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Patrimoine mondial

Mise en lumière de l'univers saharien

Arnaud Contreras est parti en quête des pressions subies par les populations dans un environnement âpre et parfois hostile. 

		(Photo: Arnaud Contreras)
Arnaud Contreras est parti en quête des pressions subies par les populations dans un environnement âpre et parfois hostile.
(Photo: Arnaud Contreras)
Le programme transversal de l’Unesco le Sahara des cultures et des peuples sensibilise au respect des patrimoines naturels et culturels sahariens.

Faisant appel à des photographes -réalisateurs, reporters, designers- des archéologues et des chercheurs, Hervé Barré et Laure Veirier ont programmé des Rencontres sahariennes à l’Unesco. Découverte de l’univers visuel et sonore du Sahara à travers une grande exposition de photos et des projections de films documentaires, le but de l’opération est surtout de responsabiliser les décideurs du tourisme car si cette activité peut constituer une véritable ressource économique, l’écosystème saharien est extrêmement fragile et le tourisme ne doit pas être simplement esthétisant, ni se développer de manière anarchique.

Le film documentaire le Sahara des cultures et des peuples, campe le décor relatif à la problématique de toute la région saharienne qui couvre huit millions de km2: la population vit dans un grand dénuement et se paupérise de plus en plus, alors que le Sahara est riche d’intérêts culturels. L’exposition de photos donne à découvrir des visages, beaucoup de visages: une manière de montrer que le désert est habité de populations qui ont su conserver des traditions séculaires. Elle rend compte aussi du caractère grandiose et magnifique des étendues, de la sauvagerie des forces qui ont façonné le paysage, de la richesse des couleurs, de la végétation et de la faune: il y a les lieux mythiques comme Agadez au sud du Sahara, Tombouctou au Mali, le désert de Tassili au sud de l’Algérie, ou bien encore les dunes dissymétriques de l’erg du Ténéré.

Les treize photographes reporters ont entrepris des voyages différents: parmi eux, on citera Arthur Andrieu, qui est parti au Mali pour remonter aux racines du blues, une musique née du commerce triangulaire et des champs de coton; Arnaud Contreras est parti en quête des pressions subies par les populations dans un environnement qui, s’il est beau, est également âpre et parfois hostile et il a cherché à comprendre les stratégies de réponses mises en place par les populations; Julien Cresp est parti en quête de poésie minérale et Jean-Marc Durou a voulu souligner la rudesse du biotope et les dangers qui pèsent sur le nomadisme. Tadzio Pacquement, à travers des photos extrêmement graphiques prises dans le désert du Niger, met en relief un environnement vide et silencieux.

Le Sahara est contrasté, immense et riche, complexe et diversifié, vaste et fragile, mais s’il est symbole d’évasion et de liberté pour les pays industrialisés consommateurs de tourisme, le Sahara est aussi synonyme de grande pauvreté pour les autochtones confrontés au problème majeur de l’aridité et du manque d’eau. Avec des dépressions dont le niveau est inférieur à celui de la mer, et des massifs qui dépassent les trois mille mètres, le Sahara repose à son est et à son ouest sur les restes du bouclier africain qui appartenaient au continent originel. Les parties les plus arides du Sahara (Egypte, Libye, Mauritanie) s’opposent aux vallées permanentes plus ou moins étendues dans la partie centrale bordée par des massifs (Atlas, Hoggar, Tassili, Tibesti).

Le tourisme comme moyen de lutter contre la pauvreté

C’est dans la perspective d’une lutte contre la pauvreté que le projet intitulé le Sahara des cultures et des peuples essaie de mettre en place une stratégie pour un développement durable du tourisme au Sahara comme levier d’activité économique dans des régions parfois très isolées. Il ne s’agit pas pour autant d’envisager un tourisme de masse. Les capacités d’accueil ne sont pas requises la plupart du temps : la pénurie d’eau constitue un handicap pour les populations locales -qui ont toutefois adapté leurs modes de vie aux contraintes- mais elle est un réel obstacle à la création d’infrastructures hôtelières comprenant par exemple des salles d’eau. Il ne s’agit pas non plus de gaspiller des ressources locales: la cuisine au feu de bois et le feu de camp pourront satisfaire un touriste avide d’exotisme et de retour aux sources, mais le bois pousse lentement et il serait préférable d’utiliser le réchaud à gaz au risque sinon de déséquilibrer les ressources locales et de dégrader l’environnement.

Hervé Barré insiste sur le fait que ce tourisme doit être considéré avant tout comme un moyen de lutter contre la pauvreté, et non comme une finalité, au risque sinon d’être terriblement prédateur. Les populations doivent pouvoir être actrices de leur développement: l’activité doit redynamiser l’économie des populations dans les régions enclavées et pauvres, permettre de réhabiliter le patrimoine local et revitaliser les savoir faire ancestraux par le biais de création de petites coopératives, de fabrication et de vente d’objets artisanaux. En imaginant des mises en réseau des différentes associations locales, l’Unesco entend donc favoriser un tourisme éthique et solidaire qui, certes, apporte des devises aux populations locales, mais qui génère sur place une réelle activité lucrative.

Le programme intitulé le Sahara des cultures et des peuples attire également l’attention des industriels, appelés à s’impliquer financièrement dans la protection de l’environnement. A titre d’exemple, exploiter les richesses pétrolières rapporte beaucoup d’argent, et le prospecter occasionne de grands dégâts. En contrepartie, la responsabilité des industriels devrait être davantage impliquée dans des programmes de financement à des fins éducatives. A titre d’exemple, le gouvernement libyen, soucieux de préserver la faune, la flore et les sites archéologiques du sud, a commandé une mission d’expertise: elle a révélé que de grands boulevards, créés pour la circulation des pétroliers, ont rendu pénétrables en 4x4 des voies jusque-là inaccessibles; en conséquence de quoi, des sites jusque-là naturellement protégés ont été dégradés. Sans doute serait-il, alors, équitable que ces mêmes industriels financent des formations locales pour sensibiliser les populations locales à l’art rupestre et à l’archéologie. Une manière de sensibiliser les autochtones à la richesse de leur patrimoine. Un moyen aussi de contribuer à la protection de ce dernier et d'éviter qu'il soit bradé  contre quelques devises.

Pour en savoir plus:
http://www.a360.org/rencontres



par Dominique  Raizon

Article publié le 16/05/2005 Dernière mise à jour le 16/05/2005 à 10:40 TU