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Société

Le mariage de Bernard et Stéphane

Le député-maire de Bègles Noël Mamère (centre) qui vient de célébrer le premier mariage d'un couple homosexuel, félicite les mariés, Stéphane Chapin et Bertrand Charpentier  (gauche), le 05 juin à la mairie de Bègles. 
 

		(Photo AFP)
Le député-maire de Bègles Noël Mamère (centre) qui vient de célébrer le premier mariage d'un couple homosexuel, félicite les mariés, Stéphane Chapin et Bertrand Charpentier (gauche), le 05 juin à la mairie de Bègles.
(Photo AFP)
Le député-maire écologiste de Bègles, Noël Mamère, a célébré ce samedi le premier mariage homosexuel de France, en dépit d’une lettre du procureur de la République lui indiquant qu’il n’avait pas «la compétence territoriale» requise pour cela.

En visite à Lyon, le ministre de la Justice, Dominique Perben avait re-précisé à Noël Mamère qu’il s’exposait à des sanctions s’il célébrait ce mariage entre homosexuels. Noël Mamère en a fait fi. Il a uni maritalement Bernard Charpentier, 31 ans, magasinier, et Stéphane Chapin, 33 ans, aide-soignant à domicile.

Les deux hommes sont arrivés à la mairie de Bègles, près de Bordeaux, dans une Rolls-Royce marron, complet gris pour l’un, greige pour l’autre. Ils ont chacun pris un engagement solennel, et prononcé le «oui» de reconnaissance des droits et devoirs que se doivent des époux au regard de la loi, timidement pour l’un, et d’une voix très assurée pour l’autre. Enfin, ils sont sortis sous une pluie de grains de riz rose et blanc, le tout dans la plus parfaite tradition des mariages, et qui plus est avec le soleil au rendez-vous.

La mairie était entourée de cars de CRS, prêts à intervenir en cas de «débordements de nature à troubler l’ordre public». Flashes, caméras, presse, tout a concouru à faire de ce mariage un événement très médiatisé. Certes les deux promis ont été ovationnés à la fois par la famille et par les amis, mais dans les rangs de ceux qui applaudissaient, il fallait compter aussi les sympathisants écologistes venus soutenir la bravoure d’un député-maire défiant les lois de la République, et s’emparant politiquement de l’événement.

«Sauvons les enfants du Marais»

Les sympathisants au mariage entre homosexuels n’ont pas hésité à se produire sur le ton de la provocation. Quatre «Sœurs de la perpétuelle indulgence», un mouvement homosexuel, venues du «Couvent Atlantique sud», brandissaient une pancarte en bois peinte en rose, souhaitant «longue vie aux mariés». L’une d’elles portait une robe de nonne avec cornette blanche, une autre, une robe de mariée sur laquelle était inscrit en lettres rouges «PD». Dans la foule venue soutenir les deux époux, de nombreux manifestants portaient un tee-shirt avec l’inscription «Sauvons les enfants du marais», un quartier gay de la capitale, aux côtés des militants de l’association Act-up.

Du côté des personnalités publiques, une délégation du Manifeste pour l’égalité des droits était également présente à Bègles. Un des avocats, Emmanuel Pierrat, a déclaré : «le mariage sera valide jusqu’à ce qu’un juge prononce l’annulation». Et, Christophe Girard, l’adjoint (représentant des Verts) à la Culture du maire de Paris, Bertrand Delanoë, est apparu en costume bleu et écharpe tricolore dépassant d’une poche, en saluant le «courage politique de Noël Mamère et des mariés».

«Mamère, la loi tu la prends par derrière»

Il n’y avait pas que des sympathisants. Des manifestants ont également répondu à l’appel d’un «Collectif pour le droit des enfants» alors que la communauté homosexuelle revendique de plus en plus son désir d’adoption. Sur la banderole, on pouvait lire «Mamère, la loi tu la prends par derrière», «j’ai deux pères, je n’ai pas de mère, merci Mamère» ou bien encore «Mamère fasciste, il n’y a que ta loi qui existe». Le président du Mouvement pour la France, Philippe de Villiers, était aussi venu protester contre ce mariage «au nom de milliers d’élus locaux et nationaux qui n’acceptent pas cette mascarade», appelant le président de la République à intervenir avec «une parole forte», et demandant au Premier ministre d’engager «immédiatement le processus de révocation du maire de Bègles qui a failli à sa mission».

Bertrand Charpentier et Stéphane Chapin ont donc beau avoir été «unis pour le meilleur et pour le pire», il n’en demeure pas moins que le Code civil n’autorise pas l’union de deux personnes du même sexe. Qui plus est, le procureur de la République, estimant «fictive» l’adresse fournie par les mariés, le maire de Bègles était privé de toute «compétence territoriale» et, de facto, ce dernier ne disposait pas d’autorisation administrative légale pour prononcer le mariage.

Le pire reste donc sans doute à venir, si les deux époux veulent faire reconnaître officiellement une union aujourd’hui encore illégale en France, car d’ores et déjà le procureur de la République de Bordeaux, Bertrand de Loze, a fait savoir son opposition tant sur le fond que sur la forme. Dominique Perben a demandé samedi qu’une «requête en nullité» soit «immédiatement» présentée au tribunal de grande instance de Bordeaux. La célébration du mariage entre deux personnes du même sexe, a été effectuée par Noël Mamère «malgré l’opposition qui lui avait été notifiée le 27 mai par le parquet de Bordeaux. Le député-maire de Bègles, officier d’état-civil, et donc à ce titre agent de l’Etat, (…) s’est mis en toute connaissance de cause dans l’illégalité». Le ministre de la Justice a demandé au parquet de Bordeaux  d’ordonner une enquête judiciaire sur les conditions de la célébration de ce mariage.

En marge de la polémique et du vin d"honneur, les mariés du jour ont espéré faire passer un message simple «Faites comme nous, soyez tolérants, aimez-vous et allez jusqu'au bout de vos rêves».

Le maire de Bègles encourt, quant à lui, des sanctions civiles: la suspension pour une durée maximum d’un mois ou la révocation qui entraîne son inéligibilité pendant un an.



par Dominique  Raizon

Article publié le 05/06/2004 Dernière mise à jour le 05/06/2004 à 13:57 TU

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VERNHES Clarisse

Journaliste à RFI

«Philippe de Villiers s'est invité pour protester contre ce mariage.»

[05/06/2004]

Stéphane Chapin et Bertrand Charpentier, les premiers mariés homosexuels de France.

«On se rend compte qu'on est un symbole.»

[05/06/2004]

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