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Architecture

Au Havre, un poème en béton du Patrimoine mondial

Le centre-ville du Havre inscrit par l'Unesco sur la liste du Patrimoine mondial de l'humanité.(photo : AFP)
Le centre-ville du Havre inscrit par l'Unesco sur la liste du Patrimoine mondial de l'humanité.
(photo : AFP)
Réuni le 15 juillet à Durban (Afrique du Sud) pour étudier quelque 40 sites candidats à une inscription sur les listes du Patrimoine mondial de l’Unesco, un comité ad hoc a tranché en faveur du centre-ville du Havre, cité portuaire atlantique, au Nord-Ouest de la France. Pulvérisé par les bombardements britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale, le centre du Havre a été reconstruit par l'architecte français Auguste Perret dont l'Unesco salue aujourd'hui «l'exploitation novatrice du béton». "Exemple exceptionnel de l'urbanisme de l'après-guerre", les ilots d'immeubles bâtis sur 133 hectares viennent s'ajouter aux 28 sites français déjà inscrits au Patrimoine sur un total de 788 dans le monde.

La candidature du Havre, soutenue par le maire UMP du Havre Antoine Rufenacht, était défendue à Durban par un délégué au titre d’expert, l’architecte Joseph Abram spécialiste du Père de la reconstruction de la ville, Auguste Perret. «Nous pensons que notre dossier est bon et qu’il intéresse l’Unesco parce qu’il concerne la période contemporaine peu représentée mais nous ne voulons pas crier victoire trop tôt», disait-on au cabinet du maire. C'est en effet le caractère novateur de l'urbanisme de Perret qui a convaincu l' Unesco de consacrer l'oeuvre de l’architecte, figure de proue de l’école néo-classique française, chantre d'une verticalité unissant dans le béton le modernisme dernier cri au classicisme grec.

Avec des immeubles bas organisés autour de deux axes principaux, et des îlots de quelque 6,20 m² servant de modules de construction pour les habitations, mais aussi des bâtiments publics tels que commerces et bureaux, Auguste Perret a su donner un visage homogène à la ville et faire rimer une architecture classique agrémentée de colonnes, de chapiteaux et de corniches, avec une «trame constructive moderne», explique Vincent Duteurtre, urbaniste de la ville cité dans le quotidien La Croix. «Mon béton est plus beau que la pierre. Je le travaille; je le cisèle. J’en fais une matière qui dépasse en beauté les revêtements les plus précieux», déclarait Auguste Perret en 1944, revendiquant avant l’heure la beauté du matériau, comme le rappelle Vincent Duteurtre.

Il aura suffi à Auguste Perret de ne dessiner lui-même que quelques bâtiments -l’église Saint-Joseph, l’hôtel de ville et les immeubles d’habitation qui l’entourent- pour poser les jalons d’une doctrine qui fera des émules auprès d’une centaine d’architectes ayant en charge la construction du centre-ville, tels que Oscar Niemeyer (la maison de la Culture du Havre), ou Guy Lagneau (le musée Malraux, tout de verre et d’acier), et plus récemment Jean Nouvel (choisi pour construire d’ici 2007 pour la construction du centre de la Mer et du Développement durable). Auguste Perret préconisait une modernisation des équipements en prenant en considération la vie des ménages peu avant que la société de consommation ne prenne son essor: intérieurs au carré, rationalisés, fonctionnels.

Du béton «chiffonné» au béton traité, coloré, hydrofugé, ou ciré

En utilisant un béton mouchardé laissant apparaître des graviers rouges et gris sur fond blanc, et en le travaillant comme de la dentelle en rainurant des colonnes, Auguste Perret -tout comme  l’architecte Le Corbusier- a en quelque sorte ouvert la voie pour une utilisation plus sophistiquée du matériau. A l’origine d’aspect brut et gris, froid et triste, le béton est aujourd’hui considéré comme un matériau «noble» et «tendance». Ultra performant et extrêmement résistant, il permet aussi toutes les audaces: «chiffonné», traité, coloré, hydrofugé, ou ciré, il offre de belles patines très utilisées par les architectes et les décorateurs contemporains qui rendent hommage à la «poétique du béton» d’Auguste Perret et à un «matériau polymorphe fabuleux», selon les propos de l’architecte designer Francesco Passaniti.

Longtemps perçue comme une ville deux fois détruite, par les bombardements puis par la reconstruction, la ville du Havre est désormais réhabilitée par un courant de modernisme qui salue l’esthétique avant-gardiste d’Auguste Perret. Souffrant encore trop de sa griffe de ville industrielle grise et dessinée au cordeau, la ville espère désormais modifier son image de marque, inverser la donne et faire valoir sa modernité avant l’heure: son inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco permettra sans conteste au Havre d’attirer l’attention des touristes.


par Dominique  Raizon

Article publié le 15/07/2005 Dernière mise à jour le 16/07/2005 à 11:55 TU

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Antoine Rufenacht

Maire du Havre

«Cette reconnaissance est en effet pour les Havrais un sujet de fierté formidable.»

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