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Irak

Saddam inculpé, bientôt jugé

En attendant d’être jugé, Saddam Hussein reste incarcéré sous la garde des Américains dans un lieu tenu secret.(photo : AFP)
En attendant d’être jugé, Saddam Hussein reste incarcéré sous la garde des Américains dans un lieu tenu secret.
(photo : AFP)
Après 19 mois de détention, l’ancien président irakien pourrait être jugé « dans les prochains jours », a indiqué le Tribunal spécial irakien après avoir formulé dimanche la première des douze inculpations contre Saddam Hussein. L’ex-président devra répondre du massacre de plus d’une centaine de civils chiites dans le village de Doudjaïl, au nord de Bagdad, en 1982. Si ces tueries passent pour être « mineures » au tableau des atrocités commises par le raïs au cours de son règne, les magistrats instructeurs espèrent avec cette affaire disposer de suffisamment de preuves pour requérir la peine de mort.

Les images de Saddam Hussein sur le banc des accusés pourraient bientôt envahir les télévisions du monde entier. Le Tribunal spécial irakien a formulé dimanche la première des douze inculpations énoncées contre l’ex-raïs irakien, laissant espérer un jugement prochain. « La date du procès sera fixée dans les jours prochains par les membres de la cour criminelle », a déclaré dimanche le principal magistrat instructeur du Tribunal spécial irakien (TSI), Raëd Jouhi.

Accusé de génocide et de crimes contre l’Humanité, avec notamment la mort de milliers d'Irakiens chiites et kurdes, pendant son règne, entre 1968 et 2003, l’ancien chef d’Etat irakien comparaîtra d’abord pour le massacre de quelque 140 civils, à Doudjaïl, en 1982. A l’époque, il aurait ordonné un assaut sur ce village chiite, situé à 40 kilomètres au nord de Bagdad, en représailles à une embuscade tendue contre son cortège. Des dizaines d’habitants avaient été exécutés, plusieurs centaines d’autres torturés et emprisonnés, parmi lesquels des vieillards, des femmes et des enfants.

Une quantité de preuves et de témoins

Contrairement aux Kurdes d’Halabja ou aux chiites de Basr, les habitants de Doudjaïl ne sont pas les victimes les plus célèbres de l’ère Hussein. Ils sont pourtant appelés à devenir les premiers Irakiens à témoigner contre leur ancien président devant une cour de justice. Car dans cette affaire, le TSI estime disposer d’une « quantité de preuves » et de témoins, largement suffisante pour faire tomber Saddam, ainsi que trois de ses anciens collaborateurs, parmi lesquels figure le demi-frère du raïs, Barazan Ibrahim, chef des services de renseignement de l’époque. Pour le nouveau gouvernement irakien, cet épisode recouvre également une valeur particulièrement symbolique, dans la mesure où de nombreuses personnes impliquées dans cette tentative d’attentat étaient en relation avec le parti chiite Daawa du Premier ministre Ibrahim Jaafari.

L’annonce d’un procès imminent intervient à point nommé pour bon nombre de responsables irakiens : le TSI n’en finit pas de subir les critiques d’une partie de l’opinion qui fustige sa lenteur à boucler les instructions et le manque d’indépendance de la cour. Pour pallier ces critiques, le tribunal, mis sur pied par l’ancien administrateur américain Paul Bremer en 2003, et composé de magistrats irakiens, pourrait faire, dans les jours à venir, l’objet d’une procédure de réorganisation, visant à combler certains vides juridiques. Beaucoup voient dans cette loi un prélude au procès.

Une procédure délicate avant le scrutin présidentiel de décembre

Par le passé, de nombreux hommes politiques irakiens avaient également annoncé l’imminence d’un procès de Saddam, notamment pour dissuader toute action de la part des insurgés soutenus par les services secrets du parti Baas. Il est toutefois probable que l’expression « dans les jours prochains » renvoie davantage à l’examen des motions préliminaires qu’à l’ouverture proprement dite d’un procès, dans la mesure où la justice irakienne prévoit un délai de 45 jours entre la clôture de l’instruction et le début du jugement.

Du côté de certains procureurs irakiens et de leurs « adjoints » américains, on mise plutôt sur 2006, après les procès des ex-bras droits de Saddam Hussein. Une manière de passer le cap houleux du scrutin présidentiel prévu en décembre, et de respecter une procédure équitable, selon les vœux de la communauté internationale.

En attendant d’être jugé, Saddam Hussein reste incarcéré sous la garde des Américains dans un lieu tenu secret, depuis sa capture près de Tikrit, sa ville natale, en 2003. L’instruction se poursuit au sujet de ses autres crimes, comme les opérations Anfal contre la population kurde, de février à septembre 1988, le gazage des Kurdes à Halabja mars 1988, ou la guerre contre l’Iran. Téhéran a d’ailleurs d’ores et déjà demandé à Bagdad de veiller à ce que Saddam Hussein réponde de ses crimes perpétrés contre la République islamique entre 1980 et 1988.


par Julie  Connan

Article publié le 18/07/2005 Dernière mise à jour le 18/07/2005 à 16:45 TU