Union européenne
Le Parlement vote pour la limitation du temps de travail
(Photo : AFP)
Mauvais temps pour les directives européennes. Le Parlement a définitivement abandonné l’idée de les adopter sans y regarder de plus près. Après la libéralisation des services, c’est aujourd’hui au tour du temps de travail de passer à la moulinette parlementaire. Il est vrai que la grand débat engagé autour de la ratification de la Constitution européenne, en France notamment, y est peut-être pour quelque chose. L’épouvantail de l’Europe ultra-libérale agité tant et plus par les partisans du «non» au traité incite certainement à la vigilance sociale du côté de Strasbourg.
Du coup, la proposition de directive transmise par la Commission de Bruxelles pour modifier la précédente législation, adoptée en 1993, a subi un toilettage sous la houlette du député socialiste espagnol Alejandro Cercas, rapporteur de la commission des Affaires sociales du Parlement. La Commission proposait, par exemple, de conserver mais d’encadrer plus strictement, pour éviter les abus, la clause d’exemption individuelle ou «opt out» qui permet, après accord avec un salarié, de dépasser le plafond des 48 heures de travail hebdomadaires. Cette dérogation arrachée de haute lutte par le gouvernement conservateur de John Major en 1993, a surtout été utilisée en Grande-Bretagne au nom d’un principe cher aux entreprises d’Outre-Manche : la flexibilité du travail jugée indispensable pour permettre d’assurer l’emploi. Elle a aussi permis dans des pays comme la France, l’Allemagne ou l’Espagne de s’adapter aux contraintes dans le secteur médical.
Le texte proposé à l’examen des parlementaires par Alejandro Cercas va plus bien loin en préconisant purement et simplement la suppression de l’«opt out» après une période de transition de 36 mois. Les parlementaires ont, en revanche, concédé un aménagement sur l’autel de la flexibilité en ne rejetant pas le principe de l’annualisation du décompte du temps de travail. La moyenne de 48 heures hebdomadaires pourrait donc être calculée sur 12 mois, et non plus seulement 4 comme actuellement.
La Grande-Bretagne est contre la fin de l’ «opt out»
Le député Alejandro Cercas a pris le contre-pied de la Commission sur un autre point controversé : l’inclusion des temps de garde dans le temps de travail. Là où Bruxelles avait préconisé que «la période inactive du temps de garde» ne soit pas comptabilisée en tant que temps de travail, Strasbourg a préféré une option qui prévoit au contraire que la totalité du temps de garde soit considérée comme du temps de travail. Tout en laissant quand même la possibilité aux Etats de «comptabiliser différemment» le temps inactif.
En obtenant le vote de ce texte par 345 voix contre 264 et 43 abstentions, Alejandro Cercas a réussi à faire passer l’idée que ce projet représentait un compromis acceptable pour assurer à la fois «la sécurité et la flexibilité». Il est vrai que même du côté des députés européens britanniques travaillistes, des voix se sont élevées pour affirmer que ces modifications plus sociales étaient nécessaires, malgré l’opposition manifestée vivement par le gouvernement de Tony Blair, pourtant dans le même camp politique. Stephen Hughes, membre du Parti des socialistes européens a ainsi déclaré : «Nous ne voulons pas de l’opt out, ce que nous voulons c’est trouver le juste équilibre entre le travail et la vie privée en Grande-Bretagne et dans les autres pays de l’UE».
Après avoir été adopté en première lecture par le Parlement, le texte amendé de la nouvelle directive sur le temps de travail doit maintenant être examiné par le Conseil des ministres. Le processus d’adoption des législations au sein de l’Union accorde, en effet, le pouvoir de co-décision au Parlement et aux Etats, alors que la Commission est chargée de la proposition. Le Conseil doit se réunir début juin –soit après le référendum français sur la Constitution prévu le 29 mai– pour examiner le projet. Il ne sera vraisemblablement pas aisé d’obtenir un compromis au sein de cette assemblée, tant les Etats sont divisés concernant notamment le régime d’exception auquel le Parlement voudrait mettre fin.
La Grande-Bretagne a déjà fait part de son opposition ferme à la fin de l’opt out. D’autres Etats se sont alignés sur les propositions de la Commission. Et un troisième groupe, où se trouve la France, milite pour le projet adopté au Parlement. La Commission a, quant à elle, fait savoir qu’elle ne pouvait accepter la suppression pure et simple de la clause dérogatoire. Une autre donnée intervient dans le jeu institutionnalo-politique européen : à partir du 1er juillet, c’est la Grande-Bretagne qui prend la présidence de l’Union européenne.
par Valérie Gas
Article publié le 11/05/2005 Dernière mise à jour le 12/05/2005 à 16:39 TU