Jeux olympiques 2012
Paris s'inquiète des raisons de son échec
(Photo : AFP)
Le monde politique en accusation
Première cible, il fallait s’y attendre, le chef de l’Etat. Elisabeth Guigou, ancien ministre socialiste, accuse Jacques Chirac d’avoir «insulté tous les chefs d’Etat et de gouvernement de tous les pays, à tour de rôle». Dans ces conditions qu’est-ce que Paris pouvait attendre en retour à Singapour s’interroge-t-elle avec quelques autres. Ici, l’actuelle députée oublie que ce ne sont pas des pays qui votent au CIO mais des individus dont certains n’ont plus aucun rapport avec les dirigeants politiques de leur pays. Jean-Marie Le Pen, ancien adversaire de Jacques Chirac aux élections présidentielles, fustige la classe politique, les partis de pouvoir dans leur ensemble : «la classe politicienne, au lieu de se consacrer à arracher la France au déclin économique, social et moral, a tenté de masquer ses échecs en gonflant la baudruche des JO 2012 à Paris». Le leader d’extrême droite est toujours aussi à l’aise dans le rôle de pourfendeur de la classe politique et en particulier de Jacques Chirac. On ne peut guère se montrer surpris des attaques qui vont se poursuivre au moins jusqu’au 14 juillet, date de l’intervention traditionnelle du président de la République dans les jardins de l’Elysée à l’occasion de la fête nationale.
Les sportifs pas assez présents
Les hommes et femmes politiques du pays en première ligne, c’était normal. Mais les attaques ne viennent pas que des politiques. Henri Sérandour, président du comité olympique français, membre du CIO, rapporte ce qui lui a été dit à Singapour : «Londres avait un programme sportif entouré de politique, alors que Paris avait un programme politique entouré de sportifs». Sportifs qui, nous révèle le quotidien Le Parisien, n’ont été qu’une façade. C’est ainsi que Jean-Claude Killy, membre du CIO au charisme incontestable a été mis sur la touche. On n’a pas voulu écouter celui qui, il n’y a pas si longtemps, avait été présenté comme un successeur possible de Juan Antonio Samaranch. L’absence contrainte de Guy Drut, champion olympique à Montréal, lui aussi membre du CIO, mais sous le coup d’une action judiciaire, n’a pas renforcé le pouvoir de persuasion du camp français. Il paraît que certains pensaient davantage à la distribution des postes au lendemain de l’attribution des Jeux à Paris, ce qui n’allait pas manquer de se produire. Paris, c’était entendu, claironné, avait le meilleur dossier ! Toute cette unité, cette image de force tranquille, cette solidarité, cet élan collectif n’auraient donc été que poudre aux yeux. On a du mal à l’accepter. Que le mouvement sportif ait commis des erreurs, qu’il ait cru un peu vite que les décisions se faisaient uniquement sur le dossier de candidature, c’est possible, peut-être même probable.
Finalement la responsabilité de tous les Français
Les plus grosses fautes sont très certainement ailleurs. Jean-Claude Killy, dans L’Equipe analyse parfaitement l’une d’entre elles : «notre image aujourd’hui est celle du rejet. Du refus de l’autre. Du nanti qui repousse le pauvre. Nous avons une image d’égoïstes depuis le non à la Constitution européenne, en particulier envers les pays de l’Est. Comment voulez-vous recevoir quelque chose d’une personne que vous repoussez». On s’est, par ailleurs, glorifié du film tourné par Luc Besson, réalisateur entre autres de «La 4e dimension», mais son scénario, pour la circonstance, n’était pas le bon scénario olympique. On pourrait encore dire comme le font beaucoup d’observateurs que, par naïveté, Paris a limité ses actions au cadre strictement défini par le Comité international olympique alors que Londres ne s’est pas gênée pour faire de l’entrisme en débordant parfois les règles autorisées. Ou encore ajouter qu’on n’a pas bien mesuré, ou trop tardivement, le rôle de l’ancien patron de la maison olympique Juan Antonio Samaranch déterminé à la victoire de Madrid pour l’offrir à son roi. Opération qui a failli réussir, à deux voix près, au troisième tour. Et si la capitale espagnole s’était retrouvée au dernier tour face à Londres, elle l’aurait emporté, en réunissant les votes de Paris.
Les Français se sont révélés, avant et pendant Singapour de mauvais alchimistes. Ce n’était pas un duel entre Paris et Londres mais d’abord un duel entre Paris et Madrid. Londres n’était que le troisième larron. Oui les erreurs ont sans doute été nombreuses. D’autres seront peut-être révélées dans les prochains jours, les prochaines semaines. Et dans une tradition française solidement établie depuis des générations et des générations tout échec doit être imputé à des responsables puis des coupables. Il nous faut des coupables. Et dire que tout était merveilleux jusqu’au moment où Jacques Rogge a décacheté l’enveloppe et a annoncé Londres.
par Gérard Dreyfus
Article publié le 08/07/2005 Dernière mise à jour le 08/07/2005 à 14:41 TU