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Patrimoine

La Chine souhaite récupérer ses biens

Le Chine se réveille et s'affole : mais où est donc passé son patrimoine ?(Photo : AFP)
Le Chine se réveille et s'affole : mais où est donc passé son patrimoine ?
(Photo : AFP)
En Chine, des experts en œuvre d’art entament un programme de recensement de tous les sites archéologiques ou historiques pillés, et des trésors culturels volés entre 1840 et 1949. Ils comptent rapatrier sur le sol chinois les pièces appartenant à leur patrimoine, témoignant de la grandeur de l’empire du Milieu.

La Chine se réveille et s’affole : mais où donc est passé son patrimoine ? l’Unesco estime à 1,67 millions les biens culturels détenus par plus de deux cents musées de 47 pays. Quant à l’évaluation des trésors détenus par des particuliers étrangers, elle serait dix fois supérieure. Les causes de cette hémorragie sont variées. Butin de guerre, les objets ont pu être pillés lors de razzia étrangères. Ce fut le cas au cours de la seconde guerre de l’opium en 1860, lorsque les armées française et britannique ont incendié et ravagé Yuanmingyuan, le Jardin de la perfection et de la clarté du palais d’été des empereurs Qing, au nord de Pékin ; ce le fut aussi, en juillet 1937, quand les armées japonaises sont entrées dans Pékin : le palais de la Cité interdite a été vidé de ses trésors.

La guerre civile entre le kuomintang et les communistes a eu également sa part des responsabilités dans l’éparpillement des trésors dans différentes provinces chinoises. Par ailleurs, plus de 600 000 pièces appartenant aux anciennes collections impériales sont parties à Taïwan dans le sillage de Tchang Kaï-chek . Aujourd’hui, le régime communiste réclame la restitution à la «mère patrie» de biens spoliés, tandis que les héritiers du kuomintang considèrent, quant à eux, que ces trésors, loin d’avoir été volés, ont plutôt été sauvés de la Révolution culturelle qui voulait faire table rase du passé.

«Il n’y aura pas de chasse aux sorcières aléatoire»

Enfin, la convoitise d’amateurs d’art éclairés constitue un troisième facteur de nuisances, car elle entretient un marché extrêmement florissant. Peu ou prou surveillés, les trésors directement volés dans les musées, les temples bouddhistes ou taoïstes, et sur les sites historiques continuent d’alimenter un marché d’antiquaires et de collectionneurs. Cette hémorragie des richesses culturelles devient d’autant plus préoccupante que le trafic international des antiquités et des œuvres d’art est en pleine expansion, et que les autorités chinoises ne parviennent plus à contrôler les circuits. Il y a dix ans, la plaque tournante était Hong Kong, mais aujourd’hui les objets quittant le sol chinois empruntent plus de cent routes.

Le quotidien chinois China Daily signalait mercredi que le programme conduit par Zhang Yongnian, et dirigé par Wang Weiming, prévoyait un travail en deux temps : le recensement des pièces ayant quitté la Chine pendant la période 1840-1949 puis l’établissement d’une liste des trésors devant impérativement regagner le sol chinois. Wang Weiming a souligné qu’«il n’y aura pas de chasse aux sorcières aléatoire» (there would be no indiscriminate witchhunt). Xie Chenseng, un expert en protection des biens culturels, a également insisté sur le fait que «la richesse spirituelle peut être partagée par le monde entier, mais pas la propriété» (The spiritual wealth can be shared by the whole world, but not the ownership).  Pour autant, Wang Weiming, ferme mais discret sur sa volonté de rapatrier «un objet artistique reconnaissable» (a recognized artistic treasure) -mais sans exemple cité-  a ajouté qu’il ne s’agissait pas «de récupérer tous les vestiges entreposés dans les musées étrangers» (we don’t mean to retrieve all the chinese relics stored in foreign museums).

d’interminables débats…

Contact pris à l’Unesco à Paris, ce programme intitulé China national administration for cultural heritage («administration nationale chinoise en faveur de l’héritage culturel») ne relève pas des programmes mis en place par l’Unesco. Cependant, depuis 1970, une convention de l’Unesco, non rétroactive, contribue à la lutte contre le pillage et le trafic des biens culturels. C’est désormais sur l’application de cette convention qu’il s’agit, pour les pays signataires, de porter toute leur attention, les filières internationales étant de plus en plus organisées pour  approvisionner le marché d’œuvres originaires d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine sous la coupe de spéculateurs qui approvisionnent les collectionneurs et les musées toujours insatiables.

La notion de pillage culturel donne lieu à d’interminables débats. Les grands musées d’Europe et d’Amérique du Nord sont les premiers à se trouver dans le collimateur des pays réclamant justice et restitution de leur héritage. Parallèlement ces grands musées font valoir qu’ils ont littéralement participé à la sauvegarde de ces trésors culturels, et à leur transmission, qu’ils ont contribué par là-même à l’évolution des mentalités, à la prise de conscience de la valeur des patrimoines de chacun, et à une forme d’humanisme dépassant le cadre des nationalismes étroits.

Par ailleurs, si l’on ne manque pas d’exemples de sites pillés pour alimenter clandestinement des musées (Angkor au Cambodge par exemple tourne au constat de sinistre), il convient de souligner que toutes les œuvres réunies dans les musées ne sont pas le fruit d’exactions. L’Unidroit, c’est-à-dire l’Institut international pour l’unification du droit privé, est une organisation intergouvernementale créée en 1926 qui siège à Rome et dont le but est d’étudier les moyens d’harmoniser et de coordonner le droit privé entre les Etats ou les groupes d’Etats», permettant aux Etats d’engager des procédures quand ils peuvent prouver que les biens ont été exportés de manière illicite. Le code de déontologie du conseil international des musées (Icom) stipule que les musées ne doivent pas acquérir d’objet sans en connaître la provenance ni sans disposer de documents légaux les concernant.


par Dominique  Raizon

Article publié le 14/04/2005 Dernière mise à jour le 14/04/2005 à 16:15 TU