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Union européenne

La France rechigne à transposer les directives

Il existe deux types de transposition des directives européennes, l'une relève du gouvernement, l'autre du Parlement.(Photo : AFP)
Il existe deux types de transposition des directives européennes, l'une relève du gouvernement, l'autre du Parlement.
(Photo : AFP)
Lors du dernier conseil des ministres, le président Chirac a battu sa coulpe au sujet de la transposition des directives européennes dans le droit français. La France, très en retard sur ce point, porte le bonnet d’âne des pays européens, et se classe péniblement à la 17e place sur 25. Malgré les coups de semonce financiers lancés par la Cour européenne de justice, l’Etat a mis longtemps avant de se mettre à la tâche. Elle espère désormais atteindre d’ici à 2006 l’objectif de 1,5% de déficit de transposition fixé par le Conseil européen.

A force de gloser sur la directive Bolkestein, on en oublierait presque qu’il existe d’autres directives, certes moins connues mais tout aussi polémiques : sur la pêche, les droits d’auteur ou encore la libéralisation des chemins de fer. Pour entrer en vigueur, ces directives, – l’équivalent des lois-cadres européennes – doivent être transposées dans le droit national de chacun des pays membres, qui disposent de 18 mois à deux ans en moyenne selon les directives pour s’y conformer.  

Et c’est là que le bât blesse pour la France, qui a pris tout son temps avant de se mettre à l’œuvre pour intégrer les textes européens dans sa législation, jusqu’à accumuler un retard substantiel. « Il y a trois ans, nous étions les plus mauvais élèves de l’Union européenne. Ce n’était pas de la mauvaise volonté, mais on ne s’en préoccupait pas. On commençait à regarder de quoi la directive parlait quelques semaines seulement avant la fin du délai de transposition », se rappelle Christian Philip, député UMP, auteur du rapport annuel sur la transposition des directives européennes. Conséquence, la France, régulièrement blâmée par Bruxelles, atteint la 17e place sur 25, selon les scores publiés lundi dernier par la Commission. Pis, elle est même coiffée au poteau par trois nouveaux entrants qui contribuent à améliorer la performance globale, actuellement à 1,9%.

Depuis deux ans, Paris a tenté de rattraper son retard, en mettant en œuvre une série de mesures qui commencent doucement à porter leurs fruits : en un an, le nombre de directives non-transposées est passé de 4,1% à 2,4%. Ce volontarisme politique s’est notamment manifesté par la création de nouveaux instruments en 2004, qui sanctionne notamment la mise en place d’un « groupe à haut niveau ». Sous forme de réseau interministériel, ce groupe est chargé de résoudre les difficultés liées à la transposition, sous la houlette du Secrétariat général du gouvernement (SGG), qui fixe un échéancier à la lumière des modifications nécessaires dans le droit national. Deux types de transposition sont ensuite possibles, l’une dite technique relève de la compétence réglementaire et donc du gouvernement, l’autre, dite législative relève du parlement.

20 millions d’amende forfaitaire

La France compte actuellement environ 70 transpositions de retard. 18 d’entre elles accusent un retard de transposition de plus de deux ans. « Le gouvernement entend réduire le taux de directives européennes non-transposées à 2% d’ici la fin de l’année. Nous ne serons jamais les meilleurs en la matière en Europe, mais nous espérons atteindre l’objectif européen de 1,5% d’ici à 2006 », explique Christian Philip. Sur le banc des mauvais élèves figurent également l’Italie (4,1% de déficit), ainsi que le Portugal particulièrement dissipé depuis que José Manuel Durao Barroso est à la tête de la Commission européenne.

Pour respecter ces objectifs, le président de la République a tenu à rappeler à l’ordre les membres du gouvernement, en conseil des ministres. « J’attends de vous une implication personnelle et politique pour que la France pèse de tout son poids dans l’élaboration et la négociation des textes communautaires », a demandé mercredi Jacques Chirac, en appelant de ses vœux une pleine utilisation des rendez-vous mensuels du Parlement.

Par le passé, Bruxelles a déjà sanctionné la France accusée de « manquement grave et persistant au droit communautaire »: le 12 juillet dernier, la Cour européenne de justice (CEJ) lui a ainsi infligé une amende forfaitaire de 20 millions d’euros pour non-respect d’un arrêt sur la pêche, rendu en 1991. Tant qu’elle ne se conformera pas à cet arrêt, la France devra en outre acquitter une astreinte semestrielle de 57,7 millions d’euros. Malgré ces sanctions, l’optimisme prime, comme le souligne Christian Philip. « La Commission est consciente que la France est en train de bouger pour combler son retard, elle n’a donc pas de raison de se montrer agressive à notre égard. Au rythme de deux transpositions par an, nous pouvons y arriver ». Du côté de l’opposition, on voit plutôt cette prise de retard comme une marque de frilosité à se confronter à l’opinion publique. « Le gouvernement a peur de se faire tirer l’oreille en présentant ces directives qui sont pour la plupart d’inspiration libérale, et qui conviennent peu au modèle social français », estime le député socialiste européen, Henri Weber.


par Julie  Connan

Article publié le 21/07/2005 Dernière mise à jour le 02/08/2005 à 10:18 TU