa capacité à corriger leurs erreurs ou son ignorance complète des faits.
par Georges Abou
Article publié le 05/07/2005 Dernière mise à jour le 05/07/2005 à 16:20 TU