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Union européenne

La nouvelle Commission n’est pas bien partie

Jose Manuel Durão Barroso (à g.) et Rocco Buttiglione. Le nouveau président de la Commission européenne a du mal à imposer ses commissaires face au Parlement. 

		(Photo: AFP)
Jose Manuel Durão Barroso (à g.) et Rocco Buttiglione. Le nouveau président de la Commission européenne a du mal à imposer ses commissaires face au Parlement.
(Photo: AFP)
José Manuel Durão Barroso, président de la prochaine Commission européenne, ne changera pas la répartition des portefeuilles au sein de son équipe. Cela a été annoncé à Bruxelles, à l’issue d’une rencontre entre le futur président de la Commission et les dirigeants des principaux partis du Parlement européen. Malgré ses propos rétrogrades sur les femmes et les homosexuels, Buttiglione fera partie de l’équipe de commissaires. Ses attributions seront légèrement réduites.

Malgré ses propos controversés sur l’homosexualité et la famille, Rocco Buttiglione sera, comme prévu, nommé commissaire européen chargé de la justice et des affaires intérieures. M. Barroso, le futur président de la Commission, a décidé de ne rien changer à l’attribution des portefeuilles. La seule concession faite aux parlementaires européens, indignés par les déclarations de l’homme politique italien, revient à lui enlever la responsabilité de la lutte contre les discriminations et le harcèlement sexuel. M. Barroso s’en chargera en personne.

L’homosexualité est «un péché»

Rocco Buttiglione a été choisi par Silvio Berlusconi pour devenir commissaire à Bruxelles et représenter l’Italie au sein de la nouvelle Commission. Dès le départ, il est prévu que Rocco Buttiglione devienne commissaire à la Justice, la Liberté et la Sécurité. Mais le 5 octobre dernier, son audition par la commission des Libertés du Parlement européen, fait scandale. L’homme politique italien déclare que l’homosexualité est «un péché». Interrogé sur le mariage homosexuel,  Buttiglione répond que «la famille existe pour permettre à la femme d’avoir des enfants et d’être protégée par son mari». Le Parlement est en émoi et récuse cette candidature, qu’il doit aujourd’hui accepter.

Ce n’est pas la première fois que l’ancien ministre des Affaires européennes de Silvio Berlusconi prend des positions très conservatrices. En juin 2001, alors que le gouvernement Berlusconi vient d’être nommé, Buttiglione se lance aussitôt dans une croisade anti-avortement. Il soutient une proposition de loi de son parti qui veut remettre en cause la législation italienne autorisant l’avortement. Rocco Buttiglione annonce également  qu’il va se battre pour «obtenir l’égalité entre école privée et école publique, en particulier pour les financements de l’Etat». Un an plus tôt, l’homme politique italien s’en était pris à la Gay Pride, une «provocation» qui appelle «à la révolution sexuelle». Déjà à cette époque, il prône une «attitude de compassion envers les homosexuels» et il ajoute que cette attitude doit s’accompagner d’une «condamnation de l’homosexualité, qui demeure un péché».

Une vision « intégraliste » de la société

Avant la décision de M. Barroso de maintenir M. Buttiglione dans les attributions prévues, ce dernier avait reçu le soutien appuyé du Vatican. D’abord parce que M. Buttiglione est proche du pape, il a rédigé plusieurs encycliques. Mais surtout, Rocco Butiglione fait partie du mouvement Communion et Libération, qui propose à ses militants une vision «intégraliste» de la société, où l’engagement politique ne se distingue pas de l’appartenance catholique. Après les derniers dérapages verbaux du nouveau commissaire italien, le Vatican a volé à son secours en parlant de «discrimination». On veut «intimider» les catholiques, a déclaré Renato Martino, cardinal de la Curie romaine.

Autre soutien de marque à M. Buttiglione, celui de Francesco Cossiga, ancien président italien. Il a approuvé les propos du cardinal Renato Martino et a accusé les détracteurs du futur commissaire de «sectarisme». «Je préférerais un gouvernement islamique à celui de M. Chirac, il n’y a pas de pire sectarisme que celui des laïcs», a ajouté M. Cossiga, à l’occasion de la présentation d’un livre, à Rome.

Qu’il s’agisse des femmes ou des homosexuels, les droits acquis durant les dernières décennies sont aujourd’hui remis en cause à l’occasion d’un face-à-face entre partisans d’une société «christianisée» et les autres, laïcs, qui veulent maintenir une séparation entre les religions et l’Etat. Le débat sur la Constitution européenne avec, ou pas une marque de la composante chrétienne, apparaît en filigrane. Idem pour les débats sur l‘entrée de la Turquie, pays musulman, dans l’Union.

Impossible de récuser tel ou tel commissaire

Pour l’heure, l’investiture, la semaine prochaine, de la nouvelle équipe de direction de l’Union, n’est pas gagnée. Après cette réunion de jeudi, le maintien de Rocco Buttiglione au prochain poste de commissaire chargé de la Justice et des Affaires intérieures a fait des remous à Bruxelles. «Cette situation est inacceptable», a dénoncé dans un communiqué le groupe des eurodéputés socialistes. Les parlementaires européens libéraux et Verts ont également mal accueilli le maintien de Buttiglione à son portefeuille. Le chef des eurodéputés libéraux, Graham Watson, a appelé le commissaire Buttiglione à demander à être changé de portefeuille ou à «quitter» la Commission pour aider à sortir de la crise. «Logiquement, il devrait y avoir un refus de la confiance de la part du groupe socialiste, de la part du groupe des Verts, de la Gauche Unitaire Européenne et sans doute d’une large partie du groupe libéral» a déclaré Francis Wurtz, communiste français, chef du groupe de la GUE.

Le 27 octobre c’est-à-dire mercredi prochain, le Parlement européen doit voter pour investir le nouveau collège de commissaires. Il n’est pas possible de récuser tel ou tel commissaire, le vote est global. Un refus d’investiture serait une première et ouvrirait certainement une crise majeure.

par Colette  Thomas

Article publié le 21/10/2004 Dernière mise à jour le 21/10/2004 à 15:13 TU