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Commission européenne

Report d’une défaite annoncée

Devant le Parlement européen, le président de la future Commision européenne, José Manuel Durao Barroso a annoncé le retrait de son équipe pour éviter un rejet par les eurodéputés. 

		(Photo : AFP)
Devant le Parlement européen, le président de la future Commision européenne, José Manuel Durao Barroso a annoncé le retrait de son équipe pour éviter un rejet par les eurodéputés.
(Photo : AFP)
Le président de la future Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, a finalement renoncé à faire voter, le 27 octobre, les eurodéputés sur l’investiture de son équipe, comme cela était initialement prévu. Malgré ses tentatives pour imposer coûte que coûte la présence de l’Italien Rocco Buttiglione, mis en cause pour ses propos sur l’homosexualité et les femmes, il a dû plier devant la fronde d’une majorité de parlementaires décidés à refuser de donner leur feu vert à l’entrée en fonction d’une telle Commission.

Contre mauvaise fortune bon cœur, José Manuel Durao Barroso a préféré demander un report du vote sur la nouvelle Commission européenne plutôt que de subir d’entrée l’affront d’un désaveu de la part des eurodéputés. Mais il a attendu la dernière limite pour l’annoncer -juste avant l’ouverture de la séance d’investiture-, tentant jusqu’au bout de faire valoir son point de vue et de convaincre les parlementaires de lui accorder leur confiance. Ses efforts ont été vains.

Depuis la veille déjà, il semblait impossible d’obtenir une majorité en faveur de l’équipe proposée par Barroso. La quasi-totalité des membres du groupe socialiste -soit 200 députés- avaient, en effet, annoncé leur intention de lui refuser l’investiture. De même, pour une majorité des membres du groupe des démocrates-libéraux (ADLE) qui compte au total 88 députés, pour les Verts (42 sièges), l’extrême-gauche (41 sièges) et de nombreux députés souverainistes. Le président de la future commission ne pouvait plus espérer obtenir, dans ce décompte, que le soutien des 262 représentants du Parti Populaire Européen (démocrate-chrétien) et de 27 nationalistes. Le Britannique Graham Watson, responsable de l’ADLE, avait d’ailleurs conclu dès mardi : «Il semble que la commission va être battue».

«Incapable de diriger l’Europe»

Le plaidoyer de José Manuel Durao Barroso et son appel «au sens des responsabilités» des parlementaires n’ont pas réussi à sensibiliser les eurodéputés. Au contraire, son attitude obstinée semble même avoir irrité sur les bancs du Parlement. A tel point que l’Autrichien Hannes Swoboda, vice-président du groupe socialiste, a estimé que la décision de Barroso de ne pas céder montrait que le Portugais était «incapable de diriger l’Europe». En refusant de modifier la composition de son équipe et en décidant de conserver Rocco Buttiglione au poste de commissaire à la Justice, la Sécurité et la Liberté, il n’a pas pris en compte l’exaspération provoquée par les propos de l’Italien. Il est vrai qu’en parlant notamment de «péché» pour désigner l’homosexualité et d’«inquisition anti-chrétienne», Rocco Buttiglione n’y est pas allé avec le dos de la cuiller sur les sujets qui fâchent.

Même le président du conseil italien, Silvio Berlusconi, conscient de l’issue inévitable d’un vote sur une commission présentée telle quelle, a tenté en dernier recours de convaincre Buttiglione de revenir en arrière et de faire «un geste noble» pour éviter une crise préjudiciable à l’Europe et à l’Italie, alors que ce pays doit accueillir le 29 octobre l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement pour la signature officielle de la nouvelle Constitution. Son appel n’a pas été entendu. Rocco Buttiglione ne s’est pas retiré de la Commission.

Si la demande de report du vote évite une crise inédite provoquée par le désaveu d’une Commission avant même qu’elle n’entre en fonction, cette situation est tout de même une source de problèmes face auxquels il va falloir improviser. De fait, l’entrée en fonction de la nouvelle Commission, prévue le 1er novembre, est repoussée. José Manuel Durao Barroso a demandé un délai pour consulter de nouveau les représentants des Etats européens, notamment à l’occasion des sommets qui doivent avoir lieu à Rome les 28 et 29 octobre et à Bruxelles le 5 novembre. Il espère pouvoir faire une nouvelle proposition acceptable par les eurodéputés d’ici quelques semaines mais, prudent cette fois-ci, il a déclaré : «Il est mieux de prendre du temps pour que les choses soient bien faites». Dans l’intervalle, la Commission de Romano Prodi assurera l’intérim. Reste à savoir si José Manuel Durao Barroso réussira à retrouver la totalité de son capital confiance, après en avoir perdu une grande partie dans cette affaire.

par Valérie  Gas

Article publié le 27/10/2004 Dernière mise à jour le 27/10/2004 à 12:29 TU

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Louis Michel

«Le président Barroso a tiré comme conclusion que aujourd'hui, le risque était trop grand d'avoir une majorité trop courte ou peut-être même de ne pas avoir de majorité du tout. Et il ambitionne pour la commission: efficacité, crédibilité et légitimité.»

[27/10/2004]

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